Rester en santé pour aider les autres

Catherine Couturier Collaboration spéciale
Les effets de la crise actuelle sur le personnel soignant pourraient se faire ressentir pendant deux ans.
Photo: Sébastien Bozon Agence France-Presse Les effets de la crise actuelle sur le personnel soignant pourraient se faire ressentir pendant deux ans.

Ce texte fait partie du cahier spécial Recherche sur la COVID-19

Ils sont nos anges gardiens, répète dans ses points de presse le premier ministre du Québec, François Legault. Mais pour qu’ils puissent continuer à nous soigner, ils doivent rester en santé. Quels sont les effets de la pandémie sur la santé psychologique et physique du personnel soignant ? Diagnostic.

 

Sentiment d’urgence constant, danger d’épuisement professionnel et physique, peur d’être contaminé ou de contaminer sa famille… Les effets physiques et psychologiques de la crise actuelle sont bien palpables. « Gérer dans l’inconnu est perturbant », souligne Nirvishi Jawaheer, pharmacienne propriétaire et vice-présidente aux services professionnels de la Fédération des pharmaciens du Québec (FPQ). Les professionnels de la santé sont sur les dents, même ceux qui ne sont pas au front  ; après des pressions du corps médical, des protocoles de protection pour l’ensemble du personnel semblent se mettre en place, mais la peur de manquer d’équipement ou de ne pas y avoir accès, premier rempart pour protéger sa propre santé, demeure.

Stress

 

« Même pour le commun des mortels, c’est stressant. Quand on est encore plus près, c’est normal d’être stressé », souligne Marie-France Marin, professeure au Département de psychologie de l’UQAM. « C’est comme se battre avec un fantôme », remarque le Dr Jean-Philippe Blais, médecin à la Clinique de périnatalité de Trois-Rivières.

Le stress est une réponse normale de notre corps, qui nous amène à être plus vigilants. Le problème survient lorsque le stress est soutenu et continu. Une étude menée après l’épidémie de SRAS a révélé que près de 50 % des soignants avaient vu leur état psychologique altéré. « Le stress chronique ne cause pas la dépression ou un stress post-traumatique, mais il peut être un facteur contribuant », explique Marie-France Marin.

Il faudra ensuite gérer l’après-crise,alors que ses effets pourraient se faire ressentir jusqu’à deux ans plus tard, observe Bruno Pilote, professeur à la Faculté des sciences infirmières de l’Université Laval. « Ils vont vivre ça en Italie, observe-t-il, car faire des choix de cette nature-là [choisir qui sauver en priorité], cela relève d’un contexte de guerre. »

50 %
C’est le pourcentage des soignants qui avaient vu leur état psychologique altéré après l’épidémie de SRAS, en 2003

Réponse variable

 

Chaque personne a une réponse différente au stress — problème de digestion, manque de sommeil, etc. —, faisant ressortir les vulnérabilités de chacun. « Je le vois dans mon personnel, la crise engendre différentes réactions », observe le Dr Blais. Si le cerveau a tendance à se focaliser sur la menace en temps de stress,« ce genre de situation va être vu comme un défi pour certains », affirme Bruno Pilote. « Ça fait partie du risque. Notre vie, c’est d’aider les gens », remarque d’ailleurs calmement le Dr Blais.

C’est pour déterminer quel profil de personnes s’adapte le mieux à ces situations que le Bruno Pilote vient d’amorcer une étude : « Nous voulons mettre la bonne personne aubon endroit et au bon moment ». L’équipe de recherche, qui recrutera des infirmières notamment dans les quatre hôpitaux chargés de la COVID-19, veut à terme guider les autorités de santé publique dans ses décisions et assurer une meilleure rétention des professionnels.

Aider à aider

Pour protéger les patients et les professionnels, certaines initiatives ont été mises en place. En pharmacie, l’installation de vitres a été adoptée par une majorité. En plus des mesures mises en place pour protéger la clientèle et le personnel, la FPQ a créé un groupe Facebook pour les pharmaciens afin qu’ils puissent partager des informations fiables et se soutenir. La ligne d’écoute de la FPQ est par ailleurs très sollicitée en cette période de crise : « La détresse et l’inquiétude sont palpables », souligne la directrice générale de la FPQ, Thina Nguyen.

Le soutien par les pairs est aussi l’approche prônée par le Programme d’aide aux médecins du Québec (PAMQ), approche qui s’avère particulièrement importante pour faire face à cette situation hors norme. Le volume d’appel sur sa ligne d’aide a pour l’instant diminué, probablement parce que les médecins sont dans l’action. « Les réactions de stress sont peut-être compensées par le fait de devoir avant tout agir », avance la directrice générale du PAMQ, Anne Magnan. Mais il ne faut pas attendre d’être au bout du rouleau pour parler : « C’est un marathon, pas un sprint. Plus tôt on parle, plus ça devient un moyen de résilience », ajoute la Dre Magnan. D’autres outils seront bientôt mis en place par le PAMQ.

En parallèle, Marie-France Marin rappelle l’importance de maintenir les facteurs protecteurs et le soutien social, tant de la famille que des collègues. Il faut aussi prendre le temps de recharger ses batteries pour continuer à exercer dans ces conditions : bien dormir, bien manger, s’entraîner… Et de ne pas trop suivre les nouvelles !

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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