Le Réseau Express Vélo et les défis de la cohabitation cyclable

On trouve de tout sur les pistes et les bandes cyclables de la métropole, des travailleurs en transit aux cyclistes sportifs, en passant par les familles avec de jeunes enfants et les touristes. On trouve aussi plusieurs types de vélos qui, selon le modèle — et la personne qui l’enfourche —, ne permettent pas tous d’aller à la même vitesse.
Photo: Valérian Mazataud Le Devoir On trouve de tout sur les pistes et les bandes cyclables de la métropole, des travailleurs en transit aux cyclistes sportifs, en passant par les familles avec de jeunes enfants et les touristes. On trouve aussi plusieurs types de vélos qui, selon le modèle — et la personne qui l’enfourche —, ne permettent pas tous d’aller à la même vitesse.

En misant sur l’efficacité de son futur Réseau Express Vélo, dont la mise en oeuvre vient tout juste de faire l’objet d’une consultation publique, la Ville de Montréal estime avoir trouvé un nouveau levier pour augmenter la part modale cyclable dans les rues de la métropole. Pour y arriver, elle devra toutefois s’assurer que ces futures pistes sont plus sécuritaires et plus conviviales que celles qui sont actuellement en place, mais aussi veiller à ce qu’elles soient adaptées aux besoins disparates de tous les cyclistes.

Les cyclistes montréalais le savent : s’il peut être agréable et pratique de circuler à vélo en ville, la cohabitation entre les différents usagers de la route n’est pas toujours une mince affaire. Et, contrairement à ce qu’on pourrait croire, les choses ne sont pas nécessairement plus paisibles sur le réseau cyclable. De plus en plus achalandées — en témoignent les « bouchons de circulation » sur de nombreux tronçons, comme les pistes de la rue Rachel ou du boulevard De Maisonneuve —, les infrastructures actuelles sont régulièrement le théâtre de microaccrochages entre les différents types de cyclistes. À tel point que certains usagers préfèrent, de loin, emprunter les rues avoisinantes.

C’est le cas, par exemple, de Marianne Schneider qui, durant la belle saison, aime mieux éviter, autant que faire se peut, les voies réservées à la pratique du vélo. « J’aime mieux rouler dans la rue », indique celle qui enfourche son deux-roues 365 jours sur 365. Certaines pistes sont tellement achalandées — et pas que par des cyclistes — que ça me prendrait au moins 15 minutes de plus pour me rendre au travail. Pour ça, l’hiver, c’est beaucoup mieux. »

Même son de cloche du côté de Jérémie Desmarais. « Personnellement, entre avril et novembre, j’oublie les pistes, expose-t-il. Évidemment, il faut que tout le monde ait accès aux pistes — autant les familles que les “bixistes” —, mais ça me fait quand même vivre beaucoup d’impatience. Je préfère encore rouler dans le trafic. »

140 km
C’est la taille que devrait avoir le futur Réseau Express Vélo une fois achevé.

Source : Rapport de synthèse de la consultation publique, Réseau Express Vélo, novembre 2018

Il faut dire qu’on trouve de tout sur les pistes et les bandes cyclables de la métropole, des travailleurs en transit aux cyclistes sportifs, en passant par les familles avec de jeunes enfants et les touristes. On trouve aussi plusieurs types de vélos qui, selon le modèle — et la personne qui l’enfourche —, ne permettent pas tous d’aller à la même vitesse. « En général, ça se passe plutôt bien, affirme Valérie Houle, qui circule, pour sa part, à vélo cargo. Mais j’avoue que je n’ose jamais laisser mon fils de six ans parcourir en pédalant les 200 mètres de la piste Rachel qui le séparent de son école un matin de septembre. Beaucoup trop intense pour moi ; il y a des cyclistes qui n’ont pas de patience, c’est troublant. »

En général, ça se passe plutôt bien. Mais j’avoue que je n’ose jamais laisser mon fils de six ans parcourir en pédalant les 200 mètres de la piste Rachel qui le séparent de son école un matin de septembre. Beaucoup trop intense pour moi ; il y a des cyclistes qui n’ont pas de patience, c’est troublant.

Les failles du réseau

Interpellés par l’entremise des réseaux sociaux sur la question de la cohabitation entre eux, les cyclistes ont été nombreux à mentionner les difficultés liées au fort achalandage du réseau actuel. Mais, plus encore, ils ont surtout tenu à souligner les failles physiques des infrastructures qui rendent le partage de ces voies difficile au quotidien. Au coeur des doléances : la largeur insuffisante des pistes et la bidirectionnalité de nombreuses voies.

« La cohabitation peut être très difficile et conflictuelle sur les pistes bidirectionnelles, reconnaît le consultant indépendant en matière de mobilité durable Zvi Leve. Les écarts de vitesse entre les différents types de cyclistes sont grands, ce qui fait qu’ils voudront parfois rouler côte à côte. Il faut absolument accorder de l’espace pour les dépassements de façon sécuritaire. »

57 %
C’est le taux d’accroissement du nombre de déplacements à vélo entre 2008 et 2013.

Source : L’état du vélo au Québec en 2015, Vélo Québec

« Généralement, le problème, c’est le manque d’espace, ajoute Camille Chaudron. Les enfants, par exemple, ont du mal à rouler en ligne droite, alors c’est risqué de les dépasser. Ça fait des bouchons et c’est stressant pour les parents. Mais à certains endroits, comme sur Rachel, avec les trous et les bouches d’égout, même croiser un autre cycliste peut être dangereux. Là, ce n’est plus un problème de cohabitation, c’est le réseau qui n’est pas adapté. »

Faire mieux pour tous

 

Ils sont d’ailleurs plusieurs à espérer que le futur Réseau Express Vélo (REV), promis par l’administration Plante et dont la nature devrait être exposée plus en détail au printemps prochain, ne répétera pas les mêmes erreurs au moment de sa conception. D’autant que, bien que l’idée puisse plaire à certains, il ne serait pas possible, sur le terrain, de ségréguer les différents types de cyclistes. « Le REV devra être plus sécuritaire et plus convivial pour tout le monde, insiste la présidente-directrice générale de Vélo Québec, Suzanne Lareau. On ne peut pas — et on ne veut pas — séparer les cyclistes en fonction de leur vitesse ou des raisons qui motivent leurs déplacements. De toute façon, ce serait inapplicable ! Il faut donc s’assurer qu’il y a assez de place pour tous, tout en veillant à ce que ce nouveau réseau permette des déplacements efficaces. »

En ce sens, la conseillère associée au développement durable et aux transports actifs pour la Ville de Montréal, Marianne Giguère, précise qu’une consultation publique sur le sujet vient tout juste d’avoir lieu. Les résultats préliminaires ont d’ailleurs été rendus publics il y a une quinzaine de jours. « On a bien entendu ce que les gens avaient à dire », souligne l’élue de Projet Montréal, en rappelant que le réseau actuel ne disparaîtra pas au profit du REV. « Je suis convaincue qu’il va y avoir une hiérarchisation naturelle des réseaux. En ce qui concerne le REV, c’est certain que je ne peux pas encore vous en dire beaucoup, mais il est évident que ça va impliquer des pistes protégées. »

Évident aussi, ajoute-t-elle, que ces dernières seront plus larges que ce qu’on connaît en ce moment. Il en va d’ailleurs de la pérennité du réseau puisqu’il faudra aussi être en mesure d’accueillir les nouveaux cyclistes. « C’est de cette façon qu’on va s’assurer que le réseau est efficace et agréable pour tous les usagers, tant ceux qui sont pressés que ceux qui admirent le paysage. »

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