Un nouvel espoir de prévenir la rétinopathie

Aux premiers stades de la rétinopathie diabétique, les patients ont une vision un peu embrouillée.
Photo: iStock Aux premiers stades de la rétinopathie diabétique, les patients ont une vision un peu embrouillée.

La plupart des diabétiques risquent un jour ou l’autre de souffrir de rétinopathie diabétique, une maladie de l’oeil susceptible d’aboutir à la cécité. Actuellement, un demi-million de Canadiens sont atteints de cette maladie oculaire, dont l’incidence devrait doubler d’ici les 15 prochaines années en raison de l’épidémie de diabète. Or, une découverte effectuée à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont permet d’espérer un traitement efficace de cette maladie incurable.

La rétinopathie diabétique est la complication la plus fréquente du diabète. Les personnes atteintes de diabète de type 1, appelé diabète juvénile, ont 90 % de risques d’en souffrir et les individus ayant développé un diabète de type 2 en raison de surpoids ont quant à eux de 50 à 60 % de risques d’en être atteints, rappelle Mike Sapieha, chercheur en ophtalmologie à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont.

Jusqu’à récemment, la meilleure façon de prévenir cette maladie oculaire consistait essentiellement à traiter adéquatement le diabète afin d’éviter les fluctuations du taux de sucre dans le sang, car des niveaux élevés de glucose finissent par induire la dégénérescence des vaisseaux sanguins, notamment les microvaisseaux qui irriguent la rétine de l’oeil et l’alimentent en nutriments et en oxygène. La rétine est cette membrane tapissant le fond de l’oeil qui capte les signaux lumineux et les transforme en impulsions nerveuses qui sont envoyées au cerveau. Véritable petit cerveau, la rétine est très énergivore, et c’est en partie pour cette raison que « les séquelles visuelles sont une des premières manifestations périphériques du diabète », souligne M. Sapieha.

Symptômes

 

Au début de la maladie, les patients ont une vision un peu embrouillée. En examinant le fond de l’oeil, l’ophtalmologiste remarquera que certains microvaisseaux se vident de leur contenu et que la rétine est plus épaisse que normalement. C’est ce qu’on appelle l’oedème maculaire diabétique. Puis, une fois que ces microvaisseaux ont complètement dégénéré, la rétine, alors privée de nutriments et d’oxygène, met en branle un programme de compensation visant à restaurer les systèmes d’approvisionnement. Ce programme implique la libération de facteurs de croissance qui induisent la formation de nouveaux vaisseaux sanguins. « Le problème est que cette revascularisation se fait de manière anarchique. Les nouveaux vaisseaux croissent dans des zones de l’oeil qui normalement ne sont pas irriguées », fait remarquer le scientifique.

Deux problèmes résultent de cette croissance anarchique. D’une part, les nouveaux vaisseaux sont souvent peu étanches et finissent par relarguer une bonne part du sang et d’autres fluides qu’ils contiennent dans l’oeil. D’autre part, en se contractant, ces nouveaux vaisseaux peuvent exercer une traction sur la rétine, qui est une couche mince et fragile de cellules nerveuses, et la décoller de l’oeil dans les pires cas, ce qui a pour conséquence de déconnecter définitivement les cellules nerveuses de la couche pigmentaire de l’oeil et d’induire une perte de vision dans les zones du décollement.

Mike Sapieha, son collègue Frédérick Mallette et la stagiaire postdoctorale Malika Oubaha ont voulu comprendre ce qui arrive au tissu nerveux rétinien juste avant qu’il ne déclenche cette croissance compensatoire et pathologique de vaisseaux. « On se disait qu’on pourrait peut-être intervenir sur ce processus afin de prévenir cette angiogenèse pathologique », explique M. Sapieha.

Lorsque les chercheurs ont examiné les neurones rétiniens de souris qui avaient perdu leur vascularisation, ils ont remarqué que ceux-ci ne mouraient pas et qu’ils enclenchaient une cascade d’événements moléculaires menant à « un processus de vieillissement prématuré », lors duquel les neurones produisaient « une série de facteurs inflammatoires qui induisent le recrutement de cellules du système immunitaire, telles que des macrophages, qui viennent nettoyer le tissu endommagé. Cette vague inflammatoire favorise ensuite l’angiogenèse pathologique », précise le biochimiste. Les chercheurs ont confirmé la présence de ces mêmes facteurs inflammatoires dans les yeux de patients atteints de rétinopathie diabétique.

Nouveaux traitements

 

Les scientifiques ont ensuite tenté de bloquer la cascade moléculaire conduisant à ce vieillissement prématuré à l’aide de la metformine, qui est le principal médicament utilisé dans le traitement du diabète, et d’une nouvelle molécule qu’ils ont créée et qui inhibe la sémaphorine 3A, qui favorise le vieillissement accéléré et est présente en grande concentration dans les yeux des diabétiques. Ils ont alors observé que ces deux molécules freinaient la formation de vaisseaux sanguins pathologique et favorisaient même une régénération de vaisseaux sanguins plus ordonnée. « Il s’agit d’une avenue prometteuse pour restaurer l’intégrité de la rétine, mais elle ne permet pas de guérir, car même s’il y a une réparation complète, le diabète continuera de générer le même problème au niveau de la rétine. De plus, il nous faudra vérifier que le même phénomène s’observe chez l’humain », prévient Mike Sapieha, qui travaille avec ses collègues sur cette nouvelle molécule, qui, si tout se confirme, sera préférable aux traitements actuels, qui sont bien imparfaits. Le plus populaire d’entre eux, la photocoagulation au laser, qui consiste à détruire à l’aide d’un laser les zones de la rétine qui ne sont plus vascularisées, « est très efficace, car les zones détruites cessent de produire les facteurs de croissance qui induisent la vascularisation pathologique, mais le patient perd la vision dans ces zones détruites ». Quant aux anti-VEGF (ou « anti-vascular-endothelial growth factor »), qui sont utilisés depuis quelques années, ils sont toxiques pour les cellules nerveuses de la rétine puisqu’ils bloquent le VEGF, qui est un facteur essentiel à leur survie.

Cette découverte très prometteuse est publiée dans la revue Science Translational Medicine.

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