Irina Rish, de l’Ouzbékistan à Montréal

Marie Pâris Collaboration spéciale
La chercheuse Irina Rish a intégré l’Institut québécois d’intelligence artificielle en 2019.
Photo: Amélie Philibert La chercheuse Irina Rish a intégré l’Institut québécois d’intelligence artificielle en 2019.

Ce texte fait partie du cahier spécial Intelligence artificielle

Après des études à Moscou et en Californie suivies de vingt ans de carrière à IBM, cette chercheuse a intégré l’Institut québécois d’intelligence artificielle en 2019.

Can Machines Think ? C’est de ce livre, repéré par hasard dans une bibliothèque en Ouzbékistan, que tout est parti. Irina Rish a alors 14 ans. Elle baigne déjà dans les sciences : son père est professeur de modélisation mathématique à l’université, sa mère enseigne les mathématiques dans un lycée, un de ses frères est chimiste et l’autre mathématicien — c’est d’ailleurs grâce à ce dernier qu’Irina Rish apprend à programmer à l’adolescence. « J’étais déjà très intéressée par l’informatique », se souvient la chercheuse.

S’ensuit un brillant parcours scolaire, avec une maîtrise en mathématiques appliquées à l’Institut Gubkin de Moscou, puis une maîtrise et un doctorat en informatique avec spécialisation en intelligence artificielle (IA) à l’Université de Californie à Irvine, où elle postule à la suite de la chute du mur du Berlin. « On pense souvent que l’IA est quelque chose de récent ; son étude a pourtant commencé dans les années 1950, explique-t-elle. Mais pendant longtemps, la recherche n’a pas été aussi productive et pratique qu’elle l’est aujourd’hui. Ça a explosé il y a une dizaine d’années grâce à l’augmentation de la puissance informatique, qui a rendu l’IA bien plus efficace. »

C’est finalement vers cette industrie qu’Irina Rish s’oriente après ses études : elle déménage à New York, où elle rejoint le centre de recherche d’IBM. Là-bas, elle reçoit plusieurs prix pour l’excellence et l’innovation de son travail ; elle compte aujourd’hui à son actif 64 brevets, plus de 80 articles de recherche et plusieurs chapitres de livres, en plus d’être titulaire d’une chaire en IA au CIFAR-Canada.

Montréal, un des centres névralgiques de l’IA

En octobre 2019, après vingt ans de carrière à IBM, Irina Rish s’installe à Montréal avec sa famille : elle a en effet décroché une chaire d’excellence en recherche du Canada (CERC) avec un budget de 34 millions de dollars sur sept ans. La femme trilingue, dont l’anglais est teinté de l’accent russe, se met donc au français — elle espère pouvoir enseigner dans la langue de Molière d’ici quelques années. En janvier, Irina Rish commence donc à enseigner comme professeure associée au Département d’informatique et de recherche opérationnelle de l’Université de Montréal et membre du corps professoral de l’Institut québécois d’intelligence artificielle (Mila). « La recherche au Mila avance très rapidement, particulièrement dans le domaine de l’apprentissage profond, souligne la chercheuse. C’est un environnement super et très excitant, et la chance de travailler avec des collègues et des étudiants brillants. Ce poste était une occasion à ne pas rater… »

La chercheuse qualifie Montréal comme l’un des centres névralgiques de l’IA dans le monde, grâce notamment à Mila et à sa forte concentration de chercheurs en IA, mais aussi en neurosciences. Justement, le travail d’Irina Rish se situe au croisement de ces deux disciplines et de la psychologie. Son objectif : progresser vers une IA à échelle humaine en développant ses capacités en apprentissage continu, pour qu’elle soit capable d’alterner entre des tâches très différentes et de s’adapter aux changements dans son environnement. Bref, rendre l’IA moins artificielle.

On pense souvent que l’IA est quelque chose de récent ; son étude a pourtant commencé dans les années 1950

 

Si ses collègues d’IBM lui manquent, Irina Rish se plaît beaucoup dans l’enseignement. « Dans l’industrie, la recherche est parfois purement fondamentale, explique la professeure. L’enseignement est un métier qui peut être chronophage, mais qui nous force également à être toujours au fait des nouvelles publications dans notre domaine de recherche. J’aime aussi beaucoup travailler avec des étudiants, qui viennent avec plein d’idées nouvelles. »

La recherche en temps de pandémie

 

Au printemps dernier, lorsque la crise de la COVID-19 a éclaté, plusieurs professeurs de Mila se sont rassemblés pour mettre au point une application permettant de lutter contre la pandémie. Leur but n’était pas de développer une simple application de recherche des contacts, mais de la rendre plus efficace grâce à l’apprentissage automatique, en utilisant non pas des notions binaires mais des probabilités afin d’évaluer le risque de contamination. « Les simulations montrent notamment qu’avec ce type d’application, il est possible d’alerter beaucoup plus tôt une personne qui a potentiellement été exposée au virus », indique la chercheuse. Le gouvernement n’a finalement paschoisi cette application, baptisée COVI, optant plutôt pour Alerte COVID et son système sans apprentissage automatique.

En attendant, les activités de Mila se déroulent désormais en ligne, et Irina Rish trouve les discussions autour de la recherche plus difficiles par écrans interposés. « La recherche, ce sont également ces interactions imprévues autour de la machine à café, quand on commence à parler de façon impromptue et que ça aboutit à de nouvelles idées, raconte la professeure. Ça, ça nous manque à tous. » Mais la recherche continue et le progrès avance malgré tout, pandémie ou non. « L’IA est en plein essor et va continuer à se développer, car elle peut avoir énormément d’applications pour nous aider au quotidien, conclut Irina Rish. COVI n’était qu’un des nombreux exemples de ce qu’on peut faire sur le plan médical… »

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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