Le REM de l'Est inquiète des ministères
Les structures aériennes du futur REM de l’Est, avec leur aspect « peu esthétique », pourraient créer « des enclaves », mais aussi avoir un effet négatif sur la « convivialité » des rues avoisinantes et sur l’image touristique de Montréal, concluent les experts de ministères du gouvernement du Québec, dans des avis rédigés dans le cadre de l’évaluation du mégaprojet de transport de la Caisse de dépôt et placement du Québec.
Le ministère du Tourisme se dit ainsi « préoccupé des effets de l’insertion aérienne d’un métro léger sur la convivialité des rues, car de telles structures, outre leur aspect peu esthétique, agissent souvent comme barrières qui découragent les échanges de part et d’autre de la structure ».
Dans leur avis produit en prévision de la réalisation de l’étude d’impact du projet par la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ Infra), les experts évoquent même un risque pour l’image de marque de Montréal. Le ministère du Tourisme « est préoccupé de l’impact que l’insertion aérienne d’un métro léger aura sur l’attractivité de la métropole au plan esthétique. L’aspect esthétique influence grandement l’attractivité d’une destination et son choix par les touristes et excursionnistes ».
Dans le document contenant 17 avis de différents ministères, et qui vient d’être publié au Registre des évaluations environnementales, le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) aborde par ailleurs le risque d’« enclavement » ou de « fracture urbaine » lié à l’implantation de la future structure aérienne de béton, qui doit s’appuyer sur de très nombreux piliers de béton, au cœur de Montréal.
« Un REM en hauteur pourrait créer des enclaves alors qu’on vante le fait qu’il les réduit dans d’autres secteurs (Montréal-Nord). La circulation sous les structures semble peu conviviale », soulignent les experts du MSSS. « Le promoteur devrait s’assurer de ne pas créer d’enclaves dans les quartiers et préciser quelles seront les mesures qu’il compte utiliser pour ne pas en créer », ajoute le ministère.
Les préoccupations soulevées par ces deux ministères font écho aux avis d’experts, d’élus et de citoyens des quartiers qui seraient traversés par le Réseau express métropolitain (REM). Plusieurs ont sévèrement critiqué la décision de CDPQ Infra d’opter pour un tracé majoritairement aérien pour le REM de l’Est. Dans le cadre d’une « consultation publique » sur le projet, dont les résultats viennent d’être publiés, les préoccupations quant au choix d’une structure aérienne ont d’ailleurs été évoquées par les participants. Selon certains, le choix de cette option s’est fait au détriment de la qualité de vie des citoyens, des milieux et des paysages urbains.

Dans son avis, le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC) souligne d’ailleurs la nécessité de présenter, dans l’étude d’impact, « une description des impacts psychosociaux susceptibles d’affecter la qualité de vie des citoyens en raison des nuisances induites par le projet (modification du climat sonore, de la qualité esthétique du paysage, de la qualité de l’air et des conditions de circulation, notamment), durant les phases de construction et d’exploitation ».
Selon la version préliminaire du projet, 25 des 32 kilomètres du tracé sont prévus en voies aériennes. Celles-ci longeront le boulevard René-Lévesque, puis la rue Notre-Dame, avant de se diviser en deux tronçons dans le secteur de Viau. L’un de ces tronçons ira jusqu’à Pointe-aux-Trembles, en longeant la rue Sherbrooke, tandis que l’autre ira vers le nord, jusqu’à Montréal-Nord.
REM et patrimoine
Dans son « avis » d’experts, le ministère de la Culture et des Communications (MCC) rappelle pour sa part que le REM passera près de « biens patrimoniaux classés », soit « l’ensemble d’immeubles patrimoniaux de Saint-Pierre-Apôtre, la Basilique de Saint-Patrick, l’Église du Gesù, la Prison des Patriotes-au-pied-du-Courant et l’ancienne caserne de pompiers de Maisonneuve qui fait partie du site patrimonial de Maisonneuve au même titre que le parc Morgan ».
Or, ajoute le ministère, « ces éléments ne sont pas répertoriés dans l’avis de projet déposé » par CDPQ Infra. On demande donc au promoteur de s’intéresser, dans son étude, « à l’impact du projet sur la protection et [à] la mise en valeur de ces éléments ».
Le MCC revient d’ailleurs sur l’impact des structures aériennes. « La structure et les stations du REM de l’Est seront visibles pour un grand nombre d’observateurs. L’avis de projet ne présente qu’un aperçu impressionniste des volumes et de l’envergure de la structure et des stations. Il est impossible pour le moment de mesurer l’impact du projet sur des vues ou perspectives d’intérêt », peut-on lire dans l’avis du ministère.
Espaces verts
Outre les questions liés aux infrastructures de béton, le MSSS soulève des questions quant à la préservation des espaces verts et des arbres le long du tracé du REM, rappelant que l’est de Montréal « est un secteur moins bien desservi en termes d’espaces verts ». Le ministère ajoute que « le tracé semble [passer] dans la friche de Viauville. Il y a une forte mobilisation actuellement pour préserver ce milieu. Des efforts doivent être consentis afin de limiter la perte de couvert forestier ».
Le promoteur devrait s’assurer de ne pas créer d’enclaves dans les quartiers et préciser quelles seront les mesures qu’il compte utiliser pour ne pas en créer
Afin de protéger la biodiversité, le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs fait par ailleurs valoir que « des efforts importants devront être mis en place afin d’assurer la protection et la conservation des arbres et des friches le long du tracé ».
Le Devoir a demandé au service des relations médias du REM si les infrastructures aériennes seront maintenues ou si l’étude d’impact évaluera d’autres scénarios. Nous avons aussi posé une question portant sur la protection du patrimoine dans le cadre du développement du projet et une autre sur la préservation des parcs et des zones boisées. Dans le cadre du processus d’évaluation environnementale, « nous répondrons systématiquement à toutes les observations et [et à tous les] enjeux soulevés par les ministères », a répondu le service des relations médias, après avoir expliqué la procédure détaillée prévue par la Loi sur la qualité de l’environnement, qui doit mener à un examen du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement.
Avec Myriam Boulianne