Pleins feux sur la mobilité durable en 2018

Si 2017 lui avait déjà ouvert grand la porte avec l’élection de Valérie Plante à la mairie de Montréal, 2018 aura été sans contredit l’année où la mobilité durable aura réussi, malgré quelques lacunes persistantes, à se tailler une place de choix dans le débat public. Retour sur un mouvement en marche.
Politique de mobilité durable : de pierre d’assise à erre d’aller ?
Projet phare du précédent gouvernement, la Politique de mobilité durable (PMD), présentée comme la « baie James de notre époque » en avril dernier, a été presque aussi bien accueillie qu’elle était attendue par le petit écosystème du transport québécois.
« Ça faisait longtemps qu’on l’espérait, rappelle le directeur général de Vivre en ville, Christian Savard. C’est un travail qui s’est fait en collaboration avec l’ensemble du milieu et qui, heureusement, vient avec de l’argent supplémentaire. Surtout, c’est une politique avec des objectifs très ambitieux qui pose la mobilité durable comme un incontournable. »
Reste aujourd’hui à voir de quelle manière les différents acteurs décideront de se l’approprier sur le terrain. « Il n’y a pas de doute que, malgré le changement de garde à Québec, cette politique est là pour de bon, souligne tout de même le président de Trajectoire Québec, François Pépin, en se voulant rassurant. Mais maintenant, on attend de connaître la direction que vont prendre François Legault et son équipe à ce sujet. Vont-ils la bonifier ? La laisser telle quelle ? Tout est encore à voir avec ce gouvernement. »
Transports collectifs : des projets et des promesses
Réseau express métropolitain (REM), service de bus rapide sur le boulevard Pie-IX à Montréal, lien rapide à Gatineau… L’année 2018 aura été marquée par le déploiement de toute une série de grands chantiers de transport collectif.
Mais si certains, comme celui du REM, vont rondement, d’autres, comme celui du prolongement de la ligne bleue à Montréal, se laissent encore désirer. « Après presque 20 ans d’attente, on peut tout de même dire qu’on a enfin procédé aux premières expropriations liées à ce dossier, lance avec un léger rire Christian Savard. C’est quand même encourageant pour la suite. »
Il va falloir qu’on ait, collectivement, une grande réflexion en 2019. Parce que c’est bien beau de parler de mobilité durable, mais il va falloir que ça puisse concerner tout le monde, il en va de la survie des municipalités en région.
Chose certaine, les projets de transport en commun ont retenu beaucoup d’attention au cours des derniers mois, que ce soit à travers le dépôt des multiples plans de décongestion pour la grande région de Montréal lors de la campagne électorale provinciale ou par la création de bureaux de projets, comme ceux pour une éventuelle ligne rose à Montréal ou le futur réseau structurant à Québec.
« On sent que, sur le tableau du transport collectif, on a gagné la bataille des idées, affirme Tania Gonzalez, responsable des dossiers Transport, GES et Aménagement du territoire au Conseil régional de l’environnement de Montréal (CRE-Montréal). Mais il faut maintenant que les investissements suivent. On ne peut pas juste parler de transport en commun pour dire qu’on fait de la mobilité durable, il faut aussi être cohérent parce qu’entre le troisième lien [qui a, lui aussi, occupé beaucoup de place dans l’espace public ces derniers mois] et les projets de transport collectif, il y a un écart. On ne pourra pas tout faire. »
Concrètement, l’année qui s’achève aura aussi été marquée par une hausse de l’achalandage des réseaux de transport collectif dans tous les centres urbains du Québec. « On sent qu’il y a eu une prise de conscience de la part des organisations et des sociétés de transport au cours des dernières années, indique François Pépin. Des actions commencent à être prises sur le terrain d’ailleurs [comme la commande de 300 nouveaux autobus et de trains Azur supplémentaires à Montréal], mais il faut poursuivre sur cette erre d’aller. La hausse de l’achalandage doit être vue pour ce qu’elle est : un désir de la part des citoyens de prendre les transports collectifs. Mais ça, ça veut dire que les services doivent suivre ! »
Voirie : l’année de tous les chantiers (bis)
Les Québécois l’auront remarqué une fois de plus, l’année 2018 aura été, à l’instar de celles qui l’ont précédée, lourde en travaux routiers. En témoignent d’ailleurs les périodes de pointe de plus en plus longues sur les routes de la région métropolitaine.
