Des milliers d'usagers de la STM ont pris le métro et le bus sans payer

À ce jour, 8200 abonnés ont reçu un avertissement par courriel pour avoir utilisé leur carte «OPUS à l’année», toujours valide, après avoir demandé la suspension de leur abonnement.
Photo: Adil Boukind Le Devoir À ce jour, 8200 abonnés ont reçu un avertissement par courriel pour avoir utilisé leur carte «OPUS à l’année», toujours valide, après avoir demandé la suspension de leur abonnement.

Les limites technologiques de la Société de transport de Montréal (STM) permettent, depuis le mois d’avril, à des milliers d’usagers d’emprunter le réseau de bus et de métro montréalais sans payer, a appris Le Devoir. Au courant de la situation, la STM préfère avertir les contrevenants avant de sévir.

À ce jour, 8200 abonnés ont reçu un avertissement par courriel pour avoir utilisé leur carte « OPUS à l’année », toujours valide, après avoir demandé la suspension de leur abonnement. « Nous ne mettons pas en doute la bonne foi de la grande majorité de nos clients, et c’est pourquoi notre approche repose sur l’émission d’avertissements avant de suspendre définitivement la carte, si des irrégularités continuent d’être constatées », indique la STM par courriel.

Le nombre de personnes profitant du système pourrait toutefois être bien plus élevé, certains n’ayant pas encore reçu d’avertissement, a constaté Le Devoir.

L’entreprise reconnaît par ailleurs être incapable d’évaluer les pertes financières liées à cette situation. « Les comportements des clients ont grandement été modifiés par la pandémie et les besoins de déplacements réduits. Nous ne pouvons pas vraiment utiliser de modèle pour une utilisation théorique des titres. »

Devant la propagation rapide de la COVID-19 en mars dernier, la grande majorité des Québécois ont été renvoyés à la maison, contraints au télétravail. Les abonnés du programme OPUS à l’année se sont alors vu offrir la possibilité de suspendre leur abonnement pour les mois d’avril et de mai. Une option reconduite une première fois, en mai, pour la période estivale, puis une deuxième fois, en juillet, pour le reste de l’année 2020.

En tout, 45 000 abonnés se sont prévalus de cette offre au plus fort de la crise sanitaire. En septembre, la STM comptait encore 37 000 abonnements suspendus sur un total de 53 000 abonnements annuels.

En réalité, cette suspension implique uniquement l’arrêt des paiements automatiques mensuels. La carte OPUS, elle, n’a jamais été désactivée. La STM comptait sur la bonne foi des usagers pour qu’ils n’utilisent pas leur titre de transport durant cette période.

37 000
En septembre, la STM comptait encore 37 000 abonnements suspendus sur un total de 53 000 abonnements annuels.

Une façon de maintenir leurs privilèges (rabais sur les tarifs, rabais Bixi et possibilité de devenir un client Maestro), dit-on. Mais aussi un moyen de pallier les limites technologiques du système, qui ne permet pas de suspendre un titre sur une carte OPUS à distance. « Il est nécessaire d’effectuer une opération physique sur la carte avec un équipement pour suspendre l’abonnement ou y ajouter des titres […] la seule autre façon aurait été de demander aux milliers d’abonnés de se présenter dans un centre de service de la STM pour suspendre leur abonnement et de refaire le processus inverse pour le réactiver. »

En plus de compliquer la vie des usagers, cette façon de faire aurait engendré un nombre important de déplacements non essentiels dans les installations de l’entreprise, ce qui aurait été à l’encontre des recommandations de la santé publique, fait valoir la STM.

Communication floue

 

Vincent est tombé des nues en recevant, le mois dernier, un avertissement de la STM lui indiquant qu’il n’avait pas respecté les règles d’utilisation. Le jeune homme assure avoir payé chacun de ses passages — trois à quatre fois par semaine — depuis qu’il a demandé la suspension de son abonnement annuel en avril.

Le problème — dont il s’est aperçu seulement après l’avertissement —, c’est qu’il ajoutait ses nouveaux titres sur sa carte OPUS à l’année, toujours active sans qu’il le sache. « Je me suis dit que, vu que j’avais suspendu mon abonnement, ma carte pourrait me servir à prendre des titres individuels. […] Mais chaque fois que je “scannais” ma carte, c’était mon abonnement annuel encore actif qui était en fait utilisé », explique Vincent.

Ça n’a jamais été expliqué clairement

 

Noémie s’est retrouvée dans la même situation début septembre, en reprenant le chemin du bureau. C’est en constatant qu’elle continuait de passer sans problème aux tourniquets du métro, alors qu’elle avait dépassé les dix passages ajoutés récemment sur sa carte, qu’elle a compris le problème.

Depuis, elle avoue — un peu honteuse — profiter du système pour se déplacer sans payer. Elle s’étonne d’ailleurs de ne pas avoir encore été sermonnée par la STM. « D’un autre côté, c’est un peu de leur faute, dit-elle. Ça n’a jamais été expliqué clairement. »

Les deux abonnés reprochent à l’entreprise de n’avoir jamais spécifié que leur carte resterait active même après la suspension de l’abonnement et qu’ils devaient nécessairement s’en procurer une autre.

La STM se défend et affirme avoir prévenu de « l’obligation de se procurer une nouvelle carte OPUS pour pouvoir utiliser d’autres titres de transport » dans son courriel initial.

Un argument que réfute Noémie, preuve à l’appui. Dans son premier courriel du 3 avril, la STM précise que les abonnés intéressés par une suspension d’abonnement « auront la responsabilité de se procurer un titre de transport valide ». Ce n’est que lors des communications pour reconduire l’offre, les 28 mai et 22 juillet, que l’on précise « vous aurez la responsabilité de vous procurer un titre de transport valide sur une autre carte OPUS que celle utilisée pour votre abonnement ».

« J’avoue que je n’ai pas lu en entier les deux autres courriels quand j’ai vu, dès les premiers paragraphes, que c’était juste pour prolonger l’offre de suspendre l’abonnement. Je suis à moitié fautive, on va dire », admet Noémie, qui compte toutefois continuer de fermer les yeux jusqu’à l’avertissement de la STM.

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