Le défi des toilettes spatiales

La NASA devrait trouver d’ici peu un moyen sécuritaire de soulager de leurs besoins naturels les astronautes enfermés dans leur scaphandre pendant plusieurs jours d’affilée. La solution pour résoudre ce problème d’une importance vitale pourrait figurer parmi les concepts qui lui ont été suggérés par le grand public, dans le cadre d’un appel aux propositions qui a été lancé le 11 octobre dernier.
Alors qu’il est d’une grande simplicité d’aller aux toilettes sur Terre, la démarche s’avère nettement plus complexe dans l’espace. Les astronautes qui séjournent dans la Station spatiale internationale (SSI) doivent au préalable s’entraîner à réaliser cette manoeuvre pour le moins délicate. Car, rappelons-le, les liquides et les solides se trouvant en micropesanteur flottent dans l’espace. Les liquides ont également tendance à s’accrocher à la surface la plus près, en raison de leur tension superficielle. « L’eau, par exemple, adhère plus à la peau que normalement, en raison de l’absence de gravité pour contrecarrer la force de cohésion interne du liquide, ce qui fait qu’elle ressemble à de la gélatine qui se colle à la peau », explique David Saint-Jacques, médecin à l’Agence spatiale canadienne.
« Comme il n’y a pas la gravité pour éloigner l’urine et les excréments de notre corps comme sur la Terre, on a recours à la succion. Les hommes urinent directement dans un tuyau d’aspirateur et les dames ont droit à un adaptateur en forme d’entonnoir », précise-t-il. Pour déféquer, l’astronaute doit s’asseoir — voire s’attacher — sur une petite cuvette de toilette très étanche qui aspire les selles.

Ça se recycle
Un flux d’air plutôt qu’une chasse d’eau permet d’évacuer les déchets liquides et solides. L’urine est ainsi acheminée dans un réservoir, où elle est mélangée aux eaux usées, dont les condensats générés par la climatisation (c’est-à-dire l’eau résultant de la condensation de la vapeur contenue dans l’air lorsque ce dernier passe dans le climatiseur). Un procédé très sophistiqué de filtration et de purification permet de retirer de ce mélange de liquides une eau potable, une eau même plus pure que celle que nous buvons quotidiennement. « Cette technologie du recyclage de l’eau est utilisée dans les camps de réfugiés des missions humanitaires », souligne M. Saint-Jacques.
« On n’a pas encore trouvé un moyen de recycler les excréments, qui sont compressés dans un petit contenant. Chaque mois, une capsule cargo automatisée vient ravitailler les membres de la SSI. Une fois déchargée, la capsule est remplie des déchets générés dans la station et est ensuite rejetée dans l’atmosphère terrestre où elle brûle, comme une étoile filante ! », fait savoir le Dr Saint-Jacques.
Mais, quand ils doivent revêtir leur combinaison spatiale pressurisée lors du lancement vers la Station spatiale et le retour sur la Terre, ainsi que lors de leurs sorties dans l’espace, les astronautes n’ont pas d’autre choix que de porter une couche pour parer aux irrépressibles petite et grosse commissions. Même si ces couches sont extrêmement absorbantes, elles ne constituent qu’une solution temporaire pour tout au plus une journée. Que faire, donc, pour les situations d’urgence qui pourraient se prolonger plusieurs jours ou celles des futures missions de longue distance, comme des voyages interplanétaires ?
Réflexion lancée
La NASA cherche la solution, mais, pour s’aider, elle a fait appel récemment aux idées du public en lançant le Space Poop Challenge. Le défi consiste à concevoir un système de collecte et d’élimination de l’urine, des selles et du flux menstruel qui soit intégré à la combinaison spatiale et qui serait en mesure de fonctionner pendant 144 heures, soit six jours consécutifs. Le défi est de taille, car, lorsqu’ils sont dans leur scaphandre pressurisé et hermétique, les astronautes ne peuvent se servir de leurs mains, et ce, même pour se gratter le nez !
Le système devra faire en sorte que ces liquides et solides contaminés ne restent pas en contact avec la peau de l’astronaute, car ils pourraient induire rapidement un érythème fessier qui, s’il n’est pas traité, peut se transformer en infection. Le dispositif devra également empêcher toute introduction de ces matières solides et liquides dans l’urètre ou le vagin, où ils pourraient induire une infection urinaire ou une infection vaginale.
La solution devra être en mesure de collecter jusqu’à un litre d’urine, 75 grammes et un volume de 75 ml de matières fécales, ainsi que 80 ml d’écoulement menstruel par jour par membre d’équipage, et ce, pour un total de six jours. Ces excrétions pourront être évacuées soit à l’extérieur du scaphandre, soit à l’intérieur mais dans un compartiment isolé.
La solution retenue ne devra pas nuire au confort de l’astronaute quand il se déplace, quand il se penche, quand il doit se faufiler dans des lieux étroits, quand il est assis et quand sa ceinture de sécurité est bouclée.
Le dispositif pourra aussi être alimenté par une petite source d’énergie d’au plus 28 volts fournissant un courant de moins de 100 milliampères.
Le système devra pouvoir être installé en moins de cinq minutes, avant ou pendant que l’astronaute enfile sa combinaison spatiale, et être facile à utiliser.
La NASA offrira 30 000 $ pour les trois solutions les plus prometteuses. Ces solutions devront aussi faire appel à des technologies relativement accessibles, afin qu’elles puissent être testées d’ici un an et mises en oeuvre dans les trois prochaines années.
L’appel aux propositions s’est terminé le 20 décembre dernier. Reste maintenant à examiner les idées suggérées et à les expérimenter !