À ce sujet, la Communauté métropolitaine de Montréal soulignait justement en septembre dernier que les coûts associés à la congestion routière avaient carrément doublé au cours des dix dernières années et qu’ils pourraient frôler les 4,8 milliards de dollars à la fin de cette année.
Et, malheureusement pour les automobiles, les choses ne devraient pas aller en s’améliorant dans les prochains mois, voire les prochaines années, la majorité de nos infrastructures arrivant — ou étant déjà — à la fin de leur vie utile.
À noter qu’un certain nombre d’améliorations a tout de même été mis en place cette année, notamment à Montréal, pour faciliter la vie de certains usagers — on peut penser aux mesures d’apaisement dans l’arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie par exemple — et pour, au moins, profiter des périodes de travaux pour repenser les aménagements urbains. « Il y a un réel souci de ne plus faire les choses à l’identique, soutient Tania Gonzalez du CRE-Montréal. C’est une nouvelle orientation qu’on n’aurait pas crue possible il y a quelques années. »
Sécurité routière : de hauts et de bas
Après près de quatre ans d’attente, l’année 2018 a finalement été celle qui a vu aboutir la réforme du Code de la sécurité routière. Déposée en avril dernier par le gouvernement Couillard, après des mois de consultations publiques, celle-ci a toutefois reçu un accueil plutôt tiède tant de la part des automobilistes que des usagers vulnérables. Il faut dire que, malgré quelques bons coups — on peut entre autres penser au resserrement des règles entourant l’usage du cellulaire au volant —, ce sont surtout les hausses importantes de la plupart des amendes qui ont retenu l’attention cette année.
« Ça nous a laissé un goût amer, avoue la présidente-directrice générale de Vélo Québec, Suzanne Lareau. Comprenez-moi bien, je n’ai rien contre le fait que les infractions des cyclistes soient punies, mais ces sanctions doivent être à la hauteur des fautes commises. »
Outre ces changements législatifs difficiles à avaler, il faut reconnaître que l’année qui s’achève a porté un dur coup aux cyclistes et aux piétons.
« Les derniers chiffres ne sont pas encore disponibles, mais on est en voie d’obtenir le pire bilan routier depuis une dizaine d’années, expose la porte-parole de Piétons Québec, Jeanne Robin, en soulignant tout de même l’introduction du principe de vision zéro dans la dernière PMD. Il y a quelque chose de très préoccupant là-dedans parce qu’on souhaite tous, collectivement, que les gens utilisent davantage les transports actifs pour leurs déplacements quotidiens. Mais si on veut que ça fonctionne, il va falloir s’assurer qu’on ne puisse plus construire un nouveau développement sans trottoir ! Il faut réfléchir à ce qui se passe, mais aussi intervenir pour s’assurer que tous les usagers trouvent leur place dans nos rues. »
Transport régional : l’éternel angle mort
En mal de financement depuis des années, les réseaux de transport inter et intrarégionaux n’ont guère eu la vie plus facile au cours de la dernière année. À peine mentionnés dans la nouvelle Politique de mobilité durable, ceux-ci peinent en effet plus que jamais à répondre aux besoins des citoyens.
En témoigne d’ailleurs la multiplication des prises de parole de la part des transporteurs régionaux et des élus locaux. « Le problème demeure entier quand on pense au transport régional, déplore François Pépin, de Trajectoire Québec. Depuis le départ d’Orléans Express, les services, malgré les efforts, s’effritent. Il faudra sans faute que ce soit l’un des chantiers de 2019. »
« Il va falloir qu’on ait, collectivement, une grande réflexion à ce sujet en 2019, renchérit le président de l’Union des municipalités, Alexandre Cusson. Parce que c’est bien beau de parler de mobilité durable, mais il va falloir que ça puisse concerner tout le monde, il en va de la survie des municipalités en région. »