Les comportements sont au cœur de la sécurité des piétons

Jean-François Venne
Collaboration spéciale
L’étude montre que tant à Montréal qu’à Québec, le sentiment de sécurité des piétons dans les intersections routières demeure modeste.
Photo: Getty Images L’étude montre que tant à Montréal qu’à Québec, le sentiment de sécurité des piétons dans les intersections routières demeure modeste.

Ce texte fait partie du cahier spécial Mobilité durable

Le projet STRAPI dresse un portrait nuancé des interactions qui se déroulent aux intersections entre les automobilistes et les piétons. Il révèle que le système de signalisation a certainement un effet sur la sécurité, mais reste tributaire des agissements des usagers.

« On peut reprocher aux piétons d’adopter des comportements à risque dans les croisements, mais ce qui importe, c’est de comprendre pour quelles raisons ils agissent ainsi et si des améliorations apportées aux systèmes de signalisation peuvent réduire le nombre de ces manquements », avance Marie-Soleil Cloutier, chercheuse à l’INRS – Centre Urbanisation Culture Société. Elle donne l’exemple de l’approche « tout rouge » de Québec, qui devrait être plus sécuritaire que celle de Montréal puisqu’elle interrompt toute la circulation pendant la traversée des piétons. Les observations montrent qu’elle suscite plutôt des comportements dangereux en raison de sa lenteur, qui attise l’impatience des usagers.

De son côté, le professeur agrégé à Polytechnique Montréal Owen Waygood précise que la recherche illustre que plusieurs problèmes découlent des comportements qui ne respectent pas les règles. « Certaines perceptions se révèlent aussi assez contradictoires », ajoute-t-il. Par exemple, les deux tiers des répondants d’un sondage en ligne réalisé pour obtenir l’opinion des automobilistes estiment que les conducteurs suivent plus les règles que les piétons et les cyclistes. Pourtant, 90 % d’entre eux admettent que les conducteurs dépassent les limites de vitesse. Or, il s’agit du facteur le plus directement lié au risque qu’un piéton décède en raison d’une collision.

Le grand oublié

 

L’étude montre également que tant à Montréal qu’à Québec, le sentiment de sécurité dans les intersections routières demeure modeste. « On ne parle pas vraiment de cet élément dans les bilans routiers, mais il est crucial pour comprendre les choix du mode de transport des gens », soutient Étienne Grandmont, directeur général d’Accès transports viables, l’OBNL à l’origine du projet de recherche. Selon lui, si les citoyens se sentent peu en sécurité en ville dans les transports actifs comme la marche ou le vélo, ils opteront en plus grand nombre pour un autre mode de transport, notamment la voiture.

Les villes doivent mettre l’accent sur la sécurité des usagers du transport actif et notamment des plus vulnérables, comme les aînés

 

Il se réjouit aussi de voir le mythe sur l’inattention des piétons aussi clairement déboulonné par les observations directes. Selon lui, cela permettra de s’attaquer aux vrais problèmes. « Les piétons savent bien qu’ils doivent demeurer à l’affût à une intersection et se montrent très rarement inattentifs », note le directeur général.

En soi, ce degré élevé d’éveil témoigne, toujours selon Étienne Grandmont, du fait que les piétons ne se sentent pas tellement en sécurité et restent conscients des risques de collision. « Les villes doivent mettre l’accent sur la sécurité des usagers du transport actif et notamment des plus vulnérables, comme les aînés, ajoute-t-il. Les piétons et les cyclistes ne devraient pas craindre sans cesse d’être heurtés par un automobiliste lorsqu’ils circulent en ville. C’est un élément incontournable pour valoriser le recours à des modes de déplacement sobres en carbone. »

Un argumentaire plus solide

 

Étienne Grandmont croit que la recherche STRAPI offre à son organisme des arguments ancrés dans la science pour mieux défendre les transports actifs. Les résultats font aussi progresser les connaissances et pourront devenir des outils de sensibilisation. L’étude montre d’ailleurs à quelques reprises que les comportements et les opinions des automobilistes et des piétons peuvent changer lorsqu’ils comprennent davantage une règle ou le risque que pose un comportement.

En apprenant par exemple que le risque qu’une collision entraîne la mort d’un piéton augmente rapidement dès que la vitesse du véhicule dépasse 30 km/h, plusieurs des automobilistes interrogés ont diminué la vitesse qu’ils jugeaient raisonnable à une intersection. De manière semblable, la grande majorité des répondants de Québec (94 %) et de Montréal (88 %) qui ignoraient qu’une traversée en diagonale est interdite en l’absence de marquage au sol affirmaient dans le sondage qu’ils la franchiraient. Seulement 45 % des Québécois et 17 % des Montréalais qui savaient que c’était illégal feraient de même.

Étienne Grandmont croit ainsi que STRAPI ouvre la porte à des enquêtes similaires qui pourraient porter un regard encore plus granulaire sur la sécurité aux intersections et sur les routes en général. Ces recherches devraient notamment s’intéresser à diverses populations, comme celles qui vivent avec des handicaps ou des limitations de mobilité ou visuelles, les aînés, les enfants, etc. « L’étude ne constitue qu’un premier coup d’œil et il reste bien des informations à aller chercher », conclut-il.

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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