La mobilité durable en campagne de séduction

Charlotte Mercille Collaboration spéciale
Au cours de l’été, plusieurs rues de Montréal sont devenues piétonnes ou ont été dotées de pistes cyclables, mais les automobilistes s’opposent davantage à ces mesures car ils retirent le moins les bénéfices.
Photo: Adil Boukind Le Devoir Au cours de l’été, plusieurs rues de Montréal sont devenues piétonnes ou ont été dotées de pistes cyclables, mais les automobilistes s’opposent davantage à ces mesures car ils retirent le moins les bénéfices.

Ce texte fait partie du cahier spécial Mobilité durable

À l’heure où la grogne s’intensifie contre la congestion à Montréal, comment rallier les citoyens à la cause de la mobilité durable? Des experts proposent quelques pistes.

Dans le monde, toute politique verte qui retire de l’espace à la voiture génère une tension. Cette résistance aux modes de transport alternatifs peut toutefois se planifier. Différents facteurs influent sur la popularité de telles solutions.

La perception de gain constitue un premier facteur de succès. Au cours de l’été, plusieurs rues de Montréal sont devenues piétonnes ou ont été dotées de pistes cyclables sous le couvert des mesures sanitaires liées à la COVID-19. Actuellement, les automobilistes s’opposent davantage à ces mesures que d’autres citoyens parce qu’ils retirent le moins les bénéfices liés aux entraves prolongées à la circulation.

« Projet Montréal profite de ce contexte pour faire avancer certains éléments de sa plateforme. Ils sont convaincus qu’ils le font pour le bien commun », estime Pierre Barrieau, président de Gris Orange Consultant et chargé de cours à la Faculté d’aménagement de l’Université de Montréal. Mais l’enfer est pavé de bonnes intentions.

Selon lui, le déploiement houleux du Réseau express vélo témoigne d’une confrontation d’idées sur la fonction même des artères commerçantes comme la rue Saint-Denis : voies pour le commerce de proximité ou avenues de transit ?

Mieux coordonner les travaux

 

L’initiative faisait pourtant partie de la plateforme électorale de Projet Montréal en 2017. Jérôme Laviolette, doctorant à la chaire Mobilité de Polytechnique, rappelle que les commerçants de cette artère se sont montrés en majorité favorables à l’époque des premières consultations. « Il faut se questionner sur la légitimité des individus qui s’insurgent contre un chantier. Qui a vraiment son mot à dire ? Qui subit les conséquences actuelles du statu quo ? » demande-t-il.

La coordination des travaux avec d’autres chantiers pèse également dans la balance. Si les projets sont implantés trop rapidement, une planification urbaine cohérente est souvent négligée. Par exemple, plusieurs résidents n’ont été avertis qu’une semaine avant la piétonnisation de la rue Saint-Denis à la hauteur de la station Berri-UQAM, avec pour conséquence de devoir traverser un labyrinthe de déviations.

Raccourcir la durée des chantiers pourrait apaiser les critiques. Les constructeurs préfèrent travailler avec des délais plus longs, au détriment des voitures qui demeurent prisonnières plus longtemps. C’est pourquoi les travailleurs de la rue Sainte-Catherine, au centre-ville de Montréal, peuvent s’évaporer dans la nature pendant quatre ou cinq jours d’affilée.

« La durée de fermeture d’une rue représente un coût réel à la société. Nous devrions favoriser les entrepreneurs qui ont des délais plus courts, quitte à les soutenir financièrement de la même manière que les commerçants le sont pour demeurer ouverts actuellement », indique Pierre Barrieau.

Des substituts plutôt que des privations

 

Pour inciter les personnes à se départir de leur voiture, des services alternatifs de transport collectif aussi performants que l’auto individuelle doivent voir le jour. « La seule manière de faire accepter aux citoyens que la voiture ne peut plus régner, c’est d’avoir un système de transport collectif robuste qui leur permettra de diminuer leur dépendance à l’automobile. Tant et aussi longtemps qu’on ne fera pas ça, il y aura toujours des individus récalcitrants qui se déplaceront exclusivement en voiture », soutient Pierre Barrieau.

Jérôme Laviolette propose d’aller à la rencontre des citoyens dans les rues directement ciblées par l’aménagement plutôt que de s’appuyer uniquement sur les sondages en ligne.

Il suggère aussi de mettre en place des systèmes de comptage pour comparer les flux de circulation avant et après les changements apportés. Lorsque c’est possible, des modifications temporaires, surtout dans le cas de voies réservées, peuvent être apportées et aider les citoyens à s’adapter avant que la solution ne devienne permanente.

Les projets de mobilité durable trouvent plus facilement un appui général quand ils visent à réduire le trafic. À ses yeux, le projet de tramway à Québec constitue un bon exemple de cette stratégie : « Il a pour double effet de bonifier l’offre de transport et de réduire le nombre de voitures sur la route. »

À Montréal, l’argument se perd malheureusement dans la mer de chantiers. En effet, à cause des retards d’investissements accumulés dans les infrastructures, les Mont-réalais risquent de vivre dans la congestion routière pendant encore dix ans. En somme, si on aspire vraiment à voir un changement d’habitudes chez les automobilistes, encore faut-il leur donner les outils adéquats pour le faire.

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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