La chercheuse Sylvia Santosa explore la face cachée de l’obésité

La professeure Sylvia Santosa
Photo: Pedro Ruiz Le Devoir La professeure Sylvia Santosa

Prenez deux personnes obèses identiques. Même poids, même taille, même sexe. « Une des deux personnes sera victime d’une crise cardiaque et l’autre non. Pourquoi ? », lance Sylvia Santosa, professeure au Département de la science de l’exercice de l’Université Concordia, qui tente de mieux comprendre l’obésité pour améliorer la lutte contre ce fléau devenu mondial.

On sait depuis plusieurs années que l’obésité représente un problème de santé publique grave et qu’elle est liée à l’apparition de maladies chroniques, comme le diabète ou des maladies cardiovasculaires, mais la science ne permet pas encore d’expliquer pourquoi les symptômes varient selon les personnes. Et c’est ce que tente d’éclaircir Mme Santosa en travaillant sur plusieurs fronts.

« Je veux comprendre ce qui explique l’apparition de maladies chroniques chez certaines personnes et pas chez d’autres, résume cette chercheuse spécialisée en nutrition. Notre objectif principal est de déterminer ce qui rend l’obésité des adultes différente et de trouver comment nous pouvons tenir compte de ces différences pour privilégier les meilleurs traitements. »

Constats à éclaircir

Les recherches récentes sur l’obésité ont par exemple démontré que le gras accumulé dans le haut du corps, près des organes vitaux, est plus susceptible de provoquer des maladies, explique Mme Santosa. On sait également que les personnes obèses depuis l’enfance sont plus à risque que celles qui le deviennent plus tard dans leur vie, ajoute-t-elle.

Il est par ailleurs difficile pour une personne obèse de maintenir un poids santé après avoir perdu plusieurs livres, note la professeure. « Chez la personne qui a déjà été obèse, il existe des différences métaboliques qui peuvent la prédisposer à reprendre du poids en mangeant la même chose qu’une personne non obèse, mais on ne sait pas encore lesquelles exactement. »

Dans le cadre de leurs travaux, ses collègues et elle analysent donc les tissus et le sang des personnes obèses ou en surpoids pour tenter d’établir un lien entre certaines caractéristiques physiologiques et l’apparition de maladies.

Problème mondial

 

À 38 ans, Sylvia Santosa a sans aucun doute choisi un champ de recherche déterminant pour les années à venir. Une étude publiée cette année dans la revue médicale New England Journal of Medicine a révélé que le nombre de personnes obèses a plus que doublé dans 73 pays depuis 1980.

Les Centres de contrôle et de prévention des maladies, qui forment l’agence américaine chargée de la santé publique, ont pour leur part conclu dans un rapport dévoilé au début du mois d’octobre qu’environ 40 % des cancers détectés aux États-Unis en 2014 étaient liés au surpoids ou à l’obésité.

Au Canada, un peu plus de 60 % de la population est en surpoids et près du quart souffre d’obésité, selon les plus récentes données de Statistique Canada. On parle de surpoids lorsque l’indice de masse corporelle — le poids divisé par la taille au carré — atteint ou dépasse 25, et d’obésité lorsque qu’il est supérieur à 30.

Responsabilité partagée

 

À l’heure actuelle, il existe essentiellement trois traitements pour les personnes obèses : l’adoption d’un régime alimentaire, l’exercice physique et la chirurgie bariatrique dans le cas de l’obésité morbide. Cette intervention chirurgicale consiste à réduire la taille de l’estomac.

Sylvia Santosa espère que ses recherches permettront d’offrir aux patients des solutions plus ciblées, qui tiennent compte de leur condition physique. Elle souhaite également développer un guide nutritionnel pour les personnes qui viennent de subir une chirurgie bariatrique. « Les preuves scientifiques concernant ce qu’il faut consommer après l’opération ne sont pas très solides, dit-elle. Nous voulons contribuer à trouver des réponses. »

La professeure ne croit malheureusement pas que la croissance effrénée du taux d’obésité à travers le monde soit sur le point de s’arrêter. « Pour assister à une diminution, je pense que nous avons besoin d’une intervention à grande échelle », souligne-t-elle, en évoquant l’importance d’aménager des parcs pour promouvoir l’activité physique ou d’assurer la présence de services de proximité pour permettre l’adoption d’une saine alimentation.

« Parfois, les gens n’ont pas le choix. Si vous vous demandez comment vous allez payer le loyer du prochain mois, l’alimentation risque d’être l’une de vos dernières préoccupations », déplore-t-elle.

Et à la question que bien des gens se posent, la chercheuse a une réponse simple. Quel est le meilleur régime à adopter ? « Le meilleur régime qu’une personne peut suivre est celui qu’elle peut respecter à long terme », affirme-t-elle, en soulignant qu’il vaut parfois mieux limiter sa consommation d’aliments sucrés ou gras plutôt que de les bannir de son alimentation.

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