Vélos: les banlieues veulent joindre l’utile à l’agréable

Si, en banlieue, le vélo a longtemps été l’apanage des familles et des cyclistes du dimanche, les choses sont en voie de bien changer d’un bout à l’autre de la grande région de Montréal. De Saint-Eustache à Sainte-Julie, en passant par Laval et Longueuil, les nouveaux kilomètres de pistes cyclables se multiplient alors que les villes des couronnes s’organisent pour que leur réseau puisse passer du récréatif à l’utilitaire.
Les enfants des banlieues le savent. Faire du vélo loin des quartiers centraux montréalais n’a pas toujours été une mince affaire. Éclatés et déconnectés, les réseaux cyclables ont longtemps égrené les banlieues de la région métropolitaine par tronçons épars, confinant les cyclistes à leur quartier respectif ou forçant les plus téméraires à s’aventurer sur de dangereux boulevards.
Mais à en croire le nombre de plans directeurs des déplacements cyclables adoptés au cours des derniers mois d’un bout à l’autre de la région, force est de constater que la situation est en voie de changer dans ces paradis du tout-à-l’auto.

Ainsi, que ce soit à Laval au début de l’été dernier ou à Longueuil il y a quelques semaines à peine, de plus en plus d’administrations municipales des couronnes se dotent d’objectifs ambitieux en matière d’amélioration et d’expansion de leur réseau cyclable respectif. Objectifs qui, à terme, risquent de transformer pour le mieux la manière dont on circule à vélo d’un bout à l’autre du territoire de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM).
Améliorer et bonifier
« Les choses bougent, assure avec un enthousiasme évident la présidente-directrice générale de Vélo-Québec, Suzanne Lareau. Ça fait déjà quelques années qu’on travaille avec ces villes et on remarque de plus en plus que les élus comprennent que leurs citoyens souhaitent utiliser le vélo comme moyen de transport. »
« Certains politiciens locaux l’utilisent eux-mêmes pour effectuer leurs déplacements quotidiens. Les mentalités changent et ça commence à paraître sur le terrain, on ne pense plus les réseaux seulement pour ceux qui font du vélo récréatif la fin de semaine. »
Sur le terrain, ces changements se traduisent par l’ajout de nouvelles pistes, mais également par l’amélioration des réseaux existants. « Il faut ajouter des kilomètres, c’est certain, concède François Desrochers, conseiller à la recherche à la CMM. Mais il faut aussi s’assurer que ceux qui sont déjà en place sont sécuritaires. » C’est d’ailleurs dans cette optique qu’une grande partie du budget imparti au développement du Réseau vélo métropolitain — le plan vélo adopté par la CMM en 2012 — sera utilisée au cours des prochaines années.
Concrètement, cela veut dire de remplacer les nombreuses voies bidirectionnelles qui ont été réalisées au cours des dernières décennies par des pistes unidirectionnelles, situées de part et d’autre de la chaussée. Cela veut également dire de privilégier, autant que possible, des installations en site propre plutôt que de la simple peinture.
Source : Communauté métropolitaine de Montréal
Ultimement, ce plan devrait également permettre à la CMM de faciliter les déplacements cyclables à l’intérieur des villes, mais également entre les 82 municipalités que l’on retrouve sur son territoire.
C’est ce qui a poussé, par exemple, la Ville de Sainte-Julie à asphalter les accotements qui la lient à ses voisines. « Pour qu’un réseau soit réellement efficace, les cyclistes doivent sentir qu’ils peuvent se rendre à destination sans avoir à faire de multiples détours, sinon ils vont passer ailleurs, précise Suzanne Lareau de Vélo-Québec. Dans certains cas, cela implique de devoir sortir de sa ville de résidence. »
« Comme cycliste, ce n’est pas toujours évident de passer du point A au point B en empruntant les pistes officielles, illustre en ce sens Mario Grenier, qui pédale surtout sur la Rive-Sud de Montréal. On finit souvent par prendre d’autres chemins, faute de mieux. »
Cycliste aguerri, l’homme de 59 ans voit tout de même d’un bon œil les efforts que font les villes pour améliorer les infrastructures cyclables. « Dans certains secteurs, on parle de rénovations majeures, soutient-il. Tout n’est pas parfait encore, mais on s’en va clairement dans la bonne direction. »
« Nous avons bien entendu les critiques, soutient pour sa part Oliya Girard, chef de la division architecture de paysage de la Ville de Longueuil. Nous avons déjà commencé à apporter des changements, mais nous voulons aller encore plus loin. Notre objectif est que notre réseau devienne une véritable option de transport au quotidien. »
À l’heure actuelle, ce dernier s’étend sur 168 kilomètres, mais devrait être largement bonifié au cours des 15 prochaines années. À terme, les cyclistes devraient pouvoir compter sur 137 kilomètres de plus pour effectuer leurs déplacements.
Transfert modal
À terme, les 82 municipalités de la CMM espèrent que tous ces efforts additionnés les aideront à atteindre leur grand objectif, à savoir celui de doubler le nombre de déplacements quotidiens effectués à vélo sur leur territoire d’ici 2031. Cela leur permettrait aussi de se hisser en tête du palmarès des régions métropolitaines les plus cyclables du monde. « Nous sommes déjà cinquièmes, lance François Desrochers de la direction générale de la CMM, mais nous voulons être les meilleurs ! »
Source : Communauté métropolitaine de Montréal
Et bien que ces améliorations n’aient pas encore été quantifiées, il est certain qu’elles ont déjà eu un impact sur l’achalandage d’un bout à l’autre de la région. « Nous n’avons pas encore installé de compteurs sur notre territoire, précise Jean-Sébastien Audet, ingénieur en circulation et en transport à la Ville de Laval. Mais on le voit très bien. Les cyclistes étaient très rares, voire inexistants sur les boulevards Le Corbusier et Saint-Martin, par exemple. Maintenant, on les voit, ils sont là, matin et soir. »
« C’est aussi une question de volonté politique, argue pour sa part Virginie Dufour, membre du comité exécutif de la Ville de Laval. Pour nous, c’était déjà clair en 2013, quand nous avons été élus, que le réseau cyclable devait devenir une priorité. Le bonifier faisait partie de nos promesses électorales. »
Et on pourra difficilement leur reprocher de ne pas avoir respecté leurs engagements, quiconque ayant récemment arpenté les boulevards qui quadrillent l’île peut en témoigner. De part et d’autre de la ville, ces larges artères sont maintenant ornées de rutilantes bandes cyclables unidirectionnelles, délimitées par des bollards et presque toutes munies de sas aux intersections.
Chose certaine, c’est en continuant d’améliorer et de bonifier leurs infrastructures que les villes réussiront à attirer davantage de cyclistes, insiste Suzanne Lareau de Vélo-Québec.
Plus encore, selon elle, ces améliorations sont la clé d’un transfert modal pérenne. « Les études en ce sens sont nombreuses, précise celle qui occupe son poste depuis 2001. Plus vos aménagements sont pratiques et utilitaires, plus les cyclistes seront nombreux à les utiliser. Et qui dit plus de cyclistes, dit nécessairement moins d’automobilistes.
C’est presque mathématique ! »
