Le Grand Nord: canari dans la mine

Catherine Couturier Collaboration spéciale
L’équipe qui étudie les plectrophanes en sortie dans la vallée du camp 1 sur l’île Bylot, à la recherche de nids.
Photo: David Gaspard CEN L’équipe qui étudie les plectrophanes en sortie dans la vallée du camp 1 sur l’île Bylot, à la recherche de nids.

Ce texte fait partie du cahier spécial Recherche universitaire

À l’heure des changements climatiques qui s’accélèrent, la recherche dans le Nord s’avère un précieux baromètre pour mieux comprendre les bouleversements à venir. Le Centre d’études nordiques est aux premières loges depuis 55 ans.

Le Centre d’études nordiques (CEN) est un centre interuniversitaire partagé entre l’Université Laval, l’Université du Québec à Rimouski et le Centre Eau, Terre et Environnement de l’Institut national de la recherche scientifique multidisciplinaire qui regroupe des biologistes, des géographes, des géologues, des ingénieurs et autres spécialistes de l’environnement. « Le CEN est un centre très diversifié », nous dit à l’autre bout du fil Gilles Gauthier, directeur scientifique.

« J’ai connu le CEN comme étudiant au baccalauréat à Laval et j’en suis membre depuis que je suis jeune professeur. J’ai vécu plusieurs moutures ! » raconte Michel Allard, professeur de géographie à l’Université Laval. Aujourd’hui, le Centre compte 300 membres (chercheurs, étudiants des cycles supérieurs, professionnels de recherche, stagiaires, etc.) et plusieurs infrastructures de recherche.

Fonte du pergélisol

 

Les recherches du CEN s’intéressent aux impacts concrets des changements de l’environnement sur les communautés nordiques. « Un exemple de suivi qui se fait par nos chercheurs est celui de la fonte du pergélisol », illustre Gilles Gauthier. Cette fonte a une foule d’impacts, dont plusieurs sur l’aménagement des habitations et des infrastructures. Ceux sur les pistes d’atterrissage ne sont pas à négliger. « Il ne faut pas oublier qu’il n’y a pas de route qui relie les villages du Nunavik », ajoute Michel Allard. Les aéroports sont donc un lien crucial entre les communautés isolées.

Photo: Andréanne Beardsell CEN Vallée des hoodoos, île Bylot

Les chercheurs du CEN surveillent ainsi l’évolution des conséquences de la fonte du pergélisol sur les pistes, pour pouvoir atténuer leurs effets. La communauté d’Iqaluit, plaque tournante au Nunavut, a d’ailleurs récemment demandé aux chercheurs du CEN de se pencher sur ce problème en vue de la rénovation de leur aéroport.

Travailler main dans la main

 

Par ailleurs, le temps des recherches en vase clos par des chercheurs venus du « Sud » est révolu, affirme Michel Allard : « Les gouvernements autochtones, au Québec, au Labrador ou au Nunavut, veulent être partenaires et avoir un mot à dire dans la définition des priorités de recherche. » Les communautés souhaitent que les études aient des retombées positives localement, le tout évidemment dans le respect de leur culture. « Ils veulent qu’on écoute ce qu’ils ont à dire », poursuit le géographe qui travaille en collaboration avec les communautés nordiques depuis le milieu des années 1980.

Des Inuits du Nunavut voudraient par exemple savoir si les œufs sauvages qu’ils récoltent à l’île Bylot contiennent des contaminants. « Les contaminants restent un sujet préoccupant pour les communautés dans le Nord, surtout par rapport au développement et aux phénomènes naturels qui peuvent contribuer à leur augmentation », explique Gilles Gauthier qui est lui-même biologiste et spécialiste de la faune nordique.

Photo: Andréanne Beardsell CEN Camp principal de la station de recherche du Centre d’études nordiques à l’île Bylot

Les collaborations avec les communautés locales se font également du côté de la formation. La nouvelle station de recherche du CEN à Kangiqsualujjuaq est ainsi en partie gérée par les Inuits, et des professionnels locaux ont été formés. « Nous y faisons la surveillance de la qualité de l’eau potable, qui pourrait être affectée par le dégel du pergélisol, et par les futurs développements miniers », résume Gilles Gauthier.

Recherche coûteuse, mais essentielle

 

Faire de la recherche dans le Nord n’est pas une mince affaire. « Ça coûte très cher. Juste pour s’y rendre en avion, c’est 2 ou 3 fois plus coûteux que d’aller en Europe », rappelle le professeur Allard. S’ajoutent ensuite les coûts de la vie, de l’équipement, des déplacements sur place. LE CEN met à la disposition de ses quelque 70 chercheurs plusieurs infrastructures, dont des stations de recherche basées dans des villages nordiques, des laboratoires spécialisés, de l’équipement et des professionnels de recherche.

Mais le financement de la recherche dans le Nord est présentement en transition, affirme Gilles Gauthier : « On a eu quelques belles années, mais on est un peu en période de flottement, autant du côté du fédéral que du provincial. » Or, l’étude des changements que subit le Nord est aussi bénéfique pour le reste du Québec. « Ça dépasse largement l’impact sur la vie des gens du Nord, explique M. Gauthier. La fonte du pergélisol affecte par exemple le relâchement des gaz à effet de serre qui ont à leur tour des impacts directs sur le climat, et crée des mares et de l’activité microbiennes. »

« Le Nord, la toundra, le désert arctique sont immenses… conclut pour sa part Michel Allard. C’est un écosystème dont la planète a besoin. On ne peut pas passer à côté. »

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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