Quels impacts ont les perturbateurs endocriniens sur l’épigénome?
Collaboration spéciale

Ce texte fait partie du cahier spécial Enseignement supérieur
Le stress, l’alimentation, les médicaments, les produits chimiques dans notre environnement : plusieurs facteurs peuvent avoir un impact sur l’expression de nos gènes et sur le développement de maladies. Dans son laboratoire de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), la chercheuse Géraldine Delbès tisse des liens entre les perturbateurs endocriniens et la fertilité masculine et, par la même occasion, contribue à faire avancer une science qui en est encore à ses balbutiements.
« Toutes les cellules de votre corps, elles ont le même ADN et, pourtant, elles ne se ressemblent pas : vous avez fait des cheveux, de l’œil, de la peau, du foie. Le code n’a pas été lu de la même façon dans différentes parties de vous. Ce qui a permis ça, c’est l’épigénome, explique Géraldine Delbès, experte en toxicologie de la reproduction à l’INRS. La génétique, c’est le code. Avec l’épigénétique, on apprend comment “on lit le livre”, c’est le code de lecture. »
Ce que l’on découvre aujourd’hui, c’est que ce code de lecture est extrêmement complexe. Il y a plusieurs mécanismes moléculaires qui se combinent, qui se parlent, et cela crée des milliers de possibilités, poursuit la chercheuse.
« Mais à partir du moment où on commence à jouer dans le code de lecture, on peut avoir une capacité démultipliée de diagnostics et de traitement des maladies, explique-t-elle. L’ADN, c’est difficile de le changer, alors que la beauté de l’épigénome, c’est que c’est réversible. Il y a un potentiel énorme pour changer la qualité de vie de quelqu’un, c’est fou ! »
Si le potentiel de l’épigénétique est grand, il s’agit d’une science encore jeune, située à la convergence de plusieurs disciplines. L’une des premières études scientifiques à avoir provoqué une vague dans la communauté scientifique pour démontrer les effets transgénérationnels d’un produit sur des rongeurs date à peine de 2005, illustre Mme Delbès. La chercheuse, qui a une formation en physiologie de la reproduction et en toxicologie, s’intéresse notamment aux effets des perturbateurs endocriniens sur la fertilité de diverses générations de rongeurs mâles. Elle participe également à un projet multidisciplinaire visant à cartographier les cocktails chimiques dans l’air de Montréal.
« La toxicologie se sert de toutes les avancées fondamentales pour pouvoir prédire la toxicité d’un composé », explique Géraldine Delbès, en se référant notamment aux progrès en biologie moléculaire et en génétique. Les percées en épigénétique viennent nous aider à mieux comprendre les phénomènes d’exposition. »
Une reproduction perturbée
« On veut du plastique, on veut des cellulaires, mais finalement ce sont des sources de produits chimiques qu’on ne connaît pas. Si je suis enceinte, les perturbateurs endocriniens vont entrer en moi, par le biais de ce que je mange, ce que je touche, peut-être ce que je respire, et ça va aller directement affecter l’environnement du fœtus », poursuit Géraldine Delbès, qui rappelle que ces substances qui dérèglent le fonctionnement hormonal peuvent traverser les membranes du placenta.
Si les femmes sont généralement informées et évitent de s’exposer à diverses substances pendant leur grossesse, ce n’est pas toujours le cas des hommes, qui eux aussi peuvent transmettre des informations “environnementales” lors de la reproduction, observe la chercheuse. Le spermatozoïde ne transmet pas seulement son ADN, mais aussi son épigénome, lequel peut être affecté par divers facteurs. « Les deux gamètes arrivent avec une histoire, et ça peut créer un embryon qui ne se développe pas et qui provoque une fausse couche », explique Mme Delbès.
Passionnée et impliquée
Entre sa vie familiale et son travail à l’INRS, la passion de Géraldine Delbès ne ternit pas. Depuis quelques années, la chercheuse s’implique dans son milieu de travail dans un Comité institutionnel EDI (Équité, diversité, inclusion). « On a créé des bourses pour des étudiants provenant de pays en voie de développement, des bourses de congé parental, on a fait des webinaires pour éduquer nos membres et aborder un tas de sujets, comme le syndrome de l’imposteur, le racisme systémique, les femmes en sciences, etc. », raconte celle qui s’intéresse également à la représentativité de la communauté LGBTQ dans le monde universitaire.
« Il n’y a pas vraiment de modèle pour la communauté LGBTQ à l’université, fait-elle remarquer. Je m’estime extrêmement chanceuse d’avoir cette job, et je trouve de plus en plus cette motivation à travers des projets multisectoriels et une foule de questions sociétales par rapport à l’équité, la diversité et l’inclusion dans le milieu de la recherche. »
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