On sait pourquoi il y a moins de monarques au Québec

Le récent déclin de la population de papillons monarques de l’est de Amérique du Nord serait principalement dû à la détérioration de leur aire de reproduction située dans les zones agricoles du sud des États-Unis. Les changements climatiques et la déforestation des montagnes mexicaines, où le papillon hiverne, y contribueraient beaucoup moins qu’on ne le croyait jusqu’à maintenant, indique une nouvelle étude effectuée par des chercheurs à l’Université Guelph et dont les résultats sont publiés dans le Journal of Animal Ecology.
Les monarques hivernent année après année dans les mêmes boisés d’un secteur montagneux du centre du Mexique avant d’entreprendre en mars ou au début d’avril leur longue migration vers le nord. Quand elles atteignent le sud du Texas, les femelles pondent leurs oeufs sur les feuilles d’asclépiades et meurent. Ce sont donc les adultes issus des métamorphoses de ces oeufs en chenilles, puis en chrysalides d’où sortiront de magnifiques papillons orangés et zébrés de noir, qui reprennent la route vers le nord et dont plusieurs rejoindront le sud de l’Ontario et du Québec. Dans nos régions, les adultes se reproduisent, deux ou trois générations peuvent s’y développer avant la fin d’août et le début de septembre, moment où les derniers-nés entreprennent la migration vers le Mexique.
Les scientifiques ont d’abord cru que la déforestation des habitats où hivernent ces fragiles bestioles ainsi que les événements météorologiques extrêmes étaient les facteurs responsables du graduel déclin depuis 20 ans de la population de monarques de l’est de l’Amérique du Nord. « À son apogée, il y a 20 ans, cette population comptait 500 millions d’individus, alors que l’an dernier on en a dénombré 30 millions dans les boisés du Mexique où ils hivernent », précise Tyler Flockhart, stagiaire postdoctoral à l’Université Guelph en Ontario, qui, avec le professeur Ryan Norris, a mis au point un modèle mathématique permettant de prédire l’impact qu’auront la détérioration des habitats d’hivernation, celle des aires de reproduction et les changements climatiques sur la vitalité de la population de monarques qui migrent chez nous.
Diminution du nombre de plants d’asclépiades
Les chercheurs ont ainsi découvert que c’est la raréfaction des plants d’asclépiades dans les aires de reproduction du papillon qui a provoqué le déclin de la population de monarques observé dans l’est de l’Amérique du Nord. « Les deux autres facteurs, les changements climatiques et la déforestation des montagnes du Mexique, ont aussi une certaine influence, mais celle-ci est beaucoup moindre », précise M. Flockhart.
L’agriculture intensive qui est pratiquée dans ces États méridionaux des États-Unis — où les monarques déposent leurs oeufs — a en effet provoqué une diminution de 21 % du nombre de plants d’asclépiades entre 1995 et 2013. La culture de céréales génétiquement modifiées (GM), qui n’a cessé de prendre de l’ampleur au cours des 15 dernières années, ne fait qu’amplifier le problème. « Les céréales GM sont résistantes aux herbicides. Quand les agriculteurs appliquent ces herbicides dans leurs champs, leurs cultures ne sont pas affectées, mais toutes les mauvaises herbes, dont les asclépiades qui sont normalement présentes dans les zones agricoles, sont éliminées. Or, comme l’asclépiade se raréfie, on retrouve ainsi un plus grand nombre de larves sur chaque plant d’asclépiades. Ce sont donc les larves qui sont les plus affectées, car elles ne trouvent plus autant de nourriture qu’autrefois. Et cette situation a des répercussions sur tout le reste du système », explique le chercheur.
Déclin
Si rien n’est fait pour favoriser le retour des asclépiades, le modèle prédit un déclin de 14 % de la population actuelle de monarques dans l’est de l’Amérique du Nord au cours du prochain siècle. « Nous ne prévoyons pas une extinction de l’espèce [Danaus plexippus], car elle est largement répandue à travers l’Amérique du Nord ainsi que dans les Tropiques, où vivent d’autres populations de monarques. Mais la migration entre les trois pays (Mexique, États-Unis et Canada) de ces milliers de papillons, quant à elle, risque de disparaître, car nous ne savons pas ce que ces papillons vont faire face à la menace », affirme Tyler Flockhart, qui croit possible de renverser à court terme ce phénomène « en plantant des asclépiades dans les jardins et les bords de route afin d’en augmenter le nombre ».