Le SRAS-CoV-2 serait-il en train de faiblir?

Alberto Zangrillo, directeur de l’Hôpital San Raffaele, à Milan, a déclaré que les prélèvements effectués au cours des deux dernières semaines chez des personnes infectées ne révélaient que d’infinitésimales quantités de virus.
Photo: Damien Meyer Archives Agence France-Presse Alberto Zangrillo, directeur de l’Hôpital San Raffaele, à Milan, a déclaré que les prélèvements effectués au cours des deux dernières semaines chez des personnes infectées ne révélaient que d’infinitésimales quantités de virus.

Le SRAS-CoV-2 s’affaiblirait-il ? Perdrait-il de sa virulence ? C’est du moins ce que suppose un médecin milanais qui affirmait à la télévision italienne que les personnes qu’il teste depuis 15 jours présentent une charge virale nettement moindre que celle prélevée chez les patients qui ont été infectés, il y a un à deux mois. Certains experts en infectiologie doutent de cette possibilité et avancent d’autres hypothèses pour expliquer cette observation qui demeure anecdotique pour le moment.

Alberto Zangrillo, directeur de l’Hôpital San Raffaele, à Milan, déclarait dimanche dernier que les prélèvements effectués au cours des deux dernières semaines dans les voies respiratoires supérieures des personnes infectées ne révélaient que d’infinitésimales quantités de virus comparativement à ce qui était mesuré un à deux mois auparavant. « Cliniquement, le virus n’existe plus en Italie », a-t-il lancé. « Peut-être que l’interaction entre le virus et les récepteurs des voies respiratoires humaines est en train de changer », a-t-il avancé au Washington Post ? Pourtant, aucune étude génétique n’a montré jusqu’à maintenant que le virus aurait subi des mutations déterminantes, susceptibles d’affecter sa virulence.

« C’est vrai qu’il y a moins de contagions en Europe. Ici aussi, on voit que la courbe s’est aplatie et qu’il y a une diminution du nombre de nouveaux cas, mais ce n’est pas parce que le virus perd de sa virulence. C’est plutôt le fait que parce qu’il y a moins de cas, le virus trouve ainsi moins de cibles à infecter », réplique la Dre Cécile Tremblay, infectiologue au CHUM, qui considère avec circonspection l’hypothèse du Dr Zangrillo. « Ce sont des observations, des anecdotes qui ne sont pas suffisantes pour tirer des conclusions scientifiques ! »

« De plus, une personne qui est infectée peut excréter plus ou moins de virus, cela varie beaucoup d’un individu à l’autre, et aussi selon le stade de la maladie que la personne a atteint. À l’apparition des symptômes, la personne excrétera beaucoup plus de virus que plus tard au cours de la maladie », fait-elle remarquer.

Selon le Dr Donald Vinh, infectiologue au Centre universitaire de santé McGill (CUSM), il n’est pas impossible que le virus soit devenu moins apte à infecter les cellules et de s’y reproduire, en raison de l’apparition de mutations. « Mais ce n’est qu’une hypothèse et on a besoin de données scientifiques pour le prouver », dit-il avant d’expliquer qu’à chaque cycle d’infection dans les humains, le virus peut acquérir des mutations qui modifieront son comportement, comme par exemple, le rendront plus infectieux ou moins infectieux. « Le virus n’est pas intelligent et ne décide pas de ce qui va lui arriver. Les mutations découlent des erreurs que font les enzymes qui assurent la réplication du virus. La plupart de ces mutations spontanées ne procurent aucun bénéfice au virus, elles ne lui apportent généralement aucun avantage qui favoriserait sa survie, et même, elles conduisent parfois à la disparition de ces virus mutés. Plus rarement, il peut y avoir des mutations qui aideront le virus, qui permettront sa persistance et l’émergence de nouvelles éclosions. C’est ce qu’on observe parfois avec le virus de la grippe et c’est ce qui pourrait arriver avec le SRAS-CoV-2. »

