Les municipalités rurales face aux défis de la sécurité alimentaire
Collaboration spéciale

Ce texte fait partie du cahier spécial Grand Montréal
La Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) compte 19 municipalités rurales dont plus de 80 % du territoire est situé en zone agricole. Les maires et mairesses de ces MRC doivent faire face à plusieurs défis, dont la sécurité alimentaire, et sont déterminés à agir pour mieux protéger les précieuses terres dont ils sont les gardiens.
La crise sanitaire a déclenché une réelle prise de conscience quant à l’importance d’une plus grande autonomie et d’une meilleure sécurité alimentaire au Québec. L’autonomie alimentaire signifie que la seule production locale permet de satisfaire les besoins de la population, tandis que la sécurité alimentaire représente l’accès en tout temps à une alimentation suffisante pour vivre sainement, selon la définition de la CMM.
« C’est un défi qui existe depuis plusieurs années déjà, mais la pandémie a révélé que lorsqu’une population devient à risque, les notions de frontière, de proximité et d’accessibilité à la nourriture apparaissent », souligne Sébastien Nadeau, maire de L’Assomption.
Plus de 17 000 enfants âgés de 0 à 5 ans souffrent d’insécurité alimentaire dans les régions de Montréal, Laval, en Montérégie et en Estrie, selon les chiffres de la banque alimentaire Moisson Montréal. Devant ce constat, la CMM entend appuyer la mise en œuvre du nouveau Plan métropolitain de développement agricole (PMDA) dont l’action phare est la mise en place d’une table sur la sécurité alimentaire. Son but est de mettre en place plusieurs projets structurants liés à cette question.
« Il faut optimiser la chaîne d’approvisionnement, en commençant par la production, la transformation puis la distribution, et diversifier notre production agricole, souligne Pierre Charron, maire de Saint-Eustache. Si on réussit à mettre tout le monde dans le même mouvement, on va être capables de fournir des produits locaux à des prix raisonnables. »
Optimisation du territoire agricole
Actuellement, les prix et la disponibilité des produits peuvent grandement varier d’une saison à l’autre, et les agriculteurs subissent de plus en plus les intempéries liées aux changements climatiques. « La majorité des fruits et légumes proviennent de l’extérieur du Québec et sont améliorés chimiquement, ça préoccupe les citoyens, note Sébastien Nadeau. C’est une réorganisation totale de la société qu’on se doit de faire. »
Et si nous étions capables de produire douze mois par an et de planifier les récoltes en fonction de la demande citoyenne ? C’est loin d’être une mission impossible pour M. Nadeau, qui a lancé la Zone Agtech il y a plus de trois ans. Ce projet regroupe une quarantaine d’entreprises innovantes en agriculture sur le territoire de la MRC de L’Assomption, mais également des espaces industriels, des centres de recherche et les plus grandes serres sur toit au monde. « On veut que le Québec devienne un exportateur des technologies dans lesquelles nous avons investi », ajoute le maire.
Si on réussit à mettre tout le monde dans le même mouvement, on va être capables de fournir des produits locaux à des prix raisonnables
L’objectif est de produire toute l’année avec une meilleure prévisibilité des résultats de culture, une réduction de l’impact environnemental agricole grâce à une croissance verticale en environnement contrôlé, permettant ultimement de favoriser la souveraineté alimentaire.
Des terres difficiles d’accès
Une autre préoccupation est la sous-occupation des terres agricoles de la CMM, alors que plus de 6300 hectares de friches agricoles sont recensés. Leur acquisition est parfois difficile, car les terres sont morcelées et leur coût est élevé, notamment à cause de la spéculation foncière.
À Brossard, la mairesse Doreen Assaad a donc le projet de créer un parc agricole métropolitain de plusieurs dizaines d’hectares à côté de la station Brossard du REM pour éviter l’étalement urbain. « La difficulté est d’acquérir les terrains autour du REM chez nous, indique Mme Assaad. Nous avons besoin de nouveaux pouvoirs. » Elle suggère, entre autres, de moderniser la Loi sur l’expropriation.
De son côté, Pierre Charron estime qu’il faudrait empêcher les acheteurs de l’étranger d’acquérir des terres par le biais d’une politique provinciale. Il serait plus judicieux, selon lui, de soutenir la relève locale.
Coup de pouce financier
Dans les municipalités rurales, les possibilités de densification sont réduites. Elles doivent en outre faire face à une pression budgétaire de plus en plus grande en raison de dépenses supralocales, notamment celles des services policiers et du transport en commun.
C’est le cas de Saint-Philippe, dont le territoire compte seulement 7 % de zones non rurales, ce qui fournit une faible marge de manœuvre pour développer des services. « On n’a pratiquement pas de commerces, de magasins à grande surface, de banque, ni même d’épicerie, témoigne la mairesse Johanne Beaulac. Nos citoyens se déplacent dans les villes voisines pour dépenser. »
Cette situation rend très difficile le maintien de la vitalité économique et sociale. Un programme de compensation financière a donc été mis en place grâce à une entente entre la CMM, le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) et le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation (MAMH). Cette aide de 20 millions de dollars répartie à travers les 19 municipalités rurales est essentielle, selon Mme Beaulac. « Pour nous, c’est capital de continuer à recevoir ce genre de compensation pour être compétitifs », dit-elle.
Les quatre élus s’entendent tous sur l’importance de protéger les terres agricoles de ces municipalités qui en sont les gardiennes. Il y va de la survie alimentaire du Québec, un enjeu de société.
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