L’ouest de Laval en ébullition

La perte potentielle de différents espaces verts au profit du développement immobilier dans l’ouest de l’île de Laval inquiète plusieurs citoyens et organismes.
Photo: Adil Boukind Le Devoir La perte potentielle de différents espaces verts au profit du développement immobilier dans l’ouest de l’île de Laval inquiète plusieurs citoyens et organismes.

Le projet du Réseau express métropolitain (REM), qui accélère le développement immobilier et économique en banlieue de Montréal, soulève les inquiétudes de plusieurs résidents, qui craignent de voir leur quartier se transformer au terme de ce chantier, qui leur cause déjà bien des maux de tête. Deuxième texte d’une série de trois.

À Sainte-Dorothée, dans l’ouest de l’île de Laval, le quotidien de nombreux résidents d’un quartier tranquille a été bouleversé par le chantier du REM, ce projet de train léger de la Caisse de dépôt et placement du Québec qui reliera à terme le centre-ville de Montréal à sa banlieue nord et sud, en passant par l’ouest de la métropole.

Rencontré vendredi dernier, JonathanTremblay, un résident de Sainte-Dorothée, nous guide en compagnie de voisins dans un petit sentier boisé reliant un stationnement incitatif à l’immense chantier du REM, qui scinde ce secteur résidentiel en deux.À cet endroit, d’immenses amas de roche et de terre accompagnent la machinerie lourde, qui projette sa poussière depuis plusieurs mois à proximité des nombreuses résidences qui se trouvent à quelques mètres. « De temps en temps, ils viennent arroser la montagne de poussière, mais on doit continuellement leur rappeler de nettoyer les rues », soupire M. Tremblay.

Les minces murs de bois installés par endroits pour limiter les nuisances sonores de ce chantier sont pour leur part bien peu efficaces, selon les résidents rencontrés sur place, qui déplorent aussi le passage de camions dans des rues résidentielles et des changements à la circulation routière dans ce secteur qui rendent les déplacements à pied plus complexes et risqués, notamment pour les enfants.

Le style « bulldozer »

« C’est malheureusement le style bulldozer, leur façon de construire […] Ils n’ont pas de respect pour les citoyens autour », lance Danielle Bordua, qui demeure également dans ce secteur. Certains résidents joints par Le Devoir envisagent d’ailleurs de déménager dans un autre quartier, tellement leur exaspération est grande.

« Pour ce qui est de l’ampleur, c’est vraiment l’année la plus importante », confirme d’ailleurs le porte-parole du REM, Jean-Vincent Lacroix, au sujet des travaux en cours à Sainte-Dorothée. C’est donc dire que, dès l’été prochain, le quotidien des résidents de ce quartier devrait être moins affecté par ce chantier, avance-t-il. « On l’a vécu dans d’autres secteurs : une fois que le squelette de la station est construit et qu’on fait des travaux de finition, c’est beaucoup moins difficile », assure M. Lacroix.

Photo: Adil Boukind Le Devoir Jonathan Tremblay est un résident de Sainte-Dorothée. Au même titre que ses voisins, il déplore les nuisances induites par la construction du REM, telles le bruit, la poussière ou encore les déviations rendant les déplacements à pied plus complexes et risqués, notamment pour les enfants.

Entre-temps, le porte-parole assure que des mesures sont mises en place pour être à l’écoute des résidents de ce quartier afin de pouvoir « s’ajuster en continu ». Le trajet des camions qui desservent ce chantier sera notamment revu pour que ceux-ci circulent plus loin du quartier résidentiel, tandis qu’on évite « au maximum » que des travaux se poursuivent la nuit ou encore le week-end, ajoute M. Lacroix.

Des espaces verts menacés

 

Au-delà des impacts immédiats de ce chantier, qui se poursuivra jusqu’à l’automne 2024, le REM stimule d’importants développements immobiliers le long de son tracé de 67 kilomètres. À Sainte-Dorothée, trois promoteurs lorgnent le golf Le Cardinal, un des espaces verts intacts du secteur, pour y réaliser un immense projet immobilier, baptisé METTA. Une première phase compterait 250 maisons de trois ou quatre chambres, pour atteindre à terme 2000 logements ; le tout dans un quartier qui compte actuellement environ 36 000 résidents.

Les démarches auprès de la Ville de Laval sont d’ailleurs bien avancées en prévision du lancement officiel de ce projet, évalué à plus de 150 millions de dollars, indique le directeur du développement des affaires et des projets au Groupe Quorum, Maxime Laporte. « Tout est terminé : les études, les soumissions, les contrats sont prêts », affirme-t-il. Pour réaliser ce projet, qui pourrait se mettre en branle dès le printemps prochain, le promoteur prévoit notammentde créer de nouvelles rues dans ce secteur.

« Le REM va changer la façon dont les gens se déplacent, donc ça va avoir un effet non négligeable sur l’immobilier », confirme d’ailleurs au Devoir le vice-président et directeur général de Royal LePage au Québec, Dominic St-Pierre. Le nombre d’unités résidentielles mises en chantier à Laval a d’ailleurs crû de 68,3 % à Laval en 2020, par rapport à l’année précédente, pour atteindre 2851 unités, un sommet inégalé depuis 2009, selon des données de la Ville.

« Ça va créer des opportunités pour créer des besoins de toutes sortes », notamment pour de nouveaux commerces près de ces futurs développements immobiliers, dit la présidente-directrice générale de la Chambre de commerce et d’industrie de Laval, Caroline De Guire, qui s’en réjouit. Elle estime d’autre part que l’arrivée du REM contribuera à augmenter le bassin de main-d’œuvre disponible dans l’ouest de la municipalité, en facilitant les déplacements des travailleurs vers ce secteur.

Un équilibre

 

La perte potentielle de différents espaces verts au profit du développement immobilier dans l’ouest de l’île de Laval inquiète cependant plusieurs citoyens et organismes, au moment même où les partis politiques en lice aux élections municipales à Laval rivalisent de promesses pour assurer la protection des espaces verts de la ville et en augmenter le nombre.

« Tous ces milieux-là subissent des pressions pour le développement », soulève le biologiste et chargé de projet au Conseil régional de l’environnement de Laval, Alexandre Choquet, en référence aux milieux naturels encore intacts de la ville, dont l’organisme réclame la protection.

« On s’entend que le REM va améliorer l’économie, mais il faut bien le planifier, et c’est ce qui nous inquiète dans le secteur : c’est qu’on va vite avec des projets sans planifier ni s’assurer que le bien-être des résidents en place est pris en considération », renchérit Jonathan Tremblay, qui craint d’ailleurs que son quartier devienne inaccessible à de nombreuses familles dans les prochaines années en raison de l’augmentation rapide de la valeur des propriétés, ce qu’on constate déjà.



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