Communauto, vers l’infini et plus loin encore

Créé en 1994, Communauto est le plus ancien service d’autopartage en Amérique du Nord.
Photo: Pedro Ruiz Le Devoir Créé en 1994, Communauto est le plus ancien service d’autopartage en Amérique du Nord.

Dans le but de s’imposer à l’étranger, Communauto est en voie de s’associer à de gros joueurs du milieu des transports, a appris Le Devoir. Cette nouvelle « alliance » internationale devrait permettre au pionnier québécois de l’autopartage de faire face aux nombreux défis qui l’attendent dans les prochaines années et, surtout, de se positionner comme un acteur-clé de la mobilité de demain.

Bousculé par les innovations technologiques et par l’arrivée d’imposants nouveaux joueurs, le petit monde de l’autopartage est en pleine mutation. Électrification des flottes de véhicules, automatisation imminente et implantation dans des marchés jusqu’alors inexplorés, les défis qui attendent les différents services de voitures partagés ne manquent pas. Et Communauto, le plus ancien réseau d’autopartage en Amérique du Nord, ne compte pas demeurer en reste.

« Depuis quelques années, c’est devenu assez clair pour nous que, si nous voulons être en mesure de participer aux changements à venir, nous ne pouvons pas rester seulement au Québec, explique Marco Viviani, le directeur du développement et des relations publiques du groupe. Cette phase où Communauto est une entreprise exclusivement québécoise tire à sa fin. »

1994
C’est l’année de fondation de Communauto. Il s’agit du plus ancien et du plus important service d’autopartage en Amérique du Nord.

Source : Communauto

De passage en Europe la semaine passée pour une dernière série de négociations avec de futurs partenaires, celui qui occupe son poste depuis 2003 est convaincu que, si Communauto souhaite demeurer pertinente, elle n’aura pas le choix de se donner les moyens d’exporter son modèle à l’étranger. Déjà, la popularité du service dans le reste du Canada et en France lui donne raison. « Si on veut continuer dans cette direction, il est toutefois nécessaire d’aller chercher des alliés d’envergure. Des alliés avec des moyens à la hauteur du marché dans lequel nous souhaitons nous imposer. »

Impossible par contre pour lui de confirmer qui sont ces partenaires potentiels, les discussions étant toujours en cours. « Tout ce que je peux vous dire, c’est qu’ils sont inusuels, mais que, si tout fonctionne, nous aurons des moyens à la hauteur de nos ambitions. »

Nouveaux marchés

 

Active depuis plus de 20 ans, Communauto a réussi avec le temps à s’imposer sur le marché de la mobilité au Québec, de nouveaux abonnés venant, annuellement, grossir les rangs de ses usagers. Dans un marché que les fabricants automobiles investissent massivement depuis quelques années, il devient toutefois de plus en plus difficile pour la petite boîte de demeurer compétitive, et ce, même si elle parvient à rester rentable. Surtout dans la mesure où l’entreprise souhaite élargir ses frontières.

Car si seul Car2Go, filiale du constructeur allemand Daimler (Mercedes-Benz), a réussi jusqu’à présent le pari de s’implanter au Québec, la réalité est tout autre sur la scène internationale. Déjà, de nombreux constructeurs — dont Ford, BMW, Volkswagen, Nissan et Renault, pour ne nommer que ceux-là — réussissent à s’imposer en Europe et aux États-Unis. Selon les estimations du cabinet de conseil européen Roland Berger, le marché de l’autopartage — qu’il soit en libre-service ou non — devrait croître mondialement de 35 % par année d’ici 2020.

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C’est le nombre de voitures privées que remplace chaque voiture du service d’autopartage traditionnel (pas en libre-service) de Communauto.

