Que vaut une étude scientifique sans une révision par les pairs ?

Bien souvent, depuis deux ans, « l’urgence prime sur la certitude », remarque un expert.
Getty Images iStockphoto Bien souvent, depuis deux ans, « l’urgence prime sur la certitude », remarque un expert.

Un article scientifique qui n’a pas été revu par les pairs vaut « à peu près » la même chose qu’un article publié dans une revue prestigieuse, et donc préalablement relu par un comité d’experts, répond Vincent Larivière, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les transformations de la communication savante.

Une étude en prépublication n’est que dans un « statut transitoire », rappelle-t-il. La « quasi-totalité » des articles finissent par paraître dans une revue à un moment ou à un autre, et « le changement est mineur dans 80 % des cas ».

La pandémie a évidemment exacerbé l’importance de ces articles non vérifiés. Bien souvent, depuis deux ans, « l’urgence prime sur la certitude », remarque Vincent Larivière. « Si on avait suivi la mécanique habituelle, on commencerait à se rendre compte du variant Omicron… »

Car en temps normal, les révisions par les pairs les plus rapides prennent de une à deux semaines, précise-t-il. Celles qui sont « plus civilisées » durent de un à deux mois. « La norme, c’est un an. »

Ce sceau n’est pas non plus ce qui valide une hypothèse, mais simplement « un filtre parmi tant d’autres » pour garantir l’intégrité de la recherche. « Un manuscrit scientifique évalué par des pairs n’est pas tellement différent d’un manuscrit lu par un autre expert du domaine. Ce ne sont pas des gens du haut des cieux avec un regard pseudodivin ou omniscient. Ce sont juste d’autres chercheurs, des experts du domaine qui donnent leur avis. »

Il y a la réputation du chercheur qui pèse dans la balance. « En science, ce qui vaut le plus, c’est son nom. On ne veut pas son nom sur un torchon », indique le professeur rattaché à l’Université de Montréal.

« Le filtre de l’équipe » joue également un rôle, car les études en médecine mobilisent souvent plus d’une quinzaine de chercheurs, ce qui réduit les risques de « mauvaise science ».

Le problème des articles vérifiés

 

Encore faut-il que ces filtres fonctionnent avant que les conclusions d’une étude ne soient relayées dans les médias ou ne dictent une règle gouvernementale. « Le problème avec les prépublications, c’est moins l’usage qu’en font les chercheurs que celui qu’en font les décideurs publics », indique le professeur titulaire à l’Université de Montréal.

Les plus grandes controverses autour de la rigueur scientifique viennent surtout des articles publiés dans des revues sérieuses. Des articles parus dans le crédible The Lancet, ou encore les analyses du Dr Raoult sur l’hydroxychloroquine, ont ainsi été désavoués après leur publication, non sans avoir brouillé le savoir commun autour des sciences de la COVID-19.

Sans compter les experts d’économie, de sociologie ou d’autres domaines qui ont eu « leur moment COVID-19 » et qui ont rédigé des articles sur la pandémie, outrepassant leur domaine d’expertise et commettant une faute d’« impérialisme scientifique », selon lui.

Environ 1 article sur 2000 est retiré après publication. « La pandémie, ça a montré à nouveau que l’évaluation par les pairs était faillible, note Vincent Larivière. Ce n’est pas ce qui transforme un énoncé scientifique faux en un énoncé vrai. »

Ce texte est tiré de notre infolettre « Le courrier du coronavirus » du 7 février 2022. Pour vous abonner, cliquez ici.

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