Les efforts de vulgarisation du «Pharmachien» récompensés à Londres

Olivier Bernard, alias « Le Pharmachien », a remporté un prestigieux prix international à Londres pour sa défense de la science et des données probantes.
Le blogueur et vulgarisateur québécois a plus précisément reçu le prix John-Maddox à Londres pour son travail visant à déboulonner les mythes entourant l’utilisation de la vitamine C pour traiter le cancer. Un travail de vulgarisation scientifique qui avait déclenché contre lui une vaste campagne de cyberintimidation — il a même reçu des menaces de mort.
Le prix John-Maddox est décerné à une ou deux personnes chaque année depuis huit ans par la revue scientifique « Nature » et l’organisme sans but lucratif « Sense about Science ». Le jury a reçu cette année 206 nominations de 38 pays pour ce prix qui vise à « reconnaître le travail d’individus qui font la promotion de la science et des preuves scientifiques, faisant progresser le débat public sur des enjeux difficiles, malgré les défis ou l’hostilité ».
Olivier Bernard a expliqué au téléphone mardi depuis Londres, où il devait recevoir son prix en soirée, que « la communication scientifique en ce moment est importante, parce que les gens n’ont jamais été aussi confus ».
« On est bombardés d’informations sur la science, sur la santé, et c’est extrêmement difficile de s’y retrouver, a-t-il soutenu. Le gros défi qui vient avec ça, c’est d’être capables de différencier la bonne et la mauvaise information en ligne, dans les médias. Le travail des communicateurs, des vulgarisateurs scientifiques, c’est ça » : une sensibilisation à l’esprit critique.
En 2018, M. Bernard a appris qu’une pétition déposée à l’Assemblée nationale demandait au gouvernement de mettre sur pied un « Registre québécois de la vitamine C par perfusion », afin d’autoriser les médecins à prescrire ce traitement-choc ainsi que pour documenter l’innocuité et l’efficacité de la vitamine C à haute dose dans les cas de traitements médicaux complémentaires de cancer.
Voyant dans cette pétition une « stratégie de lobbying politique qui contourne le processus scientifique » et qui comporte des risques pour la médecine et la santé publique, le « Pharmachien » a alors vérifié la science derrière ces affirmations. « Pratiquement tout était faux dans la pétition », rappelle-t-il aujourd’hui. La recherche était rare et mal conçue ; les injections elles-mêmes n’étaient pas sans risques. Le scientifique a alors publié ce qu’il avait trouvé. Son site et sa page Facebook ont alors été inondés d’insultes pendant des mois — mais « c’était correct », admet aujourd’hui M. Bernard.
Menaces de mort
Le pharmacien vulgarisateur a ensuite dénoncé le député qui avait déposé la pétition à l’Assemblée nationale. Il a alors reçu des menaces de mort, on a dévoilé l’adresse de son lieu de travail et invité son employeur à le congédier. Sa femme, une autrice, a fait face à un appel au boycottage de ses livres.
Certains ont exigé l’annulation de l’émission de télévision du « Pharmachien » et du permis de pratique du pharmacien. Il est finalement venu à la populaire émission « Tout le monde en parle » pour expliquer sa position et annoncé qu’il ne commenterait plus ce dossier controversé. Il a au passage déploré le silence — le manque de solidarité — de la communauté scientifique.
Le harcèlement a alors cessé — et la communauté scientifique et médicale du Québec est montée aux barricades à ses côtés. « Il y a eu un tollé massif. Spécialistes, oncologues, associations professionnelles : ils se sont tous manifestés », raconte-t-il aujourd’hui. La pétition n’a finalement pas été saisie par la commission de la santé et des services sociaux de l’Assemblée nationale. Le gouvernement du Québec a par ailleurs commencé à chercher des moyens d’aider les scientifiques qui font face à ce genre de réactions virulentes.
Le « Pharmachien » soutient que la communication scientifique n’a jamais été aussi difficile que maintenant. « La plupart des informations en ligne sur la science sont au mieux incomplètes et au pire complètement fausses. C’est le cas avec le changement climatique. C’est le cas en médecine. Les gens veulent avoir des informations, mais ils ne savent pas faire la différence entre les bonnes et les mauvaises. Et au final, ils se fient à une impression. »
« Je n’aime pas que les gens soient manipulés », lance le « Pharmachien », qui ne semble pas avoir perdu de son mordant.
Sa candidature pour le prix John-Maddox avait été soumise par Mme Marilou Gougeon, « atteinte d’un cancer incurable et qui est engagée dans la défense des droits des patients pour des traitements scientifiquement éprouvés », indique un communiqué de l’équipe du « Pharmachien ». Cette candidature avait ensuite été appuyée par le Scientifique en chef du Québec, Rémi Quirion.