La vraie nature des radiofréquences

La nature des interactions qui ont lieu entre les ondes électromagnétiques et l’organisme humain dépend de la fréquence de ces ondes, soit le nombre d’oscillations par seconde. Plus cette fréquence est élevée, plus les ondes, ou les particules auxquelles elles sont associées en vertu de la dualité onde-particule décrite par la mécanique quantique, sont dotées d’énergie. Ainsi, les ondes de très hautes fréquences, telles que les rayons gamma émis par les substances radioactives, les rayons X et les ultraviolets, possèdent suffisamment d’énergie pour arracher un électron aux atomes et casser une liaison chimique, voire « changer la chimie du corps et causer le cancer », souligne le physicien Normand Mousseau de l’Université de Montréal. C’est pourquoi on les dénomme « rayonnements ionisants ».

 

Les fréquences des ondes radio qui sont utilisées pour le transport d’informations dans les technologies de communication sans fil sont quant à elles beaucoup plus basses, et de ce fait beaucoup moins énergétiques. L’énergie que véhiculent les particules associées aux radiofréquences est trop faible pour ioniser la matière, pour arracher un électron et provoquer des ruptures dans les liaisons chimiques. C’est pourquoi on les considère comme des rayonnements non ionisants.

 

Pas d’effet cumulatif

 

« Ce qui importe, ce n’est pas la somme de toutes les ondes émises par les diverses sources auxquelles nous sommes exposés, mais plutôt l’énergie d’un seul photon. Pour être capable de briser une liaison chimique, il faut que chaque photon ait suffisamment d’énergie pour arracher un électron. Même s’ils sont 1000photons de même énergie à traverser la matière, ils ne réussiront pas plus à arracher un électron », explique M. Mousseau en donnant l’exemple des canons. « Si les Parisiens voulaient attaquer l’Angleterre et que chacun de leurs canons pris individuellement ne peut atteindre l’Angleterre, ce n’est pas en réunissant 1000 canons qu’ils y arriveront plus. »

 

Le principal effet biologique des champs électromagnétiques produits par les radiofréquences est donc uniquement de nature thermique. Cette propriété est mise à profit dans les fours à micro-ondes, qui émettent dans la gamme des radiofréquences. C’est aussi cet effet thermique qui est pris en compte dans l’établissement des normes de sécurité.

 

Le niveau d’exposition

 

L’intensité du champ électromagnétique s’atténue rapidement à mesure que l’on s’éloigne de la source d’émission des ondes. L’intensité à laquelle nous sommes exposées est de l’ordre d’environ 1/distance2. Les antennes de téléphonie cellulaire, les tours de radiodiffusion, les bornes Wi-Fi et les téléphones cellulaires émettent des ondes dans toutes les directions comme dans une sphère, ou à partir d’un point qui s’ouvre sur un cône. M. Mousseau compare le phénomène à un caillou qui frappe une étendue d’eau. « Au début, la vague est élevée. Puis, elle diminue à mesure qu’elle s’éloigne du point d’impact parce que l’énergie [qui est conservée] est répartie sur un périmètre de plus en plus grand. L’énergie émise par une borne est constante, mais comme elle doit être répartie sur une surface qui augmente avec la distance, elle s’atténue selon l’inverse de la surface de la base du cône ou de la sphère, soit ¼ π x r2. »

 

Le téléphone cellulaire est clairement le dispositif qui nous expose le plus aux radiofréquences, car on le tient très près de la tête. En raison de sa proximité, on évalue dans son cas le niveau d’exposition à la puissance absorbée par masse de tissu, une valeur qu’on appelle débit d’absorption spécifique (DAS) et qui s’exprime en Watt/kg de tissu. « Le téléphone cellulaire ne provoque a priori aucun effet d’échauffement, mais s’il augmentait la température corporelle d’un degré, ce ne serait pas dangereux car notre corps est capable de compenser cet accroissement par des mécanismes de régulation thermique, comme la sudation », précise Richard Leonelli au Département de physique de l’Université de Montréal.

 

À l’inverse, les compteurs intelligents de nouvelle génération d’Hydro-Québec figurent parmi les dispositifs qui émettent les moins grandes densités de puissance (de l’ordre de 55 µW/m2, alors que celle de la tour de radiodiffusion de Radio-Canada sur le mont Royal est de 120 000 µW/m2). Et en plus, ils n’émettent en moyenne que 83 secondes par jour.

 

« Selon le code de sécurité 6 de Santé Canada, on peut sans danger être exposé à une densité de puissance de quelque 6 W/m2. Pour atteindre cette limite, il faudrait que vous installiez au moins 1000 bornes Wi-Fi dans votre maison », donne en exemple M. Leonelli.

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