Objets connectés: pratiques, sécurisants, divertissants

Ce texte fait partie du cahier spécial Intelligence artificielle
Après quelques mois passés à la direction générale de l’Institut de valorisation des données (IVADO), Michel Langelier est depuis le mois de novembre à la tête du CEFRIO, organisme dont la mission est de soutenir l’adoption de la culture numérique dans les entreprises et les organisations du Québec. Il nous parle de l’impact que les objets connectés auront sur nos vies et des précautions qu’il faut d’ores et déjà prendre.
De quoi parle-t-on lorsque l’on évoque l’Internet des objets (IDO) ?
De plus en plus d’objets que nous utilisons quotidiennement sont contrôlables à distance, soit via Internet, soit directement grâce à des applications dédiées. Ces objets sont intelligents, ils captent des données et comme ils sont connectés les uns avec les autres, ils les partagent et sont capables de prendre des décisions en fonction des informations qu’ils détiennent. Prenons les lampadaires dans nos villes. Ils captent le degré de luminosité ambiante et s’informent sur les intempéries à venir, par exemple, pour régler leur intensité en conséquence. C’est la même chose pour des centaines d’objets : nos réfrigérateurs, nos thermostats, nos chauffe-eau, nos montres, nos réveils et autres cafetières et mijoteuses. Et ça le sera encore plus dans les toutes prochaines années.
Qu’est-ce que mon réfrigérateur intelligent peut faire pour moi ?
Il peut vous informer sur la fraîcheur des aliments, sur la quantité de liquide qu’il vous reste et gérer automatiquement la liste d’épicerie. Voire, à l’avenir, passer une commande pour vous. Celle-ci pourra vous être livrée par drone dans les minutes qui suivent. Ça, c’est l’intérêt pour le consommateur, mais du point de vue de l’industrie, c’est majeur également. Si mon engrenage est intelligent et que toute ma chaîne de montage est connectée, je vais savoir qu’il a incessamment besoin de maintenance, sans attendre l’usure complète et le bris. Ainsi, je peux programmer la réparation pendant le quart de nuit et optimiser mes coûts d’intervention.
Est-ce qu’on est dans la science-fiction ou cela est-il déjà en cours ?
On est en constante évolution dans ce domaine, et les entreprises comme les consommateurs ont chacun leur rythme en matière d’appropriation. Les dernières enquêtes que nous avons menées au CEFRIO sur le sujet montrent que 48 % des entreprises au Québec manifestent un intérêt pour l’IDO. Du point de vue des consommateurs, ils sont 55 % à être enthousiastes et à vouloir que ces technologies soient intégrées de manière à rendre les maisons intelligentes (voir le graphique ci-contre). Aujourd’hui, 24 % d’entre eux ont déjà au moins un objet connecté, mais 15 % ont l’intention d’en acheter au moins un dans les douze prochains mois. On en est aux balbutiements, mais d’ici cinq à dix ans, le marché va exploser.
À propos du marché, est-ce un domaine dans lequel les entreprises québécoises ont la part belle ?
C’est certain que nous sommes très influencés par les grands joueurs ailleurs dans le monde. La Corée du Sud semble avoir pris un certain leadership en la matière. Mais le gouvernement provincial a investi pour créer un environnement d’affaires favorisant l’intégration de l’intelligence artificielle par les entreprises et les organismes du Québec. Nous avons des chercheurs à la fine pointe et des étudiants qui seront bientôt sur le marché du travail. Bref, tout le talent nécessaire pour développer des outils. Il n’est pas de notre intérêt de nous ramasser avec une technologie venue d’ailleurs. D’autant que beaucoup de solutions et de besoins sont très locaux.
Que voulez-vous dire ?
Il y a beaucoup de bienfaits sociétaux à attendre du développement de l’intelligence artificielle en général, et de l’IDO en particulier. Le maintien à domicile des personnes âgées via des capteurs permettant de transmettre des données aux proches aidants fera faire des économies aux gouvernements. Nous pourrons également faire des économies d’énergie avec les thermostats intelligents, et plus encore si le consommateur accepte que celui-ci soit modulé à distance par Hydro-Québec, qui pourra ainsi mieux gérer les pics de production. Les cours, au niveau primaire, secondaire et universitaire, mais aussi à destination des personnes immigrantes par exemple, pourront être totalement personnalisés, ce qui mènera à une accélération des apprentissages. Les besoins ne sont pas forcément les mêmes au Québec qu’ailleurs, car les problématiques diffèrent.
Vous évoquez la prise en main par Hydro-Québec de nos thermostats… pour le bien collectif puisqu’il s’agit d’économiser de l’énergie, donc, en fin de compte, de sauver la planète… mais n’est-ce pas très intrusif ?
On entre là dans le débat sur l’acceptabilité sociale. Jusqu’où est-ce que chacun de nous est prêt à partager ses données, et avec qui ? Il y a toujours les théories du complot qui ressurgissent. Que va-t-on faire avec toutes ces données ? D’un autre côté, on n’hésite plus à commander des fleurs en ligne, à télécharger une musique et même à dévoiler nos empreintes digitales à nos téléphones intelligents. Tout cela génère des données sur nous. Aussi, la très grande majorité de la population souhaiterait pouvoir traiter avec le gouvernement via le mobile et ne plus avoir à s’identifier chaque fois. Les consommateurs sont écartelés entre la peur et l’aspect pratique, sécurisant et divertissant des objets connectés. Mais ce qui est certain, c’est qu’ils devraient plus se protéger.
Encore plus avec les objets connectés ?
Les objets connectés génèrent des données en masse et comme chaque fois qu’une technologie est en développement, le pendant, c’est que des gens cherchent à la pirater. Les développeurs doivent donc réfléchir à des protocoles de sécurité, mais d’un autre côté, pour que l’intelligence artificielle soit la plus efficiente possible, il faut que les données demeurent libres. Le citoyen doit donc assumer une certaine vigilance. Avoir des mots de passe différents, les modifier, c’est la base. Le risque le plus grand, c’est l’usurpation d’identité. C’est un risque théorique tellement il est rare. Mais quand ça vous tombe dessus, c’est très pénible pour la victime.
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