Des algues pour étudier l’inflammation liée à la COVID-19
Collaboration spéciale

Ce texte fait partie du cahier spécial Recherche
Pour comprendre l’inflammation pulmonaire induite par par l’infection, des chercheurs québécois et une entreprise en biotechnologie marine de Rimouski développent de nouveaux outils basés sur les algues marines.
Un virus s’immisce dans l’organisme. L’inflammation tente de détruire l’intrus : c’est la première réaction de défense de l’organisme. Mais dans le cas de la COVID-19, la réponse inflammatoire peut dérailler. « Avec la COVID, la réponse immunitaire ne s’arrête pas et on ne comprend pas pourquoi. [Or], l’inflammation peut causer des dommages importants, non seulement au virus, mais aussi aux cellules », explique Réjean Tremblay, professeur à l’Institut des sciences de la mer de Rimouski (ISMER). Ce dernier est à la tête d’un projet de recherche pour décortiquer, au niveau moléculaire, les mécanismes de cette folle course inflammatoire.
Les chercheurs s’intéressent particulièrement à un acide gras, l’acide arachidonique, qui peut déclencher une inflammation incontrôlable en présence du coronavirus. Pour comprendre la cascade de réactions induite par cette molécule, il est possible de créer des images d’une grande précision grâce à la résonance magnétique nucléaire (RMN), une technique aussi largement utilisée dans l’imagerie médicale et la spectrométrie de masse.
Pour ce faire, des isotopes comme le carbone 13 sont utilisés en tant que « révélateurs d’images ». « On a nos cellules de poumon qui ont de l’acide arachidonique enrichi en carbone 13, détaille le professeur. L’acide arachidonique va finir par être clivé et être utilisé en différents types de métabolites, toujours enrichis en carbone 13. Si on stimule l’inflammation dans nos cellules pulmonaires, on est capable de suivre ce carbone 13 partout. »
Le hic, c’est qu’il n’est pas si facile de produire ce genre d’isotopes. Pour relever ce défi, une entreprise rimouskoise, ainsi que des chercheurs de l’Université du Québec à Rimouski (UQAR) et de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) développent une nouvelle approche. Pour produire ces isotopes, ils utilisent d’originales petites usines organiques : des microalgues.
Le potentiel des algues
Dans la station aquacole de l’UQAR-ISMER, des techniciens manipulent la quantité d’air dans de grandes fioles de différentes teintes de vert : ce sont des pouponnières de diverses espèces de microalgues.
« Pour la production de microalgues enrichies, on utilise des systèmes beaucoup plus complexes où tous les paramètres de culture sont contrôlés en permanence pour maintenir des conditions de culture optimales. C’est ce qu’on appelle des photobioréacteurs », indique le chercheur. Par chance, les chercheurs peuvent s’appuyer sur l’expertise d’Iso-BioKem, une start-up de Rimouski qui a justement développé une expertise dans la production d’isotopes stables grâce à la culture de microalgues dans des photobioréacteurs.
Lors de leur croissance, les algues incorporent les isotopes de leur milieu de culture à leur structure. « Les microalgues sont de petites usines qui produisent des biomolécules, mentionne M. Tremblay. En fonction de l’espèce, on peut produire des acides gras ou des pigments particuliers, qu’on peut ensuite utiliser dans différents projets. »
Certaines algues « nourries » en carbone 13 vont ainsi produire de l’acide arachidonique enrichi en isotopes. Une fois extrait des algues, l’acide gras sera ensuite transféré sur les milieux de culture de cellules de poumon. Dans leur croissance, les cellules utiliseront cette molécule enrichie dans la fabrication de leurs membranes.
Des retombées intéressantes
Si on stimule cet acide arachidonique, comment se déroulera le processus inflammatoire dans ces cellules ? De quelle façon, au niveau moléculaire, agissent différents types de médicaments sur le processus inflammatoire de la COVID-19 ? Grâce à leur nouvelle approche, les chercheurs espèrent apporter des pistes de réponses à ces questions.
« L’ISMER est très orienté vers l’océanographie, ça ouvre de nouvelles voies vers le développement d’outils pour la santé humaine, se réjouit Réjean Tremblay. Je pense que ça va avoir des retombées intéressantes. »
À l’heure actuelle, l’entreprise Iso-BioKem contrôle bien la production de trois types d’isotopes, souligne-t-il. Dans les laboratoires universitaires, on a commencé à faire des cultures de cellules humaines de poumon. La prochaine étape consiste à enrichir ces cellules en isotopes et étudier les processus inflammatoires, calcule le chercheur.
Les travaux de recherche, financés à la hauteur de 180 000 $ par le CRSNG, se poursuivront jusqu’à fin 2023.
Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.