Une découverte du télescope James Webb remet en question les modèles de cosmologie actuels
Les premières images captées par le télescope James Webb ont permis de découvrir six galaxies massives qui se sont formées très tôt après le Big Bang. Or, la masse de ces galaxies est beaucoup plus grande que ce que les astronomes prévoyaient trouver à cette époque de l’histoire de l’Univers. Si cette étonnante découverte est bel et bien confirmée, elle remettra en question les modèles de cosmologie actuels, et même notre compréhension de la formation des galaxies dans l’enfance de l’Univers.
Une des forces du télescope spatial James Webb (TJW), actif depuis 2022, est qu’il permet de voir des corps célestes beaucoup plus distants, beaucoup plus anciens et de plus faible luminosité que le télescope spatial Hubble. Il permet ainsi d’observer la genèse de l’Univers.
C’est en analysant les premières images couleur captées par le TJW qu’une équipe de chercheurs d’universités australienne, états-uniennes, danoise et espagnoles a pu dépister six galaxies particulièrement massives qui se sont formées environ 600 millions d’années après le Big Bang, et qui sont décrites dans un article publié dans la revue Nature.
« En décembre 2022, il avait été annoncé que des galaxies encore plus vieilles, datant de 350 à 400 millions d’années après le Big Bang, avaient été mises au jour grâce au TJW », fait remarquer Nathalie Nguyen-Quoc Ouellette, directrice adjointe de l’Institut Trottier de recherche sur les exoplanètes (iREx) et de l’Observatoire du Mont-Mégantic (OMM). « Mais ce qui est remarquable dans cette nouvelle découverte, c’est la taille, la maturité et la masse des galaxies décrites dans l’article. Il s’agit de galaxies très développées, presque aussi massives que notre galaxie, la Voie lactée. »
Des modèles de cosmologie bouleversés
Ces galaxies auraient des masses 100 fois plus grandes que celles que les astronomes pensaient qu’elles devraient avoir aussi tôt dans l’histoire de l’Univers. Cette découverte vient donc chambouler leur conception de la formation des galaxies à l’aube de l’Univers. « Selon ce que décrivent ces chercheurs, ces galaxies se sont développées plus rapidement qu’on ne le pensait. Ces observations vont à l’encontre des modèles cosmologiques actuels et des lois de la physique que l’on croyait qui existaient au début de l’Univers », explique Nathalie Nguyen-Quoc Ouellette.
Selon les hypothèses actuelles, les galaxies apparaissent d’abord sous forme de petits nuages d’étoiles et de poussières qui graduellement prennent de l’expansion au cours du temps. Les chercheurs de l’étude s’attendaient donc à trouver de toutes petites galaxies peu développées à cette époque reculée du début de l’Univers.
Mais ce qui est ressorti de leur analyse des données fournies par le TJW les a sidérés. « J’ai d’abord pensé que nous avions fait une erreur, que nous la trouverions et que la vie continuerait comme avant. Mais nous n’avons toujours pas trouvé cette erreur, même après de multiples essais », confie Joel Leja, professeur d’astronomie et d’astrophysique à la Pennsylvania State University, dans un communiqué publié par son université.
« C’est en effet surprenant de voir que les galaxies décrites dans cet article ont pu prendre de la maturité aussi rapidement si tôt dans l’histoire de l’Univers ; en seulement quelques centaines de millions d’années, elles en sont venues à ressembler à notre Voie lactée », fait remarquer Mme Nguyen-Quoc Ouellette.
Les chercheurs qui ont fait cette découverte s’appliquent maintenant à confirmer la masse et la nature de ces galaxies, car leur première évaluation a été effectuée en convertissant simplement leur luminosité — captée par le TJW — en masse.
Ils procéderont maintenant à une analyse plus approfondie du spectre en haute résolution de ces galaxies, lequel spectre permettra de mesurer avec une plus grande précision leur distance, leur âge, c’est-à-dire l’époque de leur formation, et de déterminer leur composition. « Le spectre nous informera si ces galaxies se composent principalement d’étoiles ou si elles contiennent des trous noirs actifs, lesquels sont très lumineux. Car si ces galaxies comprennent des trous noirs actifs plutôt que des étoiles, leur luminosité serait proportionnellement plus grande que leur masse réelle », relève Mme Nguyen-Quoc Ouellette.
« Le télescope James Webb n’a pas fini de nous étonner avec des découvertes comme celle-ci. Nous nous attendons à ce que les observations qu’il nous permettra de faire dans le futur soulèvent encore de nouvelles questions », conclut cette astrophysicienne, qui est également la porte-parole canadienne pour le TJW.