Disparition du Dr Mark Wainberg, un pionnier dans la lutte contre le VIH/sida

Le Dr Mark Wainberg, pionnier en recherche sur le VIH/sida et grand défenseur des droits des homosexuels et des malades, est décédé mardi à l’âge de 71 ans. Il s’est noyé au large de Bal Harbour, en Floride, alors qu’il se baignait en compagnie de son fils et de son petit-fils.
« Jeudi soir dernier, il présidait l’ouverture du 26e congrès annuel canadien de recherche sur le VIH/sida, qui avait lieu à l’Hôtel Bonaventure à Montréal. En pleine forme, il a alors plaisanté sur son âge et sur le fait qu’il était le chercheur le plus vieux présent dans la salle. Il a fait rire les auditeurs en disant qu’il poursuivait toujours sa recherche pour éviter à un autre d’être le plus vieux », a relaté sous le choc le Dr Jean-Pierre Routy, spécialiste du VIH/sida au Centre universitaire de santé McGill.
Directeur d’une équipe de recherche en virologie à l’Hôpital général juif de Montréal, le Dr Wainberg a participé en 1989 à la découverte du 3TC, le deuxième médicament antirétroviral, après l’AZT, qui s’est avéré efficace pour combattre le VIH.
« La combinaison du 3TC à l’AZT a permis d’apporter un gain de survie important. Ce fut un grand progrès et le premier pas vers la trithérapie. Le 3TC est beaucoup moins toxique que l’AZT et n’induit quasiment aucun effet secondaire », a rappelé le Dr Routy. Le 3TC est encore utilisé aujourd’hui partout dans le monde comme composant de la trithérapie.
Politicien et humaniste
Après cette découverte, le Dr Wainberg s’est attaqué à la résistance que le VIH développait à ces deux médicaments.
« Il a observé que le virus acquérait une mutation quand il était exposé au 3TC. Cette mutation produit des virus plus faibles qui ont une capacité moindre de se multiplier et de tuer les cellules, ce qui permet une diminution du nombre de virus dans le sang », explique le Dr Routy.
« Cet éminent virologue aurait pu demeurer terré dans son laboratoire, mais non, il a aussi étéun grand politicien et un humaniste. Il s’est battu pour que les malades de tous les pays, et particulièrement ceux d’Afrique, aient accès aux médicaments qu’on venait de découvrir. Il s’est efforcé de convaincre les décideurs politiques, les membres de l’ONU et l’OMS qui préféraient miser sur la prévention compte tenu de la résistance aux médicaments. Et il a eu raison, car,quand on traitait les personnes infectées, la présence du virus diminuait tellement qu’elles ne le transmettaient plus à d’autres, et la mortalité a énormément diminué », a-t-il précisé.
L’Afrique
Quand il fut président de l’Association internationale du sida, de 1998 à 2000, le Dr Wainberg a insisté pour que la conférence internationale sur le VIH/sida se tienne en Afrique, soit au coeur de l’épidémie. Le fait que le congrès ait lieu à Durban, en Afrique du Sud, « a orienté les projecteurs sur la progression de la maladie sur ce continent, ce qui a finalement permis d’offrir les traitements aux Africains », a souligné le Dr Réjean Thomas, fondateur de la clinique L’Actuel.
« Il était très apprécié des malades, car il a défendu férocement les droits de la personne. Il a lutté contre la discrimination [envers les homosexuels]. Cet homme blanc et hétérosexuel était si proche de la communauté gaie et des Africains ! » a déclaré le Dr Thomas.
Chercheur grandement respecté partout et par les plus grands de ce monde, il était « d’une grande humilité et simplicité ». « Très francophile, il était très fier d’être Québécois. »