Années 1930: Armand Frappier et la lutte contre la tuberculose

Catherine Couturier
Collaboration spéciale
Un laboratoire de fabrication du vaccin BCG, vers 1954, à l'Institut de microbiologie et d'hygiène de l'Université de Montréal
Photo: Henri Paul Fonds de l'Institut Armand-Frappier Un laboratoire de fabrication du vaccin BCG, vers 1954, à l'Institut de microbiologie et d'hygiène de l'Université de Montréal

Ce texte fait partie du cahier spécial 100 ans de l'Acfas

Vers 1933, un jeune médecin canadien accoste à Montréal après une longue traversée de l’Atlantique. Dans ses valises, une cargaison bien spéciale : la souche de la bactérie de la tuberculose, qui servirait produire le vaccin BCG au Canada.

« Armand Frappier est une superstar de l’histoire des sciences du Canada français », relate François Cartier, archiviste à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS). Le Dr Frappier, qui a donné son nom à l’institut faisant maintenant partie de l’INRS, à une fondation et à un musée, a en effet joué un rôle important dans la lutte contre la turberculose, cette maladie infectieuse surnommée « peste blanche ».

Une maladie faisant des ravages

 

Au début du XXe siècle, la tuberculose fauche de nombreuses vies, en plus de toucher les cheptels de bovins. « Il faut se remettre à cette époque pour comprendre l’esprit novateur et l’importance d’Armand Frappier », explique Rosemonde Mandeville, présidente du CA du Musée de la santé Armand-Frappier et ancienne professeure-chercheuse à l’Institut Armand-Frappier.

À l’époque, on comprend mal le fonctionnement des maladies infectieuses et on ignore l’importance d’une bonne hygiène pour éviter la transmission.

Le Québec occupe alors une triste position au Canada sur le plan de la morbidité. La mort de son frère, de sa grand-mère, mais surtout de sa mère, marque le jeune Armand. « Il a décidé de vouer sa carrière à la tuberculose », résume Mme Mandeville. Après ses études en médecine, Armand Frappier étudie l’immunologie, la prophylaxie et la vaccination aux États-Unis, puis à l’Institut Pasteur, à Paris. C’est là que les chercheurs travaillent sur un vaccin contre la tuberculose depuis 1908, recherches qui aboutiront en 1921. Le vaccin est, par la suite, utilisé chez les sujets humains et les bovins, et rapidement le Canada s’y intéresse.

Un vaccin, un savoir-faire

 

En 1933, on confie la production à Frappier, formé auprès d’Albert Calmette et de Camille Guérin, les deux découvreurs du vaccin bacille nommé en leur nom (BCG, pour bacille calmette-guérin).

Il ramène la nouvelle souche de Paris et entreprend de réviser les procédures de productions, en réorganisant le Département de bactériologie de l’Université de Montréal.

« Il a ramené dans sa valise la souche, mais aussi le savoir-faire et la méthode Pasteur », souligne M. Cartier.

Parce qu’il ne suffisait pas de produire un vaccin ; encore fallait-il le faire dans des conditions hygiéniques. « Dans les années 1930 et 1940, c’était compliqué de faire pousser une bactérie dans un laboratoire », rappelle Frédéric Veyrier, professeur à l’Institut Armand-Frappier de l’INRS. « Il n’y avait pas de contrôle de qualité et les gens ne comprenaient pas que le vaccin ne pouvait pas être préparé n’importe comment », ajoute Rosemonde Mandeville.

Le Dr Frappier enseigne ainsi à ses collègues la façon de préparer le vaccin, prononçant d’ailleurs une conférence sur le sujet dans le cadre du tout premier congrès de l’Acfas en 1933. Il travaille à sensibiliser la population générale sur l’efficacité du vaccin et l’importance des bonnes conditions d’hygiène. Conscient des ravages de la tuberculose au sein des populations autochtones, il se rendra lui-même chez les Cris de Waswanipi pour amorcer la vaccination.

Un institut novateur

 

Après avoir travaillé au sein de la Faculté de médecine de l’Université de Montréal, y enseignant et étant responsable du laboratoire de production du vaccin, Armand Frappier fonde l’Institut de microbiologie et d’hygiène de Montréal en 1938. L’institut déménagera en 1962 à Laval, puis deviendra en 1999 une des constituantes de l’INRS.

Hébergé à l’époque au pavillon principal de l’Université de Montréal, l’institut s’inspire du modèle Pasteur, qui lie enseignement, recherche et production. « La recherche sur le vaccin BCG et sa production seront parmi les principales activités des premières décennies de l’institut », raconte M. Cartier. Les gains financiers réalisés par la vente des vaccins produits sont réinjectés dans la recherche fondamentale.

Armand Frappier, le bâtisseur

 

En sachant s’entourer d’une équipe multidisciplinaire (vétérinaires, biologistes, chimistes, etc.), le Dr Frappier a participé à l’émergence de la communauté scientifique francophone au Québec.

« Il savait que pour réussir, il fallait une équipe autour. C’était un bâtisseur », avance Mme Mandeville. « C’était un facilitateur, une bougie d’allumage. Il était excellent professeur, chercheur et médecin, mais il était aussi astucieux dans ses relations », remarque M. Cartier.

« Toute la recherche qu’il a mise en place, c’est inestimable », estime à son tour M. Veyrier. À travers les décennies, l’institut a mené des recherches sur la polio, le tétanos, l’influenza… Encore aujourd’hui, Montréal reste un pôle central dans la recherche sur les maladies infectieuses

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