Éliminer le diabète avec une diète faible en calories?

À partir d’avril 2014, Normand Mousseau s’est imposé un régime à très faible teneur en calories pendant quelques mois, soit le temps d’atteindre un poids santé pour sa taille. Dès les premières journées où il s’est soumis à ce régime, il a retrouvé une glycémie normale à jeun, ce qui lui a permis d’arrêter sa médication. Depuis un an et demi, il est en rémission de son diabète qui avait été diagnostiqué en mai 2013.
« Depuis un an et demi, je surveille ce que je mange. Je fais un peu de sport. Je mange plus de légumes et j’évite les aliments trop caloriques. Je mange un dessert tous les soirs, mais je ne consomme pas trop de patates. Parfois, j’ai des envies ; si je me les autorise, il faut que je paie pendant les quelques jours qui suivent », confie M. Mousseau, qui a voulu faire connaître à tous le succès de sa démarche en publiant un livre intitulé Comment se débarrasser du diabète de type 2 sans chirurgie ni médicament.
Les spécialistes du diabète interrogés par Le Devoir confirment que la restriction calorique est très efficace pour prévenir, voire induire une rémission du diabète. « L’expérience clinique montre toutefois que la plupart des patients ne sont pas capables de s’imposer un tel régime [de 600 à 700 calories par jour] et ensuite de maintenir leur poids sur le long cours », affirme le Dr Rémi Rabasa-Lhoret, directeur de la clinique en diabète, métabolisme et obésité et de la plateforme de recherche en obésité, métabolisme et diabète à l’Institut de recherches cliniques de Montréal (IRCM). « Pour maintenir son poids, il faut s’imposer un certain degré de restrictions, car la courbe normale de perte de poids est comme le symbole de Nike, ça descend et ça finit par remonter, et souvent plus haut que là où on était, c’est ce qu’on appelle le yo-yo. Il y a quelque chose dans l’organisme qui a tendance à toujours nous ramener vers le poids maximum qu’on a fait », souligne-t-il avant de relater une vaste étude ayant porté sur 176 000 personnes obèses et au cours de laquelle seulement une femme sur sept et un homme sur huit qui avaient perdu 5 % de leur poids ont maintenu leur perte de poids durant neuf ans.
« Ce qui a marché chez M. Mousseau ne va pas marcher chez 95 % des gens. Il y a des individus qui sont massivement obèses et qui n’ont pas le diabète, puis d’autres qui présentent un petit excès pondéral et qui ont le diabète. Il y a beaucoup de variations entre les individus. Certaines personnes devront perdre 15 % de leur poids, pour d’autres, 5 % suffira. Et il n’y a pas un diabète de type 2, mais des dizaines de diabètes de type 2 différents », ajoute Marc Prentki, directeur du Centre de recherche du diabète de Montréal et professeur à l’Université de Montréal.
Effets secondaires et autres problèmes
Le régime à faible teneur en calories (RFTC) peut entraîner chez plusieurs personnes des effets secondaires sérieux, soulignent les deux spécialistes. Toute chute de poids entraîne une perte de muscle. Pour cette raison, « ce régime n’est absolument pas indiqué pour les personnes âgées de plus de 60 ans, prévient le Dr Rabasa-Lhoret, car à partir de cet âge, il est quasiment impossible de regagner la masse musculaire perdue. »
Le RFTC peut également induire des problèmes cardiaques en raison du manque de protéines et une cétose en raison d’une trop grande oxydation des acides gras. La cétose peut occasionner une grande fatigue, des étourdissements, une soif excessive, des nausées ou des maux de ventre, voire des troubles du sommeil. Certains pourront faire des accidents de la circulation en raison de faiblesses ou d’une vision devenue floue. De plus, ce type de régime peut changer dramatiquement l’humeur, au point de mener à la dépression ou à des comportements alimentaires pathologiques, comme l’anorexie mentale. Qui plus est, « la plupart des patients mangeraient beaucoup plus après. Le prix à payer chez la plupart des gens serait pire que le diabète », croit M. Pentki.
« Cette stratégie serait plus appropriée pour les personnes qui sont sur le point d’être diabétiques, car plus la maladie est ancienne, moins elle fonctionne bien », signale le Dr Rabasa-Lhoret.
Si la restriction calorique sévère permet de renverser la vapeur, soit de stopper complètement l’évolution du diabète, voire de retrouver la santé, c’est donc qu’elle favorise la régénération des cellules bêta productrices d’insuline du pancréas, indique M. Mousseau. Or, selon Marc Prentki, « les cellules bêta se régénèrent très peu chez l’humain après l’âge de 20 ans. Chez la souris, la régénération est plus grande, mais elle est également liée à l’âge. [Quand apparaît le diabète], les cellules bêta ne contiennent plus d’insuline parce que tout ce qui était stocké à l’intérieur est sorti. Or, quand on suit une diète majeure [comme celle adoptée par M. Mousseau], les cellules bêta ne sécrètent plus d’insuline, elles peuvent alors reformer leur stock d’insuline. »
Même si Normand Mousseau réussit à maintenir son poids pendant le reste de sa vie, « on ne peut garantir qu’il n’aura pas besoin de pilules un jour, affirme le Dr Rabasa-Lhoret. Le diabète devrait revenir à un moment donné en raison de l’effet combiné du vieillissement et d’une légère augmentation de poids, et aussi parce que ses cellules bêta sont fragiles compte tenu de sa génétique. Mais s’il maintient la stratégie qu’il a adoptée, ce sera plus tard et plus facile à traiter. »
Perte de poids et activités physiques
Les réserves exprimées par les spécialistes du diabète ne signifient pas qu’ils soient contre toutes les diètes limitées en calories. Le Dr Rémi Rabasa-Lhoret rappelle que plusieurs études ont montré clairement que si on embarque des personnes obèses ou en surpoids qui sont sur le point de devenir diabétiques dans un programme visant à perdre 5 % de leur poids, et comportant 150 minutes d’activité physique par semaine et une diète méditerranéenne incluant un peu plus de fruits et de légumes et un peu moins de viande, on réduit de 60 % leur risque de diabète sur un horizon de quatre ans.
Pour sa part, Marc Pentki recommande aux diabétiques de perdre du poids, mais de façon plus graduelle que par un RTFC. Il insiste sur l’importance de pratiquer 30 minutes d’activité physique par jour. « Même après l’exercice, alors qu’on est au repos, on continue à brûler des calories sur place pendant quelques heures », précise-t-il avant d’ajouter que « les personnes qui mangent trop doivent remplacer le plaisir de manger par quelque chose d’autre, parce que dans le cerveau ce sont les mêmes centres qui régulent le plaisir, que ce soit celui lié au sucre, à l’exercice, au sexe ou à la cocaïne ».
« Quand j’ai vu que j’avais la possibilité de guérir, ça m’a donné la motivation pour faire ce régime », confie Normand Mousseau, qui déplore le fait que les médecins ne proposent pas à leurs patients la chirurgie bariatrique ou le régime à très faible teneur en calories, deux stratégies qui semblent permettre la guérison du diabète. Néanmoins, il comprend leurs réticences : « Les médecins ont raison d’être conservateurs face à toutes les recettes, régimes et pilules miracles qui sont proposés. Je ne crois pas en une théorie de la conspiration. Le système médical est simplement réfractaire aux diètes sévères de peur que leurs patients fassent le yo-yo. On ne veut pas les embarquer dans des programmes qui vont les conduire à des extrêmes constamment. »