Prendre des décisions éclairées par la science
Collaboration spéciale

Ce texte fait partie du cahier spécial Municipalités
Traitement des déchets, qualité de l’air, espèces envahissantes… Confrontées à une multitude de problèmes dont les solutions relèvent de la science, les municipalités pourraient grandement bénéficier de la présence de conseillers scientifiques, tout en contribuant à stimuler la recherche au Québec.
C’est ce que croit Rémi Quirion, scientifique en chef du Québec, dont le poste a été créé en 2011. Au Québec, les régions et les villes n’ont pas encore de conseillers scientifiques attitrés. Toutefois, des élus municipaux commencent à être sensibilisés à la question, surtout depuis la pandémie. Début avril, la Ville de Longueuil annonçait d’ailleurs qu’elle ouvrait un poste de conseiller scientifique.
« Pour un gouvernement d’un pays, d’une province ou d’une région, la science et les données probantes sont importantes, dit Rémi Quirion. Depuis quatre ou cinq ans, on comprend que le conseil scientifique, présent dans plusieurs pays, serait également pertinent pour les villes. »
Cependant, le conseil scientifique, au niveau municipal, serait différent de ce qu’il est pour un pays ou une région. « Prenons l’exemple des changements climatiques, ajoute le scientifique en chef. Sur le plan national, on va élaborer de grandes politiques, par exemple, sur la diminution des émissions de GES. Mais dans une ville, s’il arrive un problème découlant des changements climatiques, comme une inondation, les élus ont les pieds dans l’eau. Le conseil scientifique est plus axé sur le concret et la gestion de crise. Toutefois, il ne faut pas attendre une situation d’urgence pour bâtir ces interventions. Il faut avoir une structure qui effectue une veille pour prévenir les crises et élaborer des plans et des stratégies en amont. »
Les diverses disciplines scientifiques nécessitant un ensemble de connaissances bien distinctes, comment trouver un conseiller capable d’aborder efficacement des problématiques qui ne relèvent pas de son champ d’expertise ? « C’est là que le réseau prend son importance, dit Rémi Quirion. Le conseiller doit avoir un réseau d’experts et de collègues capables de répondre aux demandes lorsqu’il fait face à des problèmes qui touchent à des domaines qu’il connaît moins. »
Conférence
Le 4 mai prochain, dans le cadre des Assises de l’Union des municipalités du Québec (UMQ), Rémi Quirion présentera une conférence sur le sujet, intitulée Le potentiel du conseil scientifique pour le milieu municipal.
« Il y a trois ou quatre ans, les municipalités n’étaient pas particulièrement intéressées par le sujet, mais la pandémie a favorisé une prise de conscience », ajoute le scientifique en chef.
Cette volonté d’amener la science au coeur des prises de décision progresse partout dans le monde. Rémi Quirion est d’ailleurs également président d’un réseau, l’International Network for Government Science Advice (INGSA), qui regroupe plus de 5000 membres dans 130 pays. L’organisme est en train de développer des sections en Amérique du Nord, en ciblant les villes.
À l’heure actuelle, le Québec n’en est qu’à ses débuts en matière de conseil scientifique aux villes, mais selon Rémi Quirion, cette pratique est appelée à devenir la norme dans les prochaines années. « Il y a des besoins aussi dans les plus petites municipalités, mais elles n’auront peut-être pas les capacités financières pour ouvrir de tels postes, dit Rémi Quirion. On pourrait toutefois développer un réseau avec des conseillers qui seraient disponibles pour chaque région. On va probablement avoir aussi un programme de scientifiques en résidence, qui visera des finissants au doctorat à qui nous offrirons des bourses d’études postdoctorales et qui pourront aller travailler dans une ville pendant quelques années. »
Victoriaville à l’avant-garde
De nombreux défis attendent les villes du Québec au cours des prochaines années, dont l’arrivée possible du longicorne asiatique, une espèce d’insecte envahissante et indésirable qui s’attaque aux érables.
« Les villes ont vécu l’expérience avec l’agrile du frêne et devraient être mieux préparées et mobilisées pour la prochaine espèce envahissante, et un conseiller scientifique peut les aider à faire face à cette menace », dit Simon Barnabé, conseiller scientifique en chef de Victoriaville.
Celui-ci collabore avec la Ville de Victoriaville depuis plusieurs années. Spécialiste en environnement, Simon Barnabé est avant tout professeur à l’Université du Québec à Trois-Rivières. En contrepartie de son travail pour la municipalité, la Ville finance la Chaire de recherche municipale pour les villes durables, dont il est titulaire.
En janvier, sa nomination à Victoriaville a été approuvée officiellement par le scientifique en chef du Québec, faisant de cette ville la première au Québec à avoir un conseiller scientifique en chef.
« Les conseillers scientifiques sont une autre façon, pour les villes, de communiquer et de travailler ensemble sur des enjeux communs, dit Simon Barnabé. C’est en quelque sorte de la gouvernance à valeur ajoutée. De plus, les villes ont un rôle à jouer dans l’écosystème de recherche et d’innovation. »
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