Vélo volé? Regardez du côté de l'encan municipal

Bon an, mal an, le Service de police de la Ville de Montréal réussit à mettre la main sur environ 500 vélos volés. Faute d’informations dans leurs dossiers, les policiers montréalais sont pourtant rarement capables de retrouver les propriétaires de ces bécanes qui finissent, pour la plupart, à l’encan de la municipalité.
L'histoire de Lennyg Tercero-Estrada est, somme toute, banale. Il y a environ trois mois, le jeune Montréalais s’est fait voler son vélo. Apposé contre un poteau situé près du boulevard de Maisonneuve, en plein coeur de l’arrondissement de Ville-Marie, ce dernier a été dérobé durant le quart de travail de son propriétaire. « Il était bien barré pourtant, raconte le cycliste, un léger soupir dans la voix. Je le barre toujours avec un cadenas en U, la roue avant était attachée, il était sur une rue passante. J’ai fait tout ce que j’ai pu. Ça faisait trois ans que je l’avais, que je l’utilisais été comme hiver. Ça devait finir par arriver, j’imagine… »
Comme plusieurs victimes de ce genre de larcin, Lennyg Tercero-Estrada n’a toutefois pas cru bon de déclarer la disparition de son vélo aux policiers. « Je n’avais pas le numéro de série, lâche-t-il. Je n’avais jamais pris le temps de le faire buriner. Tout ce que j’aurais pu leur fournir comme informations, ce sont les modifications que j’avais moi-même apportées à mon vélo au cours des dernières années. Je le reconnaîtrais sans doute dans la rue, mais ça me semble bien peu pour démarrer une enquête. » Résigné, le cycliste a plutôt décidé de passer à autre chose et de s’acheter une nouvelle bicyclette — cette fois-ci, usagée.
Mince portrait
Le cas de Lennyg Tercero-Estrada est loin d’être unique. Selon Vélo Québec, à peine une personne sur cinq prendrait la peine de déclarer ce genre de vol au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM). « Les gens ont l’impression que sans information, ce n’est pas tellement utile de remplir un rapport de police, relève Jean-François Pronovost, vice-président au développement et aux affaires publiques pour l’association cycliste depuis juin 2010. Et ils n’ont sans doute pas tout à fait tort… Sauf qu’en fin de compte, ça fausse quand même les données statistiques dont on dispose et ça fait en sorte qu’on a juste une toute petite idée de l’ampleur du phénomène. »
Source : Service de police de la Ville de Montréal
Ainsi, selon les données du SPVM, ils sont environ 2000 cyclistes à se faire subtiliser leur bicyclette chaque année. Or, un rapide coup d’oeil sur les réseaux sociaux suffit pour constater qu’il ne s’agit probablement là que de la pointe de l’iceberg. Active depuis 2013, la page Facebook Vélo volé – Montréal, par exemple, compte aujourd’hui plus de 6000 membres, et de nouveaux vélos disparus y font leur apparition chaque jour, à un rythme qui pourrait en décourager plus d’un d’opter pour ce mode de transport actif.
Certains organismes estiment même que près d’un cycliste sur deux aurait déjà été victime de ce genre de vol dans les rues de Montréal. Ce qui fait presque de ce malheureux incident un rite de passage dans la métropole. Sans surprise, c’est dans les quartiers centraux qu’ont lieu la plupart des vols de vélos. C’est d’ailleurs aussi dans les rues de ces secteurs que se déplacent le plus de cyclistes sur une base quotidienne.
Chaque année, le SPVM réussit pourtant à retrouver près de 500 bicyclettes aux quatre coins de l’île. « On en trouve un peu partout, reconnaît le commandant Steve Girard, le responsable du volet pour prévenir les vols. Dans les parcs, dans les ruelles, appuyés sur des poteaux… Il y a des gens qui nous appellent aussi pour nous déclarer des vélos abandonnés. » Et, bien que, sur ce nombre, il ne soit pas possible d’établir avec certitude combien ont été volés, le policier estime qu’il s’agit sans aucun doute de la majorité.
De l’importance du burinage
Faute d’informations, ces deux-roues égarés finissent, dans la plupart des cas, entreposés dans les différents postes de quartier, dans l’attente d’être vendus à l’encan de la Ville. « En 2017, nos dossiers nous ont permis de n’en remettre que 37 à leurs propriétaires d’origine, lance le commandant Steve Girard, visiblement agacé. C’est tellement peu ! » Et ceux qui ne sont pas retrouvés ? « Certains sont vendus sur les Kijiji et Craiglist de ce monde, d’autres le sont directement dans la rue, les plus dispendieux finissent peut-être en pièces détachées, avance prudemment le policier avec un léger rire. On a déjà vu un BIXI à Haïti, rien n’est impossible non plus. »
Source : Service de police de la Ville de Montréal
Pour pouvoir effectuer leur travail jusqu’au bout — ou même juste le commencer —, les enquêteurs ont toutefois besoin des rapports de plainte, insiste celui qui travaille pour la Section Intervention et Circulation. Plus encore, continue-t-il, il faut que les cyclistes conservent leur numéro de série et prennent le temps de faire buriner leur monture. « L’idée est non seulement d’avoir une trace écrite qui permettrait de retrouver le vélo en cas de vol, mais aussi de dissuader les voleurs, affirme-t-il. Un vélo buriné est beaucoup plus difficile à revendre, surtout s’il est identifié comme tel avec un autocollant. »
À cet effet, rappelle le commandant Steve Girard, le SPVM dispose depuis déjà quelques années d'un service de burinage, offert tout au long de la saison cyclable dans les parcs de la métropole. Complètement gratuit, ce système d’identification permet, à terme, aux policiers de mieux identifier les vélos qu’ils retrouvent sur leur territoire.
Bien choisir son cadenas

