Années 1960: l’émergence de l’information scientifique au Québec
Collaboration spéciale

Ce texte fait partie du cahier spécial 100 ans de l'Acfas
À partir des années 1960, les évolutions technologiques et les transformations sociales catalysent l’intérêt pour la science au Québec. Porté par Fernand Seguin, le mouvement vers le journalisme scientifique naît d’une volonté de jeter un regard plus critique sur la science, mais aussi de la rendre plus accessible.
L'histoire de la communication scientifique est intimement liée à celle de Fernand Seguin, biochimiste qui a donné son nom à de nombreuses écoles, établissements et autres concours de journalisme scientifique. Dans les années 1950, il mène une série d’émissions de télévision consacrées à la vulgarisation de la science. « À partir des années 1960, Seguin commence à regarder la science avec une vision plus critique », souligne Yanick Villedieu, animateur de l’émission Les années lumière de Radio-Canada pendant 35 ans.
Cette façon d’appréhender le monde scientifique percole dans celui des médias. « On traite alors la science comme n’importe quelle activité humaine en l’expliquant, en montrant ses côtés extraordinaires, mais aussi en l’observant avec une certaine distance, poursuit M. Villedieu. C’est un peu le moment où l’on passe de la communication au journalisme scientifique. »
Dans cette effervescence apparaît l’un des acteurs phares du paysage de l’information scientifique, le magazine Québec Science. Avant d’être la publication que l’on connaît aujourd’hui, elle a d’abord existé sous le nom Le Viateur naturaliste, puis Le jeune naturaliste, alors produite par les Clercs de Saint-Viateur du séminaire de Joliette, dans les années 1950.
Au début de la décennie suivante, en 1962, l’Association canadienne-française pour l’avancement des sciences (Acfas) devient propriétaire du magazine qu’elle renomme Le jeune scientifique, toujours destiné à un public jeunesse. Il faut attendre 1969 pour que les presses de la toute jeune Université du Québec s’emparent de la revue. Désormais baptisée Québec Science, elle s’adresse à un lectorat plus large.
Yanick Villedieu a collaboré avec le fameux magazine dès ses premières années d’existence. L’alcoolisme et les maladies sexuellement transmissibles, comme le sida, ont fait partie de ses premiers sujets. « J’ai vite été fasciné par la dimension scientifique — comme l’effet de la molécule d’alcool sur le foie — combinée à l’aspect social et culturel de ces sujets », raconte-t-il.
60 ans d’histoires
Au moment où Québec Science devient sexagénaire en 2022, la rédactrice en chef Mélissa Guillemette et son équipe se sont replongées dans les archives. Certaines sont sorties du lot, comme cet article de 1963 signé par Roger Ghys, chercheur au Département de biochimie de l’Université Laval, sur le danger de la consommation de la nicotine. « Tout le monde fumait à ce moment-là et on commençait à peine à parler des effets négatifs, indique Mélissa Guillemette. Cela montre comment Québec Science a pu amener des réponses avant même que ça devienne grand public. »
Mme Guillemette note également la présence récurrente de dossiers en lien avec les femmes, à travers les époques, et l’évolution du traitement de ces sujets. Par exemple, un article des années 1960 donne la parole à des femmes répondant par la négative à cette question : vont-elles vraiment à l’université pour se trouver un mari ? Un intérêt plus présent que jamais, puisque, depuis 2019, Québec Science et l’Acfas coproduisent le balado 20 %, une série d’entretiens avec des femmes qui travaillent en sciences. Ce pourcentage représente le nombre de femmes employées dans la science, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques (STIM) au Canada.
Très tôt, l’environnement a aussi fait partie des discussions dans la salle de rédaction et le magazine. « À toutes les époques, on parlait de la qualité de l’eau de l’air, avec un regard très critique », souligne Mélissa Guillemette.
Pour la rédactrice en chef, le magazine a toujours la même mission d’informer et de susciter l’intérêt pour les sciences, mais il ne cesse d’évoluer. « On essaie d’être le plus possible engagés avec le lectorat, poursuit-elle. Québec Science doit toujours innover et rester en phase avec son époque. »
Naissance d’une génération
Dans ce même élan de curiosité scientifique naît l’Association des communicateurs scientifiques du Québec, en 1977. C’est la naissance d’une génération de journalistes scientifiques, qui crée rapidement le Service d’information Hebdo-Science, ancêtre de l’Agence Science-Presse.
Son premier directeur, Félix Maltais, y élabore une chronique destinée aux jeunes qui connaît un tel succès que le projet se transforme en un mouvement international sous le nom de Les Petits Débrouillards, devenant le très populaire magazine Les Débrouillards en 1992.
Pour Yanick Villedieu, qui a fait partie de cette effusion, la science s’infuse désormais partout, jusque dans les quotidiens, notamment par les questions climatiques et sanitaires. « Le journalisme scientifique est aussi humain et généraliste, conclut-il. C’est en cela qu’il est fascinant. »
Son premier intérêt pour le sida est en effet devenu une véritable quête humaine et professionnelle, qui a abouti à la publication du livre Le deuil et la lumière. Une histoire du sida, en 2021.
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