Si le médecin italien a observé que les charges virales de ses patients étaient moindres depuis quelque temps, cela s’expliquerait-il par le fait qu’en raison de la grande diminution du nombre de personnes infectées, il y aurait du coup moins de virus en circulation, et les gens seraient ainsi moins susceptibles d’être exposés à de hautes doses de virus ? « Pas vraiment, répond le Dr Vinh. Quand on teste quelqu’un et qu’on voit que sa charge virale est peu élevée, cela veut souvent dire que son système immunitaire est davantage capable de contrôler le virus. Plusieurs facteurs peuvent affecter la charge virale (la quantité de virus) qu’on mesure. Des aspects techniques, comme la façon de procéder au prélèvement, le type de plate-forme qu’on a utilisée pour l’analyse, pourraient expliquer certaines variations dans la charge virale. »

Aussi, « les virus qu’on mesure dans un échantillon nasal, par exemple, ne correspondent pas à la concentration de virus dans l’environnement, comme ce serait le cas pour la poussière de la pollution, par exemple. Le virus doit entrer dans les cellules, être capable de s’y reproduire, puis de sortir de ces cellules pour se disséminer et causer la maladie et se transmettre à d’autres personnes. Donc, si la charge virale d’une personne est basse, cela ne veut pas nécessairement dire qu’il y a moins de virus qui circulent autour d’elle, mais plutôt que cette personne est davantage capable de contrôler la reproduction de ce virus. La quantité de virus dans l’environnement détermine le risque d’être infecté et non la charge virale. La capacité du virus de se reproduire et par conséquent la charge virale dans les sécrétions respiratoires, dépendent de la réponse immunitaire de la personne. »

Autre possibilité, peut-être qu’au début de la pandémie, on ne testait que les personnes sévèrement malades, tandis que maintenant on teste davantage des personnes ayant des symptômes légers, ajoute le Dr Vinh. « Or, on sait que les personnes qui ont des symptômes sévères ont une charge virale plus élevée que celles qui sont peu symptomatiques. Une personne peu symptomatique aura non seulement une charge virale moindre, mais une période de détectabilité moins longue qu’une personne ayant de graves symptômes. »

Décroissance saisonnière

 

« Cette diminution du nombre de cas qu’on observe en Italie, en France, aux États-Unis et au Québec, pourrait être un signe d’une fluctuation saisonnière du virus, comme on l’observe avec les autres virus respiratoires du rhume et de la grippe, avance le Dr Vinh qui explique qu’avec l’arrivée de l’été, on voit habituellement une diminution du nombre de personnes infectées par ces virus, alors qu’on observe une recrudescence à l’automne et à l’hiver. « Je dois avouer que nous sommes nombreux à être surpris par la décroissance du nombre de cas que l’on observe au Québec et ailleurs dans le monde, car les modèles mathématiques prédisaient plutôt un plateau qui persisterait pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Peut-être qu’il y aura une recrudescence, on ne le sait pas. Mais si le nombre de nouveaux cas continue de diminuer, cela suggérera vraiment que ce virus subit lui aussi une variation saisonnière, comme on le voit avec d’autres virus », souligne-t-il. « Cette diminution du nombre de cas qu’on observe actuellement ne veut donc pas nécessairement dire que le virus est moins puissant, mais elle découle peut-être des effets des mesures de confinement et de santé publique ou des variations saisonnières du virus, voire d’un mélange des deux, on ne le sait pas encore. »

La saisonnalité des virus s’explique par différents facteurs, dit-il. La lumière solaire, les rayons ultraviolets particulièrement, affectent les niveaux de vitamine D et de mélatonine dans l’organisme. Or, ces deux molécules influencent la capacité du système immunitaire à répondre à des agressions. Ainsi, « l’allongement de la photopériode durant l’été qui fait en sorte que l’intensité et la durée de l’exposition à la lumière solaire sont plus élevées, contribuerait à cette fluctuation saisonnière qu’on observe avec les virus respiratoires, et peut-être aussi avec celui de la COVID-19, en permettant au système immunitaire de mieux contrôler le virus », précise-t-il.

Aussi, le fait que les gens sortent davantage à l’extérieur durant la saison chaude diminue la transmission des virus. Par contre, celle-ci augmente lorsqu’il fait froid, car les gens se rassemblent alors à l’intérieur, dans des milieux clos. « Si on se promène dans le parc du Mont-Royal, qui est un lieu vaste et bien aéré, les risques de transmission sont moindres que si on est coincé dans une petite salle avec plusieurs autres personnes », donne-t-il en exemple.

« Même si on voit une diminution, durant l’été, il faudra tout de même rester vigilant, surtout lorsque réapparaîtront à l’automne les autres virus respiratoires », prévient le Dr Vinh.

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