Électrification: l’épineux problème des quartiers denses

La Ville de Montréal prévoit étendre son réseau de bornes de recharge pour les voitures électriques dans les quartiers résidentiels.
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir La Ville de Montréal prévoit étendre son réseau de bornes de recharge pour les voitures électriques dans les quartiers résidentiels.

Si les ambitions de la Ville de Montréal et du gouvernement du Québec en matière d’électrification des transports sont sérieuses, ces derniers n’auront pas le choix de brancher rapidement les quartiers centraux résidentiels de la métropole. À l’heure actuelle, le gros des efforts a été concentré au centre-ville, où l’on trouve une cinquantaine de bornes de recharge dispersées dans les rues.

Or, des portraits statistiques effectués par l’Association des véhicules électriques du Québec (AVEQ) auprès des « électromobilistes » montrent que la grande majorité des recharges, soit plus de 90 %, se font à la maison, une fois la journée de travail terminée. Et si, pour le moment, la plupart des propriétaires de véhicule électrique disposent d’une borne privée installée dans un espace de stationnement, la demande auprès du réseau public pourrait considérablement augmenter au cours des prochaines années, notamment avec l’arrivée des nouveaux modèles ayant une plus grande autonomie.

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C’est le nombre de voitures électriques qui roulent actuellement sur les routes du Québec.

Source : Association des véhicules électriques du Québec, 31 août 2016

Maxime Séguin-Durand roule à bord d’une Leaf de Nissan depuis trois mois. Résidant de l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal — l’un des secteurs les plus denses de l’île —, le jeune homme de 26 ans ne possède pas d’espace de stationnement réservé. Quand il ne l’utilise pas, sa voiture trouve ainsi sa place dans la rue, aux côtés de celle de la plupart de ses voisins. « Au début, c’est certain que ça prend un temps d’adaptation, explique celui qui recharge son véhicule tous les deux ou trois jours. Il faut être plus flexible parce que les bornes ne sont pas toujours disponibles, il faut prévoir nos temps de recharge, etc. »

L’étudiant en droit reconnaît qu’il est chanceux puisqu’une borne publique a été installée à moins de cinq minutes à pied de sa résidence. Dans d’autres secteurs de la ville, comme le quartier Centre-Sud ou, encore, plus dans l’est, dans Hochelaga-Maisonneuve, les bornes de recharge publiques se font rares, rendant la vie difficile à ceux qui souhaitent les utiliser.

Question d’espace

 


Selon le directeur régional de Montréal pour l’AVEQ, Robert Dupuy, cette épineuse question d’espace est, pour le moment, un frein au virage électrique que tente de prendre la Ville de Montréal et, plus largement, le gouvernement du Québec. « On nous le dit, concède le porte-parole du regroupement qui compte plus de 5500 membres actifs. Il y a des gens qui attendent que le réseau sur rue soit mieux ancré dans les quartiers centraux de Montréal avant de passer à l’électrique. »


De fait, ils sont nombreux à affirmer que s’ils n’avaient pas eu de place de stationnement attachée à leur résidence, ils n’auraient peut-être toujours pas fait le saut. « Personnellement, je pense que j’aurais déménagé, lance avec aplomb Jonathan Vandal. Pour moi, le fait d’avoir une borne chez moi était une condition sine qua non. » Sa conjointe et lui habitent à deux pas du marché Atwater, et possèdent tous deux une voiture électrique. « Nous les rechargeons presque toujours à la maison, précise-t-il. Le réseau public est surtout un réseau d’appoint. »

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C’est le nombre de bornes du Circuit électrique — le réseau public — qui était déployé sur le territoire de la Ville de Montréal. Le même nombre doit être installé en plus d’ici la fin de l’année.

