Stratégie de recherche pour mieux comprendre le Nord

Émilie Corriveau Collaboration spéciale
Churchill, près de la baie d’Hudson, dans la province du Manitoba
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir Churchill, près de la baie d’Hudson, dans la province du Manitoba

Ce texte fait partie du cahier spécial Recherche

Pour sa stratégie de recherche transdisciplinaire Sentinelle Nord, l’Université Laval obtenait en juillet dernier la confirmation d’une subvention historique de 98 millions de dollars. Accordée par le programme fédéral Apogée Canada et octroyée sur une période de sept ans, celle-ci permettra à de nombreux scientifiques et chercheurs d’étudier le Nord canadien sous des angles aussi variés que l’environnement, le climat, l’économie et la santé.

Né d’une initiative commune du Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH), du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie (CRSNG) et des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), le programme Apogée Canada, financé à la hauteur de 350 millions de dollars, est le premier fonds d’excellence en recherche lancé par le gouvernement fédéral. S’adressant à des établissements canadiens d’enseignement postsecondaire, il a pour objectif d’aider des institutions à traduire leurs plus grandes forces en compétences de calibre mondial et, par le fait même, de leur permettre de briller dans des domaines de recherche susceptibles de créer des avantages économiques à long terme pour le pays.

Parce qu’elle s’appuie sur une confluence de domaines de recherche stratégiques dans lesquels l’Université Laval excelle depuis de nombreuses années, soit les sciences de l’Arctique, l’optique-photonique, la cardiométabolique et la santé mentale, il est compréhensible que Sentinelle Nord ait obtenu la faveur du comité de sélection d’Apogée Canada.

Mais d’après Yves de Koninck, codirecteur scientifique de la stratégie Sentinelle Nord, directeur scientifique de l’Institut universitaire en santé mentale de Québec et directeur de la recherche du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Capitale-Nationale, c’est aussi beaucoup en raison de son caractère foncièrement transdisciplinaire que la stratégie de recherche de l’Université Laval a obtenu une subvention aussi importante.

« À l’Université Laval, on a tendance à tisser pas mal de liens entre les disciplines, ça fait partie de nos habitudes, indique-t-il. Nos chaires d’excellences actuelles en sont la démonstration. Mais Sentinelle Nord, c’est autre chose. Il s’agit d’une approche fondamentalement transdisciplinaire et c’est ce qui semble avoir vraiment intéressé le comité d’Apogée Canada. »

Au-delà de la multidisciplinarité

Plus qu’un simple projet scientifique, Sentinelle Nord se veut une stratégie de recherche holiste dont la visée est de permettre d’affiner notre compréhension de l’humain, de son environnement et des conséquences des changements climatiques sur les populations et leur santé. Comme c’est dans l’Arctique que le réchauffement climatique fera le plus agressivement sentir ses effets et que la région sera aussi soumise à d’importantes transformations socioéconomiques au cours des prochaines décennies, l’Université Laval a jugé pertinent d’y concentrer ses efforts.

« Le grand objectif de cette stratégie de recherche, c’est de comprendre le système couplé homme-environnement dans le Nord, et ce, particulièrement au moyen de technologies optiques. Ce que l’on souhaite, c’est d’être capables de mesurer à tout moment un certain nombre de variables importantes de l’environnement et de la santé. Pour y parvenir, on va notamment développer un réseau de capteurs intelligents. Ça va nous permettre d’abord de savoir où on en est, mais également d’élaborer des outils de diagnostics précoces et de prédiction. Le tout servira ensuite à alimenter des stratégies de développement durable, ou encore des stratégies de gestion de crise environnementale ou sanitaire », précise Marcel Babin, codirecteur scientifique de Sentinelle Nord, titulaire de la Chaire d’excellence en recherche du Canada sur la télédétection de la nouvelle frontière arctique du Canada et directeur scientifique du centre Takuvik.

Pour parvenir à ce résultat, de nombreux chercheurs seront mobilisés. « Je m’attends à des approches extrêmement innovantes, parce que la vraie transdisciplinarité est extrêmement fertile, signale M. de Koninck. Lorsqu’on invite des gens issus de domaines aussi différents que la santé mentale et l’environnement à collaborer, on se retrouve inévitablement avec des propositions très créatives. »

C’est ce que croit aussi M. Babin, qui rappelle que les chercheurs tendent souvent à créer des partenariats avec des pairs oeuvrant dans des institutions alliées, mais que de façon générale ils interagissent assez peu avec des collègues immédiats dont les champs d’expertise diffèrent des leurs.

« Prenons l’exemple de ce que nous faisons à l’Université Laval. On peut supposer qu’en croisant ce que savent faire nos chercheurs du cerveau avec ce que nous, on fait en environnement, donc en pratiquant de la fertilisation croisée, on puisse développer des idées extrêmement intéressantes pour améliorer notre connaissance des écosystèmes. Par exemple, nos collègues de neurosciences travaillent à développer des méthodes extrêmement précises pour faire de l’imagerie cellulaire. Parmi les organismes modèles qu’ils utilisent, il y a les diatomées, qui sont le groupe de phytoplancton le plus commun dans l’océan. En environnement, nous nous intéressons aussi au comportement et à la structure intracellulaire des diatomées. Il m’apparaît évident qu’en combinant nos expertises, on augmente nos chances de faire des découvertes intéressantes. C’est précisément l’idée derrière Sentinelle Nord. »

Premiers balbutiements

 

Bien que Sentinelle Nord n’en soit encore qu’aux premiers balbutiements de son déploiement, déjà, l’établissement d’une structure de gouvernance s’avère une priorité pour l’Université Laval. La prochaine étape de cet ambitieux projet sera la mise sur pied d’un panel scientifique international et de comités-conseils. Des appels à propositions de recherche axées sur la découverte seront aussi bientôt lancés. Suivra la création de nouvelles chaires de recherche, de nouvelles unités mixtes de recherche, d’un programme de bourses et d’écoles internationales.

« Évidemment, nous allons devoir recruter, note M. de Koninck. Nous allons approcher d’autres chercheurs de renommée mondiale. On va aussi continuer à développer notre infrastructure d’optique-photonique pour pouvoir répondre aux besoins de développement technologique que les projets vont présenter. »

Cela signifie notamment qu’un nouveau programme de doctorat transsectoriel au croisement de l’environnement, de l’optique-photonique et des sciences de la vie sera créé. Également, un centre de conception d’instruments sera mis sur pied.

Manifestement, Sentinelle Nord consolidera la position de chef de file de l’Université Laval en matière d’études nordiques et propulsera encore plus loin l’établissement sur la scène internationale.

« Nous espérons mener ce type de recherches transdisciplinaires depuis longtemps, mais nous n’avons jamais eu accès à des structures financières adéquates pour que ce soit possible, souligne M. Babin. Maintenant, nous avons le cadre pour le faire et c’est extrêmement stimulant pour tout le monde ! »

Ce contenu spécial a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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