Splendeurs et misères de la science

Un autoportrait de la sonde «Rosetta», à une distance de 16 km de la surface de la comète Tchouri
Photo: ESA/Rosetta/Philae/CIVA Un autoportrait de la sonde «Rosetta», à une distance de 16 km de la surface de la comète Tchouri
Personne n’avait vu venir la pire épidémie d’Ebola de l’histoire, mais, pendant ce temps, un petit robot s’est posé sur une lointaine comète après avoir voyagé 10 ans dans l’espace. Entre échecs et splendeurs, une revue des histoires de science qui ont marqué 2014 et de celles qui s’annoncent en 2015.
 

Exploration spatiale

Le magazine Science a décrété « réalisation scientifique de l’année 2014 » la mise en orbite de la sonde Rosetta autour de la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko (« Tchouri » pour les intimes) et l’atterrissage, en novembre, du robot Philae à sa surface. Le couple sonde-robot avait parcouru l’espace pendant 10 ans avant d’arriver à destination ! Même si ce dernier, qui a échoué dans un cratère trop sombre pour utiliser ses panneaux solaires, a épuisé sa réserve énergétique en quelques heures. Qu’à cela ne tienne : les données de Philae pourraient être récupérées et les scientifiques espèrent sa résurrection en 2015, alors que la comète s’approchera du Soleil. De plus, en orbitant à parfois moins de 10 km de la surface glacée de la comète, Rosetta aussi enverra de précieuses informations à la Terre. La mission doit nous renseigner sur les origines de notre système solaire… Rien de moins !

L’année 2015 s’annonce excitante pour d’autres raisons également pour les passionnés de l’espace. À compter de mars prochain, deux astronautes amorceront un séjour d’un an à bord de la Station spatiale internationale — une première. Le robot Curiosity continuera à arpenter la surface martienne. La résolution pour 2015 d’Ellen Stofan, scientifique en chef à la NASA ? S’approcher de l’objectif visant à envoyer une mission habitée sur la planète rouge d’ici 2030, rapporte Nature en entrevue.

Environnement

 

Elles ont marqué 2014 et revêtiront une importance capitale en 2015 : les négociations en vue d’un accord sur la lutte contre les changements climatiques s’accélèrent, mais aboutiront-elles ? Le sommet de Paris, sous l’égide de l’ONU, aura lieu en décembre 2015. À Lima, en décembre dernier, 195 États ont convenu de présenter leurs propositions d’ici mars prochain. Ils doivent présenter un plan assez ambitieux pour limiter le réchauffement planétaire moyen à 2 degrés Celsius, ce qui requiert une réduction mondiale des émissions de GES de 40 à 70 % d’ici 2050.

Selon l’Agence océanographique et atmosphérique des États-Unis (NOAA), l’année 2014 devrait être la plus chaude jamais enregistrée depuis que des données sont compilées.

Médecine

 

Avec 18 000 malades et près de 7000 morts, 2014 aura été l’année de la pire épidémie d’Ebola dans l’histoire. Le magazine Science en fait son « échec » scientifique de l’année. Après un premier cas déclaré dans le village guinéen de Meliandou en décembre 2013, les autorités de santé publique ont pris plus de trois mois avant de comprendre qu’une épidémie était en cours. Le 31 mars, Médecins sans frontières déclarait que le monde affrontait une épidémie sans précédent. La communauté internationale a aussi été lente à réagir, ne mettant réellement le pied sur l’accélérateur que cet automne, alors que le virus pénétrait avec fracas dans des pays occidentaux. La Guinée, le Liberia et la Sierra Leone sont toujours sévèrement touchés.

Le virus sera-t-il vaincu en 2015 ?, demande la revue Nature. « Un usage accru des mesures de santé publique réputées efficaces, comme la détection rapide et l’isolement des malades, sera nécessaire », avertit le média scientifique. Les résultats des essais cliniques de plusieurs vaccins expérimentaux devraient nous arriver d’ici juin. Un traitement à base d’anticorps de personnes ayant survécu au virus est également à l’essai et pourrait être déployé rapidement s’il s’avérait concluant.

La publication médicale The Lancet fait aussi de 2014 l’année où la résistance aux antibiotiques a enfin été prise un peu plus au sérieux. D’ici 2050, cette plaie pourrait faire 300 millions de morts, avertissait en décembre le rapport intitulé Review on Antimicrobial Resistance. La Grande-Bretagne a annoncé un vaste partenariat scientifique pour contrer le phénomène, alors que le président américain, Barack Obama, a lancé une stratégie nationale ainsi qu’un concours pour le développement de tests diagnostiques rapides visant à détecter les infections causées par des bactéries résistantes. « La menace est encore plus grande que celle posée par Ebola », a averti Richard Smith, de la London School of Hygiene and Tropical Medecine, à Londres, en entrevue avec Scientific American.

 

Physique

Il dort depuis deux ans. Mais, en mars 2015, le Grand Collisionneur d’hadrons (LHC) devrait reprendre, enfin, du service. Il y a quelques semaines, le Conseil du CERN a annoncé que le plus puissant accélérateur de particules au monde, situé à Genève, en Suisse, était presque prêt à reprendre sa mission principale : repousser les frontières de la physique. La température de l’accélérateur sera abaissée à -271,3 degrés Celsius, un mercure encore plus froid que dans les profondeurs de l’espace. Cette remise en marche doit donner le coup d’envoi à une période d’exploitation de trois ans pendant laquelle le LHC fonctionnera à une énergie près de deux fois supérieure à celle qui prévalait lors des expériences précédentes. « C’est pratiquement une nouvelle machine », de s’enthousiasmer le directeur des accélérateurs et de la technologie du CERN, Frédérick Bordy. Après avoir détecté la présence du mystérieux boson de Higgs lors de sa période d’exploitation 2010-2012, que nous réserve ce LHC revampé ? Ce n’est rien de moins que le modèle standard de la physique qui risque d’être mis en doute si l’accélérateur ne détecte pas les particules élémentaires sur lesquelles la théorie repose.



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