Des scientifiques de 32 pays critiquent Harper

Plus de 800 scientifiques de 32 pays ont adressé une lettre au premier ministre Stephen Haper l’exhortant à rétablir le financement et la liberté d’expression des scientifiques oeuvrant au sein du gouvernement canadien.
Plus particulièrement, les signataires de cette lettre ouverte déplorent le fait que leurs collègues canadiens se voient contraints d’abandonner certains de leurs projets de recherche faute de financement, et qu’ils soient de moins en moins autorisés à communiquer les résultats de leurs travaux et à collaborer avec leurs collègues des autres pays.
L’initiateur de cette lettre est l’Union of Concerned Scientists (UCS) de Washington, qui s’est opposée par le passé à des compressions et à des restrictions semblables que le gouvernement états-unien imposait à ses scientifiques. Soi dit en passant, la situation s’est assainie chez nos voisins du Sud. Le Congrès américain a même reconnu combien il était important que les scientifiques se rencontrent entre eux.
« L’UCS a voulu venir en aide aux scientifiques canadiens travaillant au sein de différents ministères et services fédéraux », précise Peter Bleyer, conseiller spécial à l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC), qui fait partie des signataires. Succincte, la lettre rappelle au premier ministre que la complexité des défis environnementaux et de santé publique actuels requiert « l’entière collaboration des scientifiques du monde entier ». Or, elle évoque des sondages récents ayant révélé une flagrante réduction des libertés et du financement des scientifiques du gouvernement canadien qui compromet « la poursuite de leurs recherches, la communication de leurs résultats et leurs collaborations internationales ».
La lettre cite également un éditorial du New York Times accusant le gouvernement de M. Harper de vouloir garder la population canadienne dans l’ignorance quant aux impacts environnementaux de l’exploitation des sables bitumineux de l’Alberta en muselant les scientifiques fédéraux. La lettre presse le premier ministre de « supprimer au plus vite les restrictions et les barrières à la communication et à la collaboration scientifiques qui sont imposées aux scientifiques du gouvernement canadien ».
Plusieurs signataires de la lettre sont des scientifiques affiliés à des institutions et organismes réputés, tels que la Harvard Medical School, le Norwegian Institute for Water Research et le Max Plack Institute, en Allemagne. La plupart d’entre eux collaboraient avec des scientifiques canadiens. « Lorsqu’ils ont signé la lettre, ils ont été invités à préciser le nom des scientifiques avec lesquels ils collaboraient et les problèmes qu’ils ont rencontrés dans le cadre de leur collaboration », indique Peter Bleyer. Par exemple, Ken Drinkwater, un chercheur chevronné de l’Institut de recherche marine de Norvège, a écrit « avoir eu des difficultés à organiser des études conjointes avec les scientifiques de Pêches et Océans Canada, car ceux-ci ne disposaient pas de financement pour mener ces études à grande échelle ». Une étudiante diplômée de l’Université de Tolède, Jennifer Sieracki, a affirmé pour sa part que ses collègues canadiens « avaient été fortement restreints dans leur possibilité de se rendre à des rencontres et des conférences ayant lieu à l’extérieur du Canada, ce qui avait eu pour conséquence de réduire la communication sur leurs projets ».
La majorité des commentaires faits par les scientifiques de l’étranger soulignaient la difficulté pour les scientifiques canadiens de poursuivre des collaborations internationales à cause d’un manque de financement de leurs projets ou parce que les autorités ne les autorisaient pas à participer aux rencontres internationales. « Pour collaborer à un projet international, un chercheur doit lui-même être financé adéquatement », rappelle M. Bleyer avant de souligner que les messages transmis par les scientifiques d’ailleurs s’apparentaient énormément à ceux qu’avaient faits les scientifiques fédéraux dans le cadre d’un sondage mené par l’IPFPC, il y a un an. « Notre sondage nous a également permis de constater que le choix des projets à entamer ou à poursuivre relève désormais de décisions politiques qui ne tiennent plus compte des faits scientifiques. »
Ironiquement, la publication de cette lettre coïncide avec la Semaine nationale des sciences et de la technologie, instituée par le gouvernement Harper dans le but d’intéresser les jeunes aux carrières scientifiques et à « célébrer le rôle important du Canada en matière d’innovation ».
Avec La Presse canadienne