Science et société: un dialogue en évolution
Collaboration spéciale

Ce texte fait partie du cahier spécial 90e Congrès de l’Acfas
Changements climatiques, pandémie, biodiversité : si les préoccupations planétaires et scientifiques sont au coeur de l’actualité, elles continuent de faire face à une incompréhension du public et à la désinformation. Le dialogue entre la science et la société fait l’objet d’un deuxième colloque cette année lors du 90e Congrès de l’Acfas.
L’an dernier, le premier colloque, qui faisait partie des événements soulignant le centenaire de l’Acfas sous le titre Cent ans de dialogue science et société, s’est penché sur divers aspects de la communication et de la médiation scientifiques dans le but d’en faire un état des lieux. Cette année, le 2e colloque sur le même thème aura lieu les 10 et 11 mai.
« Pour l’Acfas, le dialogue science-société est une valeur importante, dit Pierre Chastenay, professeur au Département didactique de l’UQAM, lui-même communicateur scientifique et organisateur du colloque. Au départ, la société a été conçue comme une société savante réunissant les chercheuses et chercheurs. Très rapidement, le besoin est apparu pour des activités tournées vers le public, parce que c’est le public qui bénéficie des percées scientifiques et qui paie pour celles-ci. »
L’an dernier, des chercheurs de plusieurs pays ainsi que des communicateurs scientifiques étaient présents. « Nous aurions souhaité qu’il y en ait davantage, alors cette année, nous avons fait un effort pour que l’Association des communicateurs scientifiques (ACS) soit impliquée dès le départ dans l’organisation du colloque. De plus, une entente entre l’Acfas et l’ACS a été conclue pour faciliter la participation d’un plus grand nombre de communicateurs scientifiques au congrès, et en particulier au colloque. »
Ce deuxième colloque poursuivra ainsi la réflexion avec des questions portant sur l’importance de ce dialogue en 2023, compte tenu de la montée de la désinformation au cours des dernières années. « On se rend compte que le développement de la pensée critique à l’école et dans le public n’est pas ce qu’il devrait être, de manière à permettre aux gens de distinguer la bonne information de la mauvaise, souligne Pierre Chastenay. On se demande aussi comment bien former les scientifiques à faire de la communication scientifique efficace. On a d’ailleurs un panel sur la médiation. Quelles sont les meilleures approches pour que les scientifiques, qui sont des spécialistes de leur domaine, se sentent assez bien outillés pour sortir de leur zone de confort et aller parler au public des résultats de leurs recherches et des questions socio-scientifiques qui naissent de certaines retombées de la recherche ? »
Les résultats d’un sondage sur les perceptions que les personnes scientifiques ont de leur rôle en tant que médiateurs seront présentés. « C’est un bel exemple d’une activité lancée en 2022 et qui va trouver sa conclusion en 2023, dit Pierre Chastenay. Je pense que la majorité des scientifiques sont conscients qu’ils ont un rôle à jouer, mais on va mieux comprendre leurs besoins et questionnements à cet égard. »
En effet, lorsqu’ils communiquent, les scientifiques peuvent avoir des craintes, soit par rapport aux réactions parfois outrancières du public, notamment sur les médias sociaux, ainsi que par rapport au jugement de leurs pairs. « Souvent, si on veut expliquer un concept à quelqu’un qui n’est pas spécialiste du domaine, on doit employer des mots du quotidien qui ne trahissent pas trop notre pensée. En faisant cela, on s’expose à des critiques de collègues qui vont contester nos propos, dit le professeur. C’est un des enjeux qui est soulevé, et sur lequel les scientifiques doivent travailler, à savoir qu’il faut se dédouaner de cette obligation d’être précis pour nos collègues quand on communique avec le public. Ce qui est important, c’est d’être compris du public auquel on s’adresse. »
Science et désinformation
Parmi les communications présentées, certains blocs sont orientés vers des débats qui ont lieu depuis quelques années dans les médias autour de questions liées aux sciences.
Le bloc « Critiques, jugements et polarisation face aux sciences » et le bloc « Désinformation et crédibilisation des sciences. État des lieux et réflexion sur les bonnes pratiques » approfondiront les défis auxquels la communauté scientifique fait face quand vient le temps de communiquer la science au public.
« Une des questions importantes qu’on se pose, c’est bien entendu de comment bien préparer les scientifiques à faire de la médiation, mais la contrepartie de cela, qui sera traitée dans le bloc “Critiques, jugements et polarisation face aux sciences”, c’est comment bien préparer le public à recevoir cette information et tous les types de communications pouvant émaner de personnes scientifiques ou non : comment départager le bon grain de l’ivraie ? On s’intéresse donc au développement de la pensée critique et aux phénomènes de radicalisation. Ce que l’on constate, en milieu scolaire, c’est que l’enseignement de la pensée critique est considéré comme une compétence transversale. Cela fait en sorte qu’il n’est pris en charge par personne et tombe souvent entre deux chaises. »
Le 11 mai, un panel discutera de l’avenir de la vulgarisation scientifique au Québec et de la multiplication des activités de vulgarisation. La didactique scientifique est également importante pour préparer le public à comprendre les sciences.
« Le colloque est conçu pour avoir des retombées, dit Pierre Chastenay. Nous sommes généralistes dans notre approche, mais c’est voulu. On veut voir comment des gens qui travaillent dans des champs différents pourraient travailler ensemble pour améliorer le dialogue entre la science et la société. »
Faire connaissance. 100 ans de sciences en français
Le 9 mai, l’ouvrage collectif intitulé Faire connaissance. 100 ans de sciences en français sera lancé par l’Acfas. Publié aux Éditions Cardinal, cet ouvrage ambitieux retrace le parcours de 50 personnalités scientifiques importantes, du frère Marie-Victorin au spécialiste de l’intelligence artificielle Joshua Bengio, en passant par Irma Levasseur, Armand Frappier et bien d’autres chercheurs et chercheuses francophones qui ont marqué l’histoire depuis 1923. L’ouvrage, illustré de photographies et ponctué de documents d’archives, brosse un tableau de la recherche et des sciences en français, et ouvre une porte sur l’avenir.
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