Karim Zaghib: branché sur le Québec électrique

Karim Zaghib a quitté Hydro-Québec et a rejoint l’équipe d’Investissement Québec en juin dernier.
Photo: Photo fournie Karim Zaghib a quitté Hydro-Québec et a rejoint l’équipe d’Investissement Québec en juin dernier.

Avec 550 brevets associés à son nom, Karim Zaghib électrise l’industrie des batteries au Québec depuis belle lurette. « Aujourd’hui, dans n’importe quelle batterie lithium-ion dans le monde, soit dans des ordinateurs, soit dans des cellulaires, soit dans des voitures électriques, soit dans les stockages, il y a au moins un élément breveté par Hydro-Québec », dit-il fièrement, des éclairs dans les yeux. « Ce n’est pas que moi, ajoute-t-il. J’aime bien utiliser le nous. J’aime bien être entouré des bonnes personnes. »

L’énergie qu’il dégage pour ces technologies vertes remonte à loin. Encore tout jeune, dans le sud de la France avec sa famille, « nous étions vraiment pris dans un gros bouchon de circulation, se remémore l’homme de 57 ans. On y est restés une heure et demie, deux heures. Ça m’a fait tellement mal dans mes poumons, dans ma respiration. J’avais une telle crise d’asthme que j’ai été obligé d’aller à l’hôpital. Je ne peux pas dire que c’était la mort, mais j’étais affaibli. À partir de ça, je me suis dit que je ne peux pas changer le monde tout seul, mais que je vais y mettre mon grain de sel. »

Dès lors, sa carrière démarre sur les chapeaux de roues. Il décroche d’abord un doctorat en France, puis part au Japon, où il conçoit pour Sony les premières batteries au lithium. En 1995, Hydro-Québec le recrute pour accélérer les recherches sur ce qui constitue la clé de voûte d’une voiture électrique.

« Dès la première année où on y travaille, on se sent Hydro-Québécois », assure-t-il, plein d’admiration pour les pionniers qui l’ont précédé. « Dès qu’on y entre, on apprend l’histoire. Quand on apprend l’histoire, ça vient nous chercher. Et quand ça vient nous chercher, on va dire que, ces gens-là, on les remercie. »

25 ans plus tard, ses liens avec la société d’État vibrent encore. « Je disais que je travaille pour deux intérêts : les intérêts supérieurs d’Hydro-Québec et les intérêts supérieurs du Québec. Avec ça, tu arrives à rassembler. On ne travaille pas pour notre poche. C’est un projet de société. »

Sa route a pris un virage en juin dernier. Il a quitté Hydro-Québec et rejoint l’équipe d’Investissement Québec. « Avec mon réseau, j’ouvre les portes d’une part et, d’autre part, quand on connaît la technologie de A à Z, on peut aider à aller chercher de bonnes compagnies »

Féru de sciences et d’environnement, il affirme que c’est en fait la « création d’emplois » qui lui sert de moteur.

« Je n’ai rien contre la privatisation, mais les compagnies privées que je connais, Hydro-Ontario ou les autres aux États-Unis, […] dans les deux premières années après leur privatisation, elles ont fermé leur centre de recherche et développement. Aujourd’hui, on peut dire qu’Hydro-Québec est la dernière compagnie qui reste en Amérique du Nord avec son centre de recherche. C’est rare. »

Plan vert

 

À la mention du récent plan vert du gouvernement caquiste, Karim Zaghib se montre prudent, mais confiant. « Je n’ai aucune carte de parti, mais je n’ai jamais vu les étoiles alignées comme ça », dit-il en parlant de la vision entrepreneuriale du gouvernement. « Je trouve toujours que, lorsqu’on fait un plan, c’est audacieux, c’est bien. Se donner une cible [interdire la vente de véhicules neufs à essence] en 2035, c’est acceptable. C’est bien. »

Selon lui, la marche vers une économie durable doit se faire sans « gants de boxe » ou interdictions « trop lourdes ». Il faut surtout garder en tête le « symbole de liberté » que représente la voiture en Amérique du Nord. « Il faut faire un gradient. Tout doucement, tout doucement, et on va y arriver. »

« Allons aux choses concrètes », affirme-t-il.

Parmi les projets qui l’emballent, il cite le projet de mine de lithium Nemaska, à 300 kilomètres au nord de Chibougamau, « deuxième gisement en importaconcurrencee ». Les plans d’exploitation prévoient une usine de transformation à Shawinigan. « Ce sont des richesses qui sont distribuées, plutôt que juste concentrées dans le Grand Montréal ou Québec », souligne-t-il.

Questionné sur la possibilité qu’une voiture électrique soit fabriquée au Québec, il évoque plutôt la vente de batteries et des ententes avec les constructeurs automobiles ontariens. « Il faudrait penser à une complémentarité et ne pas se chicaner et se faire compétition. Misons sur ce qu’on a, le capital qu’on a déjà », dit-il.

Puis, nul doute pour lui que les talents du monde entier s’inscrivent dans l’équation. L’équipe qu’il a quittée à Hydro-Québec se compose de 120 chercheurs provenant d’une vingtaine de pays. Celle qui le remplace à la tête du centre de recherche d’Hydro-Québec, Chisu Kim, est elle-même originaire de la Corée du Sud.

« Pour moi, le Québec, c’est un pays d’opportunités. Travaillez fort. Si vous avez à faire une formation supplémentaire pour avoir une expérience québécoise, allez-y. Les portes sont ouvertes. On a les meilleures universités, les meilleurs cégeps, etc. Le but, c’est de travailler fort. Avec ténacité et persévérance, on y arrive. »

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