Réseau cyclable à Montréal: sur la piste du succès

Le centre-ville de la métropole s’inscrit dans le défi que devra relever la Ville de Montréal, alors qu’il est actuellement considéré par la communauté cycliste comme un désert cyclable.
Photo: Odd Andersen Agence France-Presse Le centre-ville de la métropole s’inscrit dans le défi que devra relever la Ville de Montréal, alors qu’il est actuellement considéré par la communauté cycliste comme un désert cyclable.

Pendant que la Ville de Montréal prévoit lancer prochainement son Réseau Express Vélo, une récente étude indique que le succès du réseau cyclable montréalais ne dépendra pas de la quantité de kilomètres de pistes ajoutées, mais bien de la proximité des infrastructures et des liaisons entre elles.

« En voyant des villes exemplaires en matière de part modale cycliste, on constate que le succès n’est pas lié à la quantité de pistes cyclables, mais plutôt à leur localisation », explique Geneviève Boisjoly, une des trois auteures de cette étude publiée récemment dans l’International Journal of Sustainable Transportation. Les chercheurs montréalais se sont intéressés à la valeur perçue des infrastructures cyclables et aux détours qu’un cycliste est prêt à faire pour passer une plus grande part de son trajet sur une piste ou une bande cyclable.

Mme Boisjoly cite en exemple Copenhague, la capitale du Danemark, qui n’a pas le plus long réseau cyclable en fonction de la densité de sa population ni de la taille de son territoire, mais qui n’en demeure pas moins considérée comme le paradis du vélo. « Les pistes cyclables sont stratégiquement placées pour relier les lieux d’intérêt », rappelle celle qui se spécialise en génie du transport.

Avec la collaboration d’Ugo Lachapelle, professeur en mobilité et développement durable au Département d’études urbaines et touristiques de l’Université du Québec à Montréal, et Ahmed El-Geneidy, professeur au Département de planification urbaine de l’Université McGill, Mme Boisjoly a développé deux nouveaux indicateurs pour évaluer la performance du réseau cyclable montréalais en fonction de l’utilité des bandes et pistes actuelles et de sa capacité à relier le point d’origine à la destination du cycliste.

Le trio a utilisé les données d’un sondage mené en 2009 par le groupe Transportation Research at McGill afin de déterminer « le détour raisonnable » qu’est prêt à prendre un cycliste pour passer le plus de temps sur le réseau.

« En moyenne, les cyclistes vont faire un détour qui prolonge leur itinéraire de 12 % pour rouler la moitié de leur trajet sur une piste ou bande cyclable », note Mme Boisjoly.


850 km
C’est l’étendue approximative du réseau de voies cyclables à Montréal. Pourtant, seulement 33% des cyclistes peuvent rouler sur le réseau cyclable pendant la moitié de leur itinéraire en effectuant un «détour raisonnable». «Quand on est rendus à avoir plus de 850 km de voies cyclables, on peut se dire qu’il y en a pas mal partout, mais encore là, il reste des coins qui sont mal desservis […] Des fois, ce n’est pas grand-chose que ça prend pour le rendre efficace, ça peut être un ajout de 0,5 km qui sera plus utile qu’un 4 km dans une zone isolée», fait valoir Suzanne Lareau, présidente-directrice générale de Vélo-Québec.

À partir de ce constat, l’équipe a par la suite utilisé des données de l’enquête origine-destination sur les déplacements des cyclistes montréalais.

« Pour chaque cycliste montréalais de l’enquête origine-destination, on a regardé s’il était possible de se rendre de l’origine à la destination en utilisant le réseau cyclable et en empruntant un détour raisonnable, soit de moins de 12 % », indique la professeure adjointe au Département des génies civils, géologique et des mines de Polytechnique Montréal.

Résultat : seulement 33 % des cyclistes peuvent rouler sur le réseau cyclable pendant la moitié de leur itinéraire en effectuant un détour raisonnable.

« L’objectif était de développer ces indicateurs pour qu’une ville comme Montréal puisse à terme s’en servir avec des données plus récentes », souligne Mme Boisjoly.

Des kilomètres de qualité

 

Avec plus de 850 km de voies cyclables, le réseau montréalais n’a pas nécessairement besoin d’ajouts de nombreux kilomètres pour être performant, estime aussi Suzanne Lareau, présidente-directrice générale de Vélo-Québec.

« Quand on est rendus à avoir plus de 850 km de voies cyclables, on peut se dire qu’il y en a pas mal partout, mais encore là, il reste des coins qui sont mal desservis […] Des fois, ce n’est pas grand-chose que ça prend pour le rendre efficace, ça peut être un ajout de 0,5 km qui sera plus utile que 4 km dans une zone isolée », fait valoir Mme Lareau.

Dans les dernières années, un important travail pour tenter de connecter des bouts de pistes ensemble s’est amorcé, mais, pour augmenter la part modale du vélo, des décisions difficiles devront être prises mentionne Daniel Lambert, porte-parole de la Coalition vélo Montréal.

« Tout comme les automobilistes, les cyclistes veulent être en mesure d’aller directement du point A au point B », note M. Lambert.

« On est rendus à l’étape où il faut développer des kilomètres structurants qui vont nécessiter qu’on enlève soit une voie de circulation, soit des places de stationnement. On est rendus à prendre des décisions qui font plus mal, et les administrations municipales ont généralement une certaine frilosité à aller de l’avant », ajoute Mme Lareau.

 Tout comme les automobilistes, les cyclistes veulent être en mesure d’aller directement du point A au point B 


Le centre-ville de la métropole s’inscrit dans ce défi que devra relever la Ville de Montréal, alors qu’il est actuellement considéré par la communauté cycliste comme un désert cyclable. « En ce moment, le centre-ville, c’est abominable. C’est de pire en pire parce qu’il y a de plus en plus de chantiers et de plus en plus de voitures, et l’espace pour les cyclistes est réduit. Il faut voir la situation actuelle comme une occasion d’assurer la connectivité du réseau vers le centre-ville de Montréal, qui est un pôle de destination très important », souligne Mme Lareau.

En 2018, l’administration de Valérie Plante a assuré vouloir privilégier la qualité des kilomètres ajoutée plutôt que leur quantité. En juin dernier, une consultation en ligne a été lancée pour connaître les besoins des cyclistes montréalais. Le projet de Réseau express vélo devrait être annoncé dans les prochaines semaines.

Avec Jeanne Corriveau

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