Une passionnée de la biologie végétale

Réginald Harvey Collaboration spéciale
Anne Bruneau, professeure au Département de sciences biologiques de l’Université de Montréal
Photo: Seng Hok Ngo Anne Bruneau, professeure au Département de sciences biologiques de l’Université de Montréal

Ce texte fait partie du cahier spécial Sciences

Anne Bruneau consacre largement son existence professionnelle aux légumineuses : elle se passionne pour la systématique végétale qui sert, au bout du compte, à la classification de ces plantes. Directrice de l’Institut de recherche en biologie végétale, elle participe par l’ensemble de ses travaux, en ces temps de planète fragilisée, à la préservation de la biodiversité. Le prix Michel-Jurdant 2016 lui est attribué.

Anne Bruneau occupe les fonctions de professeur au Département de sciences biologiques de l’Université de Montréal (UdeM) depuis 1995. À titre de chercheuse, elle est aussi à la tête de l’Institut de recherche en biologie végétale (IRBV) depuis 2010 et elle est devenue directrice scientifique du Centre sur la biodiversité, inauguré en 2011. Avant d’en arriver là, elle a obtenu un baccalauréat en biologie de McGill, une maîtrise de l’Université du Connecticut en 1986, un doctorat de Cornell en 1993 et un postdoctorat de l’université Reading, en Angleterre, par la suite.

Toute jeune, elle se souvient et raconte qu’elle avait « des tantes avec lesquelles [elle] se promenai[t] dans le bois en cueillant des plantes et des champignons et en ramassant des petits fruits. L’intérêt pour les plantes a certainement commencé à ce moment-là ».

Et la voilà rendue à l’université McGill pour son baccalauréat en bio, où elle croise le professeur Martin Lechowicz, lui-même lauréat du prix de l’Acfas en 2006 : « J’ai beaucoup aimé travailler sur le terrain avec lui et ses équipes. » Elle fait aussi la rencontre déterminante de l’épouse de ce professeur, qui enseigne au même endroit : Marcia Waterway. « Elle était taxonomiste [spécialiste de la classification] et son travail a particulièrement retenu mon attention ; c’est pourquoi j’ai poursuivi dans ce domaine au Connecticut avec une personne pour laquelle j’ai toujours eu beaucoup de respect, Gregory Anderson. » Sa carrière de recherche en systématique débute à ce moment-là.

Par la suite, à Cornell, où elle fait son doctorat, elle se tourne vers les légumineuses, sur lesquelles elle se penchera tout au long de sa carrière : « Là-bas, j’ai poussé l’idée d’utiliser des outils génétiques pour bien comprendre leur évolution. » Elle profite d’une bourse pour stimuler les carrières en systématique et taxonomie pour terminer un postdoctorat à Reading, en Angleterre, ce qui marquera la fin de son parcours universitaire, durant lequel elle s’intéresse encore plus à fond aux légumineuses.

Dans le feu de l’action

Anne Bruneau amorce sa carrière il y a une vingtaine d’années à l’UdeM et son champ d’intérêt demeure centré sur cette catégorie de plantes : « Ces légumineuses sont la troisième plus importante famille de plantes à feuilles en termes de nombres et d’espèces et, sur le plan écologique, elles forment encore là une famille d’importance majeure : on retrouve ces espèces à travers tous les biomes partout dans le monde. »

Elles possèdent la propriété « de fixer l’azote et sont donc intéressantes pour l’environnement. » Elle les dépeint plus en détail : « De plus, c’est une famille qui fait preuve d’une adaptation spectaculaire sur le plan de la morphologie florale ; tout a été essayé de leur côté. »

Il y a chez ces plantes des lignées qui sont hautement spécialisées, comme celles des haricots et des petits pois, mais son équipe et elle se tournent plutôt vers les premières lignées « qui sont beaucoup plus diversifiées en matière d’évolution florale » : « On se penche sur celles-ci pour tenter de comprendre les grands patrons évolutifs du groupe. »

Et qu’en est-il des résultats obtenus ? « La famille était sous-divisée en trois sous-familles. L’an dernier, alors que j’étais en sabbatique, on est arrivé, en collaboration avec des chercheurs à travers le monde, à proposer une nouvelle classification pour les légumineuses qui reflète très bien l’histoire et les lignées naturelles évolutives ; chacune a un ancêtre commun et unique. »

Il en découle « qu’on propose donc six sous-familles plutôt que trois, ce qui est majeur parce que les sous-familles sont des groupes qui sont utilisés par les écologistes, par les gens en horticulture et en environnement ; les herbiers sont classifiés en utilisant ces groupes ».Un tel projet de recherche revêt une grande importance pour la chercheuse.

La « leader tranquille et efficace »

Anne Bruneau, une fois devenue directrice de l’Institut de recherche en biologie végétale (IRBV) en 1995, s’inspire d’une expérience vécue en Angleterre pour concocter un projet de Centre sur la biodiversité : « J’ai passé pas mal de temps au jardin botanique de Kew [Kew Royal Botanic Gardens], où ils possèdent un laboratoire de biologie moléculaire muni de grandes fenêtres qui donnent sur un jardin. »

Les chercheurs de l’IRVB travaillent pour leur part dans l’édifice datant de l’époque du frère Marie-Victorin, qui est situé au Jardin botanique ; elle déplore que l’herbier dont ils se servent soit logé au sous-sol de ce bâtiment : « C’était pour moi un non-sens d’avoir une collection qui échappait à la vue de tout le monde. Je me suis dit qu’on était au Jardin botanique de Montréal, un des plus importants au monde ; en même temps, j’avais l’impression que les gens ne savaient pas qu’on faisait de la recherche ici et que, au troisième étage de ce magnifique édifice-là, il y avait une équipe de chercheurs : il faut s’en vanter et en parler au grand jour. »

Après des années de travail et de nombreuses démarches pour faire évoluer le dossier, son idée de centre fait son chemin et, grâce à un financement de près de 25 millions de dollars, le Centre sur la biodiversité de l’Université de Montréal voit finalement le jour en mars 2011 : elle en devient la directrice scientifique : « On a obtenu la collaboration entière des gens du Jardin parce que la construction avait lieu à cet endroit. On a travaillé tous ensemble à ce projet. Ce fut épuisant, mais à la fois un beau défi intéressant. »

Un réseau pancanadien

 

Impossible de passer sous silence une autre des réalisations majeures d’Anne Bruneau : la plate-forme « Canadensys », qui met en réseau des collections de sciences naturelles (plantes, insectes et champignons) des universités canadiennes. Chercheurs et experts disposent là d’une mine d’informations précieuses : « L’idée, d’une certaine manière, c’était d’ouvrir ces collections à tout le monde. »

Elle se réjouit de constater que « le réseau a pris forme avec une dizaine d’universités et qu’il y en a maintenant une vingtaine qui sont impliquées. »

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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