L’ibuprofène diminue la fertilité future des filles

Une nouvelle étude démontre les effets délétères de la consommation d’ibuprofène durant les trois premiers mois de la grossesse. Cet analgésique réduirait la réserve d’ovules présents dans les ovaires des foetus femelles.
Malgré les recommandations adressées aux femmes enceintes de ne pas consommer d’ibuprofène durant la grossesse, des études épidémiologiques ont montré qu’elles sont nombreuses à l’utiliser, et ce, notamment au premier trimestre de leur grossesse.
« Parfois, il leur a été prescrit pour des inflammations très douloureuses, car il s’agit d’un anti-inflammatoire non stéroïdien [AINS].
« Mais le plus souvent, ce sont des femmes qui y ont recours à un moment où leur grossesse n’a pas encore été révélée, ou parce qu’elles souffrent de maux associés à la grossesse et auxquels elles ne sont pas habituées, comme la migraine ophtalmique, qui découle souvent des changements hormonaux survenant durant la grossesse », explique Séverine Mazaud-Guittot, de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) à l’Université de Rennes, en France.
Jusqu’à maintenant, l’ibuprofène était surtout contre-indiqué au troisième trimestre de la grossesse, parce qu’il peut alors entraîner la mort du foetus. Mais on manquait de données sur les effets de l’ibuprofène au cours des premier et deuxième trimestres de la grossesse.
Perturbateur
L’équipe de l’INSERM a d’abord étudié les effets de l’ibuprofène sur les foetus humains masculins et a observé que cet antalgique agit comme un perturbateur endocrinien qui modifie les hormones sécrétées par les testicules.
« La prise d’ibuprofène durant le premier trimestre de la grossesse peut empêcher la descente des testicules (cryptorchidie) et des malformations des voies génitales, dont une fermeture anormale du pénis (hypospadias) chez les petits garçons à la naissance », souligne la chercheuse.
À ce stade de la gestation, l’ovaire fabrique son stock d’ovules pour la vie
Ces résultats ont incité les chercheurs à vérifier l’effet de l’ibuprofène chez les foetus féminins. Pour ce faire, ils ont recueilli 185 foetus humains âgés de 7 à 12 semaines lors d’interruptions volontaires de grossesse subies par des femmes qui avaient donné leur consentement. Ils ont ensuite déposé les fragments d’ovaires d’un même foetus sur deux milieux de culture, l’un contenant des concentrations d’ibuprofène semblables à celles que peuvent consommer les femmes enceintes, et l’autre servant de contrôles.
« À ce stade de la gestation, l’ovaire fabrique son stock d’ovules pour la vie. Les cellules de l’ovaire prolifèrent, se multiplient et sont en train de fabriquer tous les ovules dont la femme disposera au cours de sa vie fertile. À la fin du deuxième trimestre, tous ses ovules sont formés », explique la scientifique.
Nombre réduit de moitié
Les chercheurs ont observé que les fragments d’ovaires exposés à l’ibuprofène pendant sept jours comptaient la moitié moins de cellules que ceux se trouvant dans des conditions contrôles.
Même une exposition de deux jours à l’ibuprofène induisait « beaucoup de morts cellulaires ». Et au cours des cinq jours suivants durant lesquels on remettait l’ovaire dans des conditions témoins, l’organe ne recouvrait pas complètement son intégrité, « et on continuait d’observer énormément de morts cellulaires. C’est comme s’il restait des séquelles de l’exposition », indique Mme Mazaud-Gillot.
« On ne peut pas encore prédire à quel point l’ovaire va pouvoir récupérer, car la technique ne nous permettait pas de garder les tissus sains en culture plus longtemps.
« De plus, on ne peut pas affirmer que cette réduction du nombre d’ovules dans l’ovaire foetal aura des effets sur la fertilité à l’âge adulte, car il faudrait suivre ces femmes durant toute leur vie », affirme la chercheuse.
Chose certaine, « notre étude vient corroborer les recommandations de ne pas utiliser l’ibuprofène durant les deux premiers trimestres de la grossesse et d’utiliser plutôt l’acétaminophène », dit-elle.