L’enflure bien de chez nous

Tandis que le Japon se demande si le dernier séisme en date créera un tsunami, des bandeaux défilent sur les écrans d’ici annonçant une forme cotonneuse d’apocalypse : « Une bombe météo attendue au Québec. » Il n’y a pas que les vents pour se déchaîner à quelques heures d’une tempête de neige.
Pourquoi parler « d’hécatombe sur les routes » alors que la Sûreté du Québec (SQ) ne rapporte aucun accident mortel ? Et de paralysie du centre-ville alors que la circulation n’est pas interrompue ? « On travaille avec des superlatifs très forts, et l’émotivité devient le principal moteur d’intérêt pour décrire une situation à laquelle on est pourtant habitués », suggère Jean-François Dumas, président d’Influence Communication.
Le Québec est l’endroit au Canada où la tempête de neige se transforme le plus largement en tempête médiatique : la couverture de la météo est 47 % plus élevée qu’ailleurs au pays. Dans les trois derniers jours, elle a représenté entre 5 et 7 % de tout le contenu, précise M. Dumas.
Robert Michaud, météorologue chez Environnement Canada, concède « qu’il y a eu beaucoup de verbes et de mots utilisés hors de notre contrôle ». Il ne nie pas les impacts du système qui vient de passer sur le territoire, surtout à l’est de la province, mais le range dans les faits « pas du tout inusités ». « Il s’agit d’une des trois ou quatre tempêtes majeures qui touchent chaque année le Québec », nuance-t-il.
La « bombe météo » existe bel et bien dans leur vocabulaire pour désigner des systèmes météorologiques qui se développent rapidement, comme une baisse de pression atmosphérique forte et soudaine.
Les mots d’Environnement Canada — l’une des principales sources pour les médias — sont cependant rigoureusement sélectionnés selon des critères prédéterminés. Un « avertissement de neige » est par exemple déclenché lorsque 15 centimètres sont prévus en moins de 12 heures.
« Globalement, les principaux vecteurs d’intérêt au Québec, c’est ce qui se passe dans notre cour. Notre écosystème médiatique est comme celui d’une petite région centrée sur elle-même et ce qui touche le citoyen », raille M. Dumas. C’est la peur qui fait vendre en 2016, note-t-il, et la dramatisation météo en fait partie. Ce qui ne l’empêche pas de rigoler : « Avec la course à l’exclusivité, ça ne m’étonnerait pas de voir bientôt un bulletin météo exclusif. »