L’obésité, un problème de comportement

Une étude tend à démontrer que le système d’autorégulation des personnes en surpoids ou obèses est déficient.
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir Une étude tend à démontrer que le système d’autorégulation des personnes en surpoids ou obèses est déficient.

Les régions du cerveau impliquées dans l’autorégulation du comportement seraient moins actives chez les adolescents prédisposés à l’obésité, ont découvert des chercheurs états-uniens. Cette observation qui confirme qu’une grande part de l’obésité résulte du comportement devrait permettre l’élaboration de nouvelles interventions pour traiter et prévenir l’obésité, dont sont atteints plus de 6 % des jeunes Québécois âgés de 12 à 17 ans.

Les chercheurs ont effectué cette observation lorsqu’ils ont soumis 36 adolescents new-yorkais à une imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) — qui nous renseigne sur le niveau d’activité des différentes régions du cerveau — pendant qu’on leur présentait des mots associés à des aliments de restauration rapide, comme « frites », à des aliments santé et faibles en gras, comme « choux de Bruxelles », et à des objets sans aucun lien avec la nourriture. Parmi ces adolescents âgés de 14 à 19 ans, 10 étaient en surpoids ou obèses, 16 étaient minces mais considérés comme à risque d’obésité parce que leur mère faisait de l’embonpoint ou était obèse, et 10 autres étaient minces et couraient peu de risque de devenir obèses, car leur mère était mince également. Les participants devaient également évaluer leur appétit en réponse à chacun de ces mots. Après cet examen, un buffet incluant des aliments pauvres et riches en calories a été offert à tous les participants pour voir si leur réponse cérébrale correspondait à leur comportement dans la vraie vie.

Les chercheurs ont alors remarqué que les mots associés à des aliments induisaient une activation des régions du cerveau impliquées dans les émotions et le système de la récompense chez tous les sujets. Cela signifie en quelque sorte que « tous les adolescents voient leur système de la récompense s’activer quand ils pensent à une belle pizza. Chez tout le monde, la nourriture stimule l’appétit », explique Susan Carnell, professeure au Département de psychiatrie et de sciences comportementales de la Johns Hopkins University School of Medicine.

Par contre, les structures cérébrales responsables de l’attention et de l’autorégulation étaient nettement moins activées chez les adolescents en surpoids particulièrement, et chez ceux qui étaient maigres mais prédisposés à l’obésité en raison de leur histoire familiale, à un moindre degré, que chez les minces ayant peu de risque de grossir et chez lesquels l’activation était la plus élevée. De plus, les comportements des différents adolescents face au buffet offert reflétaient bien ces derniers résultats obtenus par l’IRM puisque les participants obèses ou en surpoids étaient ceux qui mangeaient le plus, suivis de ceux qui, malgré leur taille fine, étaient à risque de devenir obèses, tandis que les adolescents de petite constitution et exempts de prédisposition familiale étaient ceux qui mangeaient le moins.

« L’autorégulation est un processus cognitif, une sorte d’effort conscient qui peut mener à la décision de ne pas manger, explique Mme Carnell, qui est l’auteure principale de l’article rapportant les résultats de cette étude dans la revue NeuroImage. Le circuit de l’autorégulation intervient aussi dans des tâches qui ne sont pas reliées à l’alimentation où il exerce une réponse inhibitrice. Il ressemble à un système de freins qui, chez les personnes prédisposées à l’obésité, est moins puissant. »

« Cette étude montre que le risque de devenir obèse n’est pas exclusivement induit par l’absence ou la présence d’envies de manger des aliments hautement caloriques, mais aussi, et peut-être de façon encore plus prégnante, par la capacité de contrôler ces envies », ajoute Bradley Peterson, professeur à la Keck School of Medicine de la University of Southern California, et coauteur de l’article.

« L’obésité n’est pas une maladie psychologique, mais elle est néanmoins le résultat du comportement. Une grande part du moins découle du comportement », ajoute Mme Carnell.

Selon les chercheurs qui ont mené cette étude, cette découverte offre une nouvelle cible à viser pour prévenir et traiter l’obésité, étant donné que les interventions classiques centrées sur le régime alimentaire et l’exercice physique ne sont pas très fructueuses. « Si on ne fait que de la prévention par l’éducation en disant que les frites ne sont pas saines parce qu’elles renferment beaucoup de gras, et qu’il faut faire plus d’exercice, cela ne vous aidera pas nécessairement à adopter le comportement qu’il faudrait. Mais en reconnaissant que l’autorégulation peut vous faire agir différemment, vous saurez que vous devez éviter les endroits où on trouve des frites parce que vous ne pourrez résister à l’envie d’en manger en raison de votre manque d’autorégulation », fait remarquer Mme Carnell.

Les personnes prédisposées à l’obésité et dont le système d’autorégulation est déficient devraient « essayer de retenir leur réponse spontanée face à l’aliment convoité en faisant justement appel à leur système d’autorégulation », recommande la chercheuse. « Si cela est trop difficile, elles pourront essayer de contrôler un peu plus leur environnement, et dans ce cas, elles n’auront pas besoin d’activer leur système d’autorégulation. Par exemple, si vous trouvez ça difficile quand vous pensez à des frites ou à des croustilles, vous faites en sorte de ne pas en avoir dans la maison. Par ailleurs, si vous choisissez d’aller que dans les restaurants qui offrent uniquement des mets santé, vous n’aurez ainsi pas besoin de solliciter votre système d’autorégulation. Dans les restaurants servant toutes sortes de mets, il faudra se concentrer sur les plats santé, comme les salades ; cela évitera de devoir mettre en action votre système d’autorégulation. »

Les personnes obèses ou à risque de le devenir doivent essayer différentes méthodes et adopter celle qui fonctionnera le mieux pour elles, conclut la scientifique.

À voir en vidéo