Source: Polytechnique Montréal, 2013

C’est, entre autres choses, pour ne pas rester à la remorque de ces géants que Communauto a décidé de s’associer à plus gros qu’elle. Cette alliance pourrait notamment lui permettre d’investir des marchés quasi inexplorés, comme l’Amérique du Sud ou l’Asie. « Dans une optique de lutte contre les changements climatiques, ce sont des marchés que nous pourrons alors envisager, précise le directeur du développement de l’entreprise. C’est dans ces pays que notre avenir collectif se jouera. »

L’entreprise québécoise espère ainsi se tailler une place parmi les plus grands, mais aussi, leur imposer sa manière de faire de l’autopartage. « Les gens de Communauto ont une façon de faire très particulière, explique Catherine Morency, professeure titulaire à Polytechnique Montréal qui suit depuis bien longtemps les aléas de l’autopartage au Québec. On le remarque par exemple lorsqu’on s’intéresse à ce qui caractérise les abonnés de Communauto. On se rend alors compte que ce sont des gens qui sont particulièrement sensibles aux valeurs qui sous-tendent le travail de l’entreprise. »

Plus qu’un simple service de partage de véhicules, Communauto se présente comme un maillon dans la chaîne de mobilité montréalaise. « Ils sont les seuls à avoir développé des partenariats avec les autres acteurs du “cocktail de transport”, comme la Société de transport de Montréal ou Bixi, précise l’ingénieure civile. Ça en dit long sur leurs objectifs ! On ne parle pas juste de location de véhicules, au contraire. Nos recherches nous ont plutôt démontré que, depuis son implantation dans la métropole, Communauto a contribué à freiner la motorisation des ménages dans certains secteurs de la ville. » 

Voiture intelligente, ville intelligente

 

En plus des nouveaux marchés à conquérir, Communauto souhaite aussi s’imposer dans l’implantation de technologies innovantes, dont l’automatisation des véhicules. Car bien que l’arrivée de la voiture « intelligente » semble encore parfois tirée tout droit d’un film de science-fiction, la réalité pourrait rapidement nous rattraper.

« Ce sont des transformations qui nécessiteront des capitaux importants, mais aussi un poids plus grand sur la scène internationale, précise Marco Viviani. Surtout si nous voulons pouvoir faire partie des premiers à utiliser ces technologies de pointe. » Utilisation précoce qui pourrait, à terme, avoir un important impact sur la façon dont la voiture « intelligente » s’implantera dans les villes.

« On ne se le cachera pas, les véhicules autonomes pourraient avoir deux effets diamétralement opposés, avance Marco Viviani avec aplomb. D’un côté, ils pourraient s’arrimer à l’offre de transport collectif déjà existante, être publics donc, et mener à une réduction majeure de la place de la voiture en ville. » De l’autre, renchérit-il, ils pourraient, au contraire, contribuer à un étalement urbain encore plus marqué. « À nos yeux, le choix n’est pas difficile… Reste à savoir dans quelle direction les pouvoirs publics vont décider d’aller. » Selon le directeur du développement du service d’autopartage, il appartient aux acteurs de la mobilité, dont Communauto fait partie, d’aider les décideurs à aller dans la bonne direction.

D’automobiliste à mobiliste

Cette propension à influer sur les habitudes de mobilité est inscrite dans l’ADN de l’entreprise québécoise. « Pour nous, c’est clair depuis le début qu’on souhaite participer à la démotorisation des villes, explique Marco Viviani. D’abord à Montréal, mais pourquoi s’y arrêter? » En ce sens, les travaux de recherche de Catherine Morency et de Martin Trépanier, qui s’intéressent tous deux à Communauto depuis près d’une décennie, montrent que l’entreprise a contribué à une lente transformation des habitudes de mobilité, principalement dans les quartiers centraux montréalais, mais aussi, dans une moindre mesure, à l’extérieur de ceux-ci.

« Avec le temps, c’est un peu comme si les modes de transport avaient cessé d’être en compétition les uns avec les autres aux yeux des utilisateurs, explique Martin Trépanier, également professeur à Polytechnique. Ils sont devenus complémentaires. » « Les services d’autopartage s’inscrivent très certainement dans cette mouvance, renchérit sa collègue Catherine Morency, qui dirige la chaire de recherche Mobilité. Et Communauto, par sa mission première, le fait encore plus que les autres. »

« En allant chercher des partenaires crédibles à l’étranger, nous voulons nous donner les moyens de poursuivre ce qu’on a commencé, mais aussi avoir un impact réel sur la manière dont la mobilité évoluera dans le futur, assure Marco Viviani avec conviction. L’autopartage doit participer à des luttes plus grandes, qui dépassent les frontières du Québec. C’est ce que nous voulons faire, nous voulons changer le monde ! »
 



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