Les arbres, ces miniclimatiseurs

La présence d’un vaste couvert arborescent dans un quartier peut faire chuter la température de 4 à 5 degrés Celsius pendant une canicule.
C’est le résultat percutant auquel en est venue Carly Ziter, professeure de biologie à l’Université Concordia, aux termes de recherches menées dans la ville de Madison, dans le Wisconsin.
« On sait que les arbres rafraîchissent la température et qu’ils sont bons pour les villes, mais on voulait mesurer cet effet », explique la chercheuse. Pour ce faire, Carly Ziter a construit une petite station météorologique qu’elle a fixée à sa bicyclette. Elle s’est ensuite lancée à l’assaut des rues ombragées ou ensoleillées de Madison, une ville de 250 000 habitants du Midwest américain.
« Pour mesurer la température réellement ressentie par les gens, il faut collecter beaucoup de données », mentionne la chercheuse. Des lectures ont ainsi été prises tous les cinq mètres. De retour en laboratoire, Carly Ziter a fait appel à des modèles statistiques pour lier le couvert arborescent de chaque parcelle des quartiers à la température ambiante.
« On a découvert que les différences de température à l’intérieur même de la ville sont aussi étendues qu’entre la ville et la campagne environnante », explique la biologiste qui vient de publier, avec trois autres chercheurs, le résultat de ses recherches dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America.
Les villes ne doivent ainsi pas être perçues comme des îlots de chaleur uniformes, mais plutôt comme des « archipels de chaleur », croit-elle, parlant d’une succession de zones chaudes et fraîches. « Lors d’une journée chaude, un écart de 4 à 5 degrés Celsius, c’est une variation qui est vraiment perceptible », souligne la spécialiste en écologie urbaine.
Deux phénomènes permettent aux arbres de rafraîchir la température ambiante. Premièrement, les feuilles des arbres créent de l’ombre qui bloquent les rayons du soleil, les empêchant d’imprégner la chaussée de chaleur.
Puis, les arbres produisent de l’évapotranspiration. « Les arbres absorbent de l’eau, la pompent et la relâchent de leurs feuilles sous forme de vapeur d’eau, un peu comme de petits climatiseurs », explique Carly Ziter.
Beaucoup d’arbres
Une fois une certaine proportion d’arbres atteinte dans un quartier, l’effet bénéfique sur la température s’accélère. « Lorsqu’il y a environ 40 % de couvert arborescent, c’est à partir de ce seuil que l’on perçoit le plus grand effet rafraîchissant », explique Carly Ziter. « Pour bénéficier pleinement de la baisse de température occasionnée par les arbres pendant une période de canicule, il faut donc avoir une grande couverture d’arbres. »
Et certains arbres sont plus propices à faire diminuer la température de l’air que d’autres. Les arbres larges parsemés de grandes feuilles — comme les érables et les chênes — ont ainsi une plus grande capacité à rafraîchir l’air.
Actuellement, l’indice de canopée à Montréal est d’environ 20 %. L’objectif est de le faire passer à 25 % d’ici 2025. Mais tous les quartiers n’en bénéficient pas également. « Les quartiers les plus riches ont plus d’arbres, davantage en santé, fait remarquer la chercheuse. Par exemple, la ville de Mont-Royal est un quartier très vert, alors que juste à côté, à Parc-Extension, un quartier plus pauvre, il y a beaucoup moins d’arbres et de parcs. »
À l’objectif de planter plus d’arbres se greffe donc aussi celui de les planter de manière plus équitable pour que tous les citoyens aient accès de manière égalitaire aux bénéfices que procure la nature.
« C’est une idée qui paraît très simple de planter plus d’arbres », mentionne la chercheuse. Mais son application est autrement plus complexe. Pour accroître l’étendue de la canopée, tant les propriétaires privés que les acteurs institutionnels doivent pousser à la roue. « Et la ville est un milieu souvent inhospitalier pour un arbre. » Une fois l’arbre planté, octroyer les ressources humaines et financières nécessaires pour entretenir et assurer sa bonne croissance est tout aussi important, souligne Carly Ziter.
La chercheuse souhaite maintenant amasser à Montréal le même type de données que celles colligées à Madison afin d’évaluer les écarts de température et l’étendue optimale du couvert végétal dans la métropole. « Lorsqu’on pense à lutter contre les changements climatiques, notre réflexe est souvent de nous tourner vers les technologies et les nouvelles infrastructures, mais il ne faut pas oublier que les solutions venant de la nature peuvent être tout aussi efficaces. »
Ce contenu est réalisé en collaboration avec l’Université Concordia.