Les revues scientifiques en libre accès

Pierre Vallée
Collaboration spéciale
Au début des années 1990, le monde de l’édition a subi un important bouleversement avec l’arrivée de la numérisation, et le monde de l’édition savante n’y a pas échappé.
Illustration: Luc Melanson Au début des années 1990, le monde de l’édition a subi un important bouleversement avec l’arrivée de la numérisation, et le monde de l’édition savante n’y a pas échappé.

Ce texte fait partie du cahier spécial 90e Congrès de l’Acfas

Quiconque veut consulter une revue scientifique peut aisément le faire puisque ces publications, autrefois accessibles par abonnement, ont aujourd’hui, pour la très grande majorité d’entre elles, adopté le mode libre accès. Il suffit d’avoir sous la main un ordinateur et une connexion Internet.

Au Québec, le passage des revues scientifiques au libre accès est le fruit des efforts déployés par le projet Érudit, dont la première mouture remonte à 1998. Érudit est un consortium entre l’Université de Montréal, l’Université du Québec à Montréal et l’Université Laval, et ses activités sont subventionnées par le Fonds de recherche du Québec — Société et culture, le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada et la Fondation canadienne pour l’innovation. En plus d’offrir des services aux éditeurs de publications savantes et aux bibliothèques, Érudit sert principalement comme plateforme de diffusion des revues scientifiques.

Un brin d’histoire

Les revues scientifiques ne datent pas d’hier. Certaines, comme la renommée New England Journal of Medecine, ont plus de 200 ans d’existence. Pendant presque deux siècles, les revues savantes ont fonctionné selon le modèle de l’abonnement. « Mais le coût de l’abonnement variait grandement selon la publication et son éditeur, explique Vincent Larivière, professeur titulaire à l’École de bibliothéconomie et des sciences de l’information de l’Université de Montréal. Si c’était un éditeur dont le fonctionnement reposait essentiellement sur le bénévolat, l’abonnement demeurait accessible, mais si l’éditeur maintenait une infrastructure permanente, l’abonnement pouvait devenir hors de prix, sauf pour certaines institutions publiques. » M. Larivière présidera un colloque au Congrès de l’Acfas qui porte justement sur les publications savantes, notamment sur le passage au libre accès.

Au début des années 1990, le monde de l’édition a subi un important bouleversement avec l’arrivée de la numérisation, et le monde de l’édition savante n’y a pas échappé. « Les revues scientifiques qui disposaient de bons moyens financiers ont pu faire le passage vers la numérisation, mais ce ne fut pas le cas des petits éditeurs, souligne Vincent Larivière. Ce déséquilibre a permis l’apparition d’éditeurs commerciaux qui, eux, avaient les moyens de payer pour la numérisation. » C’est l’arrivée de ces éditeurs commerciaux qui a poussé l’édition scientifique et savante vers le libre accès, question de s’assurer que le savoir pouvait être accessible au plus grand nombre.

Érudit

Le lecteur curieux peut aller sur le site Internet d’Érudit (apropos.erudit.org)et constater par lui-même qu’en quelques clics de souris, il peut avoir accès à plus de 300 revues scientifiques et culturelles. Toutes les disciplines y sont représentées : des arts aux humanités en passant par les sciences sociales et les sciences pures. « Près de 98 % du contenu diffusé sur la plateforme d’Érudit est aujourd’hui en accès libre, soutient M. Larivière. Les 2 % qui restent représentent les publications qui maintiennent le principe de l’abonnement pour la publication en cours d’année, les années précédentes étant en libre accès. »

Au départ, les publications diffusées par Érudit étaient essentiellement des revues québécoises — c’est d’ailleurs un des mandats de l’organisme. Mais le consortium a tissé des partenariats, entre autres avec le Public Knowledge Project, un organisme canadien ayant les mêmes visées qu’Érudit, pour former Coalition Publica, ce qui permet maintenant à Érudit d’offrir l’ensemble des publications scientifiques canadiennes. De plus, pour pallier l’absence de contribution pécuniaire apportée par l’abonnement, Érudit a mis en place le Partenariat pour le libre accès, appuyé par la majorité des bibliothèques universitaires canadiennes, afin de soutenir financièrement les revues scientifiques canadiennes qui font le choix du libre accès.

Encore méconnue du grand public, la plateforme de diffusion Érudit connaît pourtant une certaine popularité. « L’an dernier, ce sont 30 millions de téléchargements qui ont été faits à partir de la plateforme Érudit, raconte Vincent Larivière, et 70 % de ces requêtes proviennent de l’étranger. C’est une preuve éloquente de la qualité des publications scientifiques canadiennes et québécoises. »

La prochaine étape consiste, par l’entremise de partenariats, à élargir le corpus d’Érudit. « Par exemple, la France possède sa propre plateforme en libre accès que l’on peut consulter. Avec un partenariat, on pourrait éventuellement accéder librement aux contenus des deux plateformes à partir d’une plateforme ou de l’autre. »

Ce contenu spécial a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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