Le papillon monarque reprend son envol

Des monarques dans le sanctuaire mexicain
Photo: Marco Ugarte Associated Press Des monarques dans le sanctuaire mexicain

Un nombre record de papillons monarques en dormance a été observé dans les États mexicains de Michoacàn et de Mexico en décembre et en janvier derniers.

Ces migrateurs en provenance du Canada et des États-Unis occupent cette année une superficie 144 % plus grande que celle de l’an dernier, a annoncé mercredi le commissaire de la Comisión Nacional de Áreas Naturales Protegidas (CONANP) dans le cadre de la réunion trinationale scientifique sur le monarque qui a lieu en ce moment à Mexico.

Les chercheurs ont relevé, de la deuxième moitié de décembre 2018 jusqu’à la troisième semaine de janvier 2019, la présence de monarques sur une superficie de 6,05 hectares de forêts, ce qui représente la plus grande surface d’occupation enregistrée depuis 2006-2007, année où l’aire d’hivernage en territoire mexicain s’élevait à 6,87 hectares. Depuis cet hiver 2006-2007, la population n’avait cessé de baisser, atteignant un creux historique en 2013-2014 avec 0,67 hectare, soit la plus faible superficie enregistrée depuis qu’a débuté la surveillance de ce papillon en 1993-1994.

« Au cours des deux derniers étés, nous avions observé que le nombre de chenilles avait doublé sur le terrain au Canada et dans le nord des États-Unis, ce qui témoignait du succès de leur reproduction. Or, ce succès s’est reflété dans les populations d’hivernage, c’est une excellente nouvelle ! » a lancé au téléphone, depuis Mexico, Maxim Larrivée, chef des collections entomologiques et de la recherche à l’Insectarium de Montréal.

« Cette excellente nouvelle nous laisse croire que les monarques tirent profit de tous les efforts de conservation que nous sommes en train de mettre sur pied au Canada, aux États-Unis et au Mexique.

« La recherche scientifique nous a montré que le seul scénario viable à long terme est que toutes les parties prenantes mettent la main à la pâte pour que la population atteigne un niveau où elle entrerait en résilience et qui lui permettrait de résister aux pressions environnementales qui se sont exacerbées au cours des deux dernières décennies », a-t-il souligné.

Le comité scientifique trinational de la Commission de coopération environnementale avait déterminé il y a cinq ans que pour éliminer le risque d’extinction du phénomène migratoire, les colonies de monarques en hivernage dans les forêts montagneuses du Mexique devaient augmenter leur superficie d’occupation à une moyenne annuelle de six hectares.

« On a enfin atteint ce seuil critique de six hectares pour la première fois depuis l’hiver 2006-2007. Si la taille de la population se maintient à moyen et long termes, celle-ci augmentera sa résilience. C’est le premier pas dans la bonne direction. Mais avant que l’on puisse parler d’une success story, il faudra attendre encore quelques années afin de voir si la population va se maintenir ou continuer de croître. Dans cinq à dix ans, on pourra parler d’une histoire similaire à celle de certaines espèces d’oiseaux, comme le faucon pèlerin, qui a pu être retiré de la liste des espèces menacées à la suite de l’interdiction du DDT, [un pesticide organochloré qui intoxiquait ces oiseaux] », fait remarquer M. Larrivée.

On s’entend pour dire que les étoiles étaient bien alignées cette année!

Conditions parfaites

Quels sont les facteurs responsables de l’augmentation observée ? Ils sont en fait principalement climatiques.

« Au cours de la dernière année, les régimes de température dans les sites d’hivernage ont permis une meilleure survie. Puis, les papillons ont connu des conditions printanières parfaites qui ont été favorables à leur reproduction. Ensuite, des conditions chaudes et humides durant l’été ont permis un excellent succès de reproduction. Et finalement, les papillons ont réussi à se rendre au Mexique sans encombre. On s’entend pour dire que les étoiles étaient bien alignées cette année ! » affirme l’entomologiste.

« Bien sûr, nous n’avons pas de contrôle sur le climat, mais on peut soutenir la population migratrice à travers des efforts de conservation afin d’assurer une meilleure migration. Il est certain que les efforts de conservation et de restauration des habitats lors de la migration ont contribué à augmenter les taux de succès de reproduction chez les migrateurs, même si on ne peut pas encore quantifier précisément leurs retombées », ajoute-t-il.

Un autre facteur qui s’est avéré bénéfique est le fait que la détérioration des forêts d’oyamels, un pin typique des forêts mexicaines situées en altitude, a diminué de 57,6 % en 2017-2018 par rapport à l’année précédente.

Cette réduction a été rendue possible « grâce à des efforts de suivi et de contrôle de la déforestation illégale, notamment par de meilleures mesures de délimitation des territoires d’hivernage. Aussi, on a mieux outillé les peuples indigènes qui vivent autour des sites d’hivernage en leur donnant du travail durable afin de les détourner d’activités susceptibles d’entraîner la déforestation », précise M. Larrivée.

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