Le vaccin d’AstraZeneca plus efficace qu’il n’y paraissait
Le vaccin d’AstraZeneca est bien meilleur qu’on le pensait. Une analyse de son efficacité en Angleterre, où des millions de personnes âgées en ont reçu une première dose, confirme qu’il procure le même niveau de protection que celui de Pfizer. Ce constat, corroboré par d’autres études récentes, bouscule l’idée de médiocrité planant au-dessus du vaccin anglo-suédois, qui débarque ces jours-ci au Canada.
Trente-cinq jours après une seule dose, le vaccin d’AstraZeneca est efficace à 73 % et celui de Pfizer, à 67 % pour prévenir une infection symptomatique au coronavirus, selon l’analyse signée mardi par l’agence de santé publique d’Angleterre, qui porte sur les 7,5 millions d’Anglais âgés de 70 ans et plus. Bien que les marges d’incertitude des deux pourcentages se chevauchent, ces résultats montrent que les deux vaccins jouent dans la même ligue.
Il y a de quoi se réjouir : même avec une seule dose, le vaccin d’AstraZeneca offre ainsi une meilleure protection que ce qui avait été observé lors des essais cliniques de phase III au Brésil et au Royaume-Uni, dont les résultats avaient été rapportés en décembre dernier. On parlait alors d’une efficacité de 62 % après deux doses (injectées entre quatre et douze semaines d’intervalle) chez les personnes de 18 à 64 ans. Chez les personnes de 70 ans et plus, le trop faible nombre de participants (224) invitait tous les analystes à ne tirer aucune conclusion.
Dès lors, la mauvaise réputation du vaccin d’AstraZeneca s’établissait. Elle était double : on le jugeait peu efficace par rapport aux vaccins à ARN messager (95 %) et mystérieux quant à ses bénéfices pour les personnes âgées. Certaines personnes faisaient l’amalgame entre les deux faiblesses — comme le président français, Emmanuel Macron, qui disait le 29 janvier que le vaccin est « quasi inefficace » chez les 65 ans et plus.
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Des analyses ultérieures allaient démonter les deux conceptions. Le 1er février, une seconde analyse des essais cliniques, comportant plus de participants et de plus longues séries temporelles, montrait qu’un intervalle de 12 semaines entre les deux doses procurait une protection efficace à 82 % pour prévenir une infection symptomatique. L’administration d’une seule dose offrait pour sa part une efficacité de 76 %, qui s’est maintenue pendant au moins trois mois, selon cette étude éventuellement publiée dans les pages du Lancet.
Le 19 février, une étude de l’agence de santé publique écossaise établissait pour sa part que, dans cette nation britannique où des centaines de milliers de personnes avaient été vaccinées, le vaccin d’AstraZeneca prévenait les hospitalisations liées à la COVID-19 avec une efficacité de 94 % environ un mois après l’administration d’une seule dose. Le vaccin anglo-suédois faisait ainsi meilleure figure que le vaccin de Pfizer (85 %) pour réduire les formes assez graves de l’infection pour parachuter les Écossais à l’hôpital. La plupart des sujets vaccinés étaient par ailleurs des aînés.
Le spécialiste en immunologie André Darveau, également vice-recteur de l’Université Laval, conseille de toujours garder un œil sur la performance d’un vaccin après son déploiement, et pas de seulement considérer les résultats des essais cliniques. « Ça permet d’avoir l’avantage du nombre », explique-t-il. Alors que les études initiales comportent au mieux quelques dizaines de milliers de participants, on passe ensuite au régime des millions.
« Ces données superbes [en provenance du Royaume-Uni] sont la bonne nouvelle de la semaine, s’est réjoui Alain Fischer, le coordonnateur de la stratégie vaccinale en France, cité dans Le Monde. […] La meilleure expérience, c’est toujours la vie réelle. La campagne israélienne avait démontré l’efficacité du vaccin de Pfizer. La campagne écossaise le fait avec celui d’AstraZeneca. Et de nouvelles données anglaises, tout juste publiées, le confirment. »
Après la France en début de semaine, c’était l’organisme fédéral de santé publique de l’Allemagne qui annonçait, jeudi, qu’il recommandait désormais le vaccin d’AstraZeneca pour les personnes de 65 ans et plus. Les deux pays demandent également d’espacer les deux doses de 12 semaines pour tirer une efficacité maximale du vaccin.
Au Canada, le Comité consultatif national de l’immunisation (CCNI) a usé de conservatisme et n’a pas fondé ses recommandations, énoncées lundi, sur les plus récentes analyses. Il ne conseille pas l’utilisation du vaccin d’AstraZeneca chez les personnes de 65 ans et plus « en raison de l’insuffisance de données probantes sur l’efficacité dans ce groupe d’âge à l’heure actuelle ». Il autorise un intervalle de quatre à douze semaines entre les deux doses, tout en notant que douze semaines sont « préférables ».
La tâche revient toutefois aux provinces de décider qui recevra le vaccin d’AstraZeneca. En Ontario, il sera d’abord offert aux personnes de 60 à 64 ans, a-t-on appris mercredi. Le gouvernement du Québec attend pour sa part l’avis du Comité sur l’immunisation du Québec, qui se penche actuellement sur la question et dont le rapport sera publié sous peu, « probablement la semaine prochaine », selon une porte-parole du comité.
« On veut utiliser les vaccins d’AstraZeneca ; on veut les utiliser de façon sécuritaire », a déclaré jeudi François Legault, en soulignant le fait que des pays européens avaient décidé de les recommander aux personnes âgées. La veille, le directeur national de santé publique, Horacio Arruda, disait que les études ailleurs dans le monde envoyaient des signaux encourageants comparativement aux premiers résultats des essais cliniques.
« C’est vraiment de la science en direct », dit M. Darveau à propos des développements sur le vaccin d’AstraZeneca. Il attend avec impatience les prochaines analyses, qui porteront notamment sur la durée de la protection immunitaire des différents vaccins. Avoir créé un tel arsenal en si peu de temps est un « exploit dont il faut s’extasier », tient à souligner le professeur.
Avec Mylène Crête