Les gouttes d’eau de Montréal sous la loupe des chercheurs
Collaboration spéciale

Ce texte fait partie du cahier spécial Recherche
On parle beaucoup du réchauffement global de la planète, mais connaît-on les effets de notre environnement local sur le climat ? À l’UQAM, une équipe de chercheurs lance un nouveau projet de recherche participative, dénommé Collect’O. En installant 100 collecteurs d’échantillons de précipitations dans le Grand Montréal pendant un an, elle cherche à mieux comprendre les effets de la ville sur les ressources en eau. Les citoyens sont invités à participer à la collecte d’échantillons.
« Montréal est le meilleur terrain dans l’est du Canada pour comprendre l’impact du milieu urbain sur les schémas de précipitations », lance Florent Barbecot, professeur au Département des sciences de la Terre et de l’atmosphère de l’UQAM et titulaire de la Chaire de recherche en hydrogéologie urbaine. Il ne cache pas son enthousiasme pour le projet de recherche qu’il coordonne avec la doctorante en sciences de la Terre et de l’atmosphère Cécile Carton. Après avoir comparé différentes villes de l’est du pays, la doctorante a démontré que Montréal est la plus touchée par les modifications de précipitations (pluie, grêle, verglas et neige).
« Des études ont supposé que les principales répercussions de la ville sur les précipitations seraient liées aux îlots de chaleur, aux activités humaines (émissions de vapeur d’eau et d’aérosols) et à la morphologie de la ville, par exemple la forme et la densité des bâtiments », explique Cécile Carton. L’étude, financée par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) et le centre interuniversitaire de recherche Geotop, permettra d’affiner la compréhension de ces phénomènes. « Nous nous attendons à ce que ces facteurs soient en compétition, mais nous ne connaissons pas encore le poids de chacun, faute de disposer de mesures adéquates », explique Florent Barbecot.
La mémoire de l’eau
Pour mener à bien son étude, l’équipe de Collect’O dispose d’un outil précieux : un laboratoire de mesures isotopiques. « C’est un peu comme une baguette magique pour nous aider à lire des choses (évaporation, condensation…) qui ne se voient sur aucun autre traceur », décrit Florent Barbecot. En analysant les isotopes naturels de la molécule d’eau, on peut visualiser des différences infimes dans la masse des noyaux des atomes, ce qui fournit des informations importantes sur les conditions et les trajectoires des précipitations. « Les analyses isotopiques sont les seules à permettre de lire la mémoire de l’eau », résume le professeur.
L’outil est utilisé depuis plus de 50 ans pour travailler sur le cycle de l’eau, mais les chercheurs n’ont pas accès facilement à des échantillons, ce qui limite les études. « En [nous] appuyant sur une participation collective, nous disposerons d’échantillons sur l’ensemble de l’agglomération de Montréal, à une échelle inédite pour ce type d’approche ! » se réjouit Florent Barbecot.
Un projet participatif et didactique
Vingt-sept premiers collecteurs ont déjà été mis en place par des volontaires du réseau de l’Université et des organismes partenaires. Pour mener à bien sa recherche, Collect’O a besoin d’installer plus de collecteurs (de la dimension d’une cabane à oiseaux), en particulier dans les environs de Montréal. Tout citoyen est invité à participer en se portant candidat sur le site Web du projet. « Il faut avoir un terrain dégagé, loin des arbres ou immeubles qui peuvent influencer les précipitations », demande Cécile Carton. Idéalement, les volontaires doivent pouvoir rapporter leurs échantillons à l’UQAM.
Les participants sont informés par l’équipe de recherche au fil de l’eau. « Il y a un aspect didactique dans notre approche. En lançant notre première campagne, nous avons expliqué aux participants la dynamique de l’élément pluvieux, et nous leur transmettons les résultats pour les impliquer dans notre démarche de compréhension », explique Florent Barbecot.
Une réflexion pour climatiser nos villes
En cette période de changements climatiques, assurer la pérennité des ressources en eau dans les zones urbaines représente un défi majeur. Le projet Collect’O pourra contribuer à nourrir une réflexion sur la ville. « Ces questions ne se posent pas seulement au Canada ou au Québec, mais à l’échelle du globe », souligne Florent Barbecot, qui a éveillé l’intérêt de ses collègues internationaux lors de rencontres à l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), un organisme sous l’égide de l’ONU qui s’intéresse à la gestion de l’eau.
« Les effets locaux de la ville sur les précipitations sont plus importants que ceux du changement climatique global dont on parle tous les jours », soutient M. Barbecot, qui entend exporter un nouveau modèle d’étude. « Nous souhaitons montrer que nous pouvons mettre sur pied des réseaux participatifs très intéressants pour la science d’un point de vue économique, qui permettent d’obtenir des informations pertinentes sur des questions que l’on se pose partout dans le monde ». Sans négliger la dimension humaine de l’aventure. « Les gens sont attentifs à cette compréhension de leur environnement proche, et nous avons des échanges riches avec les participants », se réjouit celui qui espère favoriser la climatisation naturelle de nos villes à l’avenir.
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