Au coeur de la pomme, des millions de bactéries

Incroyable mais vrai, lorsque nous mangeons une pomme, nous ingurgitons de 10 à 100 millions de bactéries. Que le fruit soit biologique ou issu de l’agriculture traditionnelle, il en recèle tout autant, mais pas nécessairement les mêmes.
Selon une étude publiée dans la revue Frontiers in Microbiology, les pommes biologiques contiendraient légèrement moins d’entérobactéries potentiellement pathogènes et plus de lactobacilles bénéfiques que les pommes traditionnelles. Mais le nombre de bactéries de ces deux groupes est si minime dans les deux catégories de pommes qu’on ne peut prétendre à l’avantage des fruits biologiques, affirme un chercheur de l’Institut de nutrition et des aliments fonctionnels (INAF) de l’Université Laval.
À l’aide de méthodes d’analyse génétique, trois chercheurs de la Graz University of Technology, en Autriche, ont mesuré le nombre et le type de bactéries présentes dans les différents tissus de pommes biologiques et cultivées de manière traditionnelle. Ils ont ainsi observé que les bactéries étaient nettement plus abondantes dans les pépins et dans le pédoncule que dans la pulpe du fruit et sa peau. Conséquemment, le fait de ne pas manger le coeur de la pomme et sa queue fait en sorte que nous n’absorbons que 10 millions de bactéries plutôt que 100 millions !
« Les pommes synthétisent beaucoup de polyphénols dans la peau et dans la pulpe. Or, les acides polyphénoliques sont des composés antibiotiques qui assurent à la pomme une certaine protection en empêchant la croissance des bactéries », avance Yves Desjardins, de l’INAF, pour expliquer la moindre présence de bactéries dans la pulpe et la pelure.
Les chercheurs de l’étude affirment que le microbiome des pommes biologiques était globalement plus diversifié que celui des pommes traditionnelles, et ce, particulièrement dans la pulpe du fruit. Selon l’auteure principale, cette plus grande variété de bactéries limiterait la prolifération de certaines espèces pathogènes.
Les scientifiques ont par ailleurs mesuré une plus grande concentration de méthylobactéries — qui synthétisent des composés responsables de la saveur de fraise — dans la pulpe et la peau des pommes biologiques. Ils ont également relevé un plus grand nombre d’entérobactéries dans les pommes traditionnelles que dans les biologiques. Selon M. Desjardins, ces bactéries potentiellement nocives ne sont toutefois pas suffisamment abondantes pour affecter la santé des consommateurs. « Ces bactéries proviennent probablement de l’eau utilisée pour laver les pommes traditionnelles, lesquelles ont également été entreposées sous une atmosphère contrôlée et enveloppées dans des sacs de polythène avant l’analyse de laboratoire, contrairement aux pommes biologiques qui n’avaient subi aucun de ces traitements. Une telle différence de traitement discrédite complètement la comparaison entre les deux catégories de pommes et l’étude elle-même », conclut M. Desjardins.