Source : Association des véhicules électriques du Québec, 31 août 2016

« Il s’agit peut-être là de l’angle mort le plus important de cette communauté, renchérit Maxime Séguin-Durand. Avant d’avoir ma voiture, je posais des questions sur les forums spécialisés pour savoir ce que faisaient les gens dans les quartiers centraux, et on peinait à me répondre. » Ce silence radio s’explique peut-être par le fait qu’encore aujourd’hui, la plupart des propriétaires de véhicules électriques résident à l’extérieur de Montréal où l’on trouve moins du cinquième des gens qui ont fait le pari de l’électrification. La Montérégie, qui regroupe l’ensemble des banlieues du sud de la métropole, est la région où l’on en trouve le plus.

Expansion prévue

 

Pour pallier ce problème, la Ville de Montréal prévoit toutefois étendre son réseau dans les quartiers résidentiels. Déjà, au début de mois de novembre, l’administration Coderre annonçait l’implantation de plus de 150 points de recharge sur rue supplémentaires dans huit arrondissements d’ici la fin de l’année en cours.

Cette annonce se fait dans la foulée de la Stratégie d’électrification de la Ville de Montréal dévoilée en grande pompe en juin 2016 et qui prévoit, notamment, le « déploiement d’un réseau de bornes de recharge pour appuyer la conversion progressive et souhaitée du parc automobile montréalais ». En tout, ce sont « minimalement 1000 bornes sur rue » qui doivent être installées aux quatre coins de la ville d’ici 2020.

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C’est le nombre de bornes à recharge rapide présentement disponibles sur le territoire montréalais. La Ville affirme toutefois que la cadence d’installation de ce type de borne augmentera au cours des prochains mois.

Source : Ville de Montréal

« Cette expansion annoncée a été accueillie avec soulagement chez nous, raconte Maxime Séguin-Durand. Pas que ce soit particulièrement difficile en ce moment sur le Plateau, mais nous ne sommes pas beaucoup à utiliser le Circuit électrique comme première source de recharge. C’est tout de même encourageant de voir que la Ville compte aller plus loin dans les quartiers où les gens habitent. »

« C’est certain que les quartiers denses devront être une priorité, reconnaît la conseillère associée responsable de la stratégie d’électrification à la Ville de Montréal, Elsie Lefebvre. Par contre, il ne pourra pas y avoir une borne par résidence, ça n’aurait aucun sens. » Pour réussir à desservir les secteurs résidentiels, la Ville compte plutôt privilégier le déploiement de bornes à recharge rapide, une denrée rare à l’heure actuelle sur l’île.

Impossible toutefois de savoir déjà où seront installées ces futures bornes, le seul plan d’expansion disponible étant celui annoncé plus tôt ce mois-ci par le maire de Montréal. La planification pour l’installation de nouvelles bornes en 2017 est en cours et devrait être annoncée au début de l’année prochaine. « La planification se fait de façon dynamique, précise France Lampron, directrice de l’Électrification des transports à Hydro-Québec. Le but est d’avoir un réseau cohérent qui s’articule autour de la demande, mais qui pourra également répondre aux besoins éventuels. »

Avancée technologique

 

L’arrivée de nouveaux modèles dotés d’une plus grande autonomie devrait aussi faciliter grandement la transition. « Les véhicules qui s’en viennent n’auront pas besoin d’être rechargés tous les jours, précise Robert Dupuy. Non seulement ça devrait les rendre plus intéressants pour le grand public, mais en plus ça réduira de beaucoup la pression d’avoir absolument une borne à la maison. »

Stations-service nouveau genre?

Bien qu’il soit trop tôt pour confirmer l’implantation de bornes de recharge sur les terrains des stations-service traditionnelles, Hydro-Québec et la Ville de Montréal ont confirmé au Devoir que des discussions étaient présentement en cours avec plusieurs pétrolières pour voir si ce genre d’installation est envisageable dans un avenir proche. Dans pareil cas, ces espaces, déjà réservés au ravitaillement des véhicules thermiques, pourraient devenir des pôles de recharge pour tous types de voitures.



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