Génétique - 30 millions et une sommité pour McGill

Luda Diatchenko arrive de l’Université de Caroline du Nord pour mener des recherches sur les origines génétiques de la douleur chronique avec l’aide de 30 millions de dollars en subventions. 
Photo: Annik MH de Carufel - Le Devoir Luda Diatchenko arrive de l’Université de Caroline du Nord pour mener des recherches sur les origines génétiques de la douleur chronique avec l’aide de 30 millions de dollars en subventions. 

Faut-il dérouler les millions pour attirer les sommités à l’université ? Tout droit venue de l’Université de Caroline du Nord, Luda Diatchenko, généticienne spécialiste dans le traitement de la douleur, fait son entrée à l’Université McGill avec des fonds substantiels : une subvention de 10 millions en sept ans du fédéral, une somme de 20 millions versée par Québec, la pharmaceutique Pfizer et McGill, en plus de 785 000 $ de la Fondation canadienne pour l’innovation.

 

Mme Diatchenko, dont l’arrivée était annoncée mercredi à McGill en présence du ministre d’État aux Sciences et à la Technologie Greg Rickford, est la première de 11 nouveaux titulaires recrutés par huit universités canadiennes à obtenir une bourse de la Chaire d’excellence en recherche du Canada (CERC). Depuis 2008, dix-huit de ces chaires ont été créées au pays. À McGill, il s’agit d’une première.

 

Pour Luda Diatchenko et son équipe, les sept prochaines années seront donc consacrées à étudier les origines génétiques de la douleur chronique. À long terme, les chercheurs voudraient pouvoir personnaliser la médication selon les gènes des malades qui souffrent de manière permanente.

 

Si les subventions obtenues ont une durée de sept ans, les retombées à long terme seront nombreuses, assure le ministre Greg Rickford. « Nous nous rendons compte que les investissements effectués aujourd’hui nous permettront de paver la voie de l’avenir. »

 

Le ministre a évoqué l’enjeu de l’exode des cerveaux, cette fuite des scientifiques et chercheurs canadiens vers d’autres pays pour y trouver de meilleures conditions de travail. « Grâce à la vision de notre gouvernement, concrétisée sur le fond d’un programme comme les CERC, l’exode a fait place à un incroyable afflux de cerveaux. Les personnes novatrices que nous souhaitions garder au pays ont choisi de rester ici, dans les établissements canadiens », insiste Greg Rickford, qui croit que McGill bénéficiera de cette nouvelle venue, en s’inscrivant comme leader mondial en matière de douleur et de génétique.

 

« La recherche coûte cher. Les chercheurs sont des personnes travaillantes et ils ne vivent pas nécessairement dans le luxe », commente quant à elle la chercheuse, qui mentionne que le prix des infrastructures et des produits utilisés sont mirobolants. La dame se dit « fière et enthousiasmée par l’environnement intellectuel sans précédent » que lui offre McGill. Pour elle, c’est « le bon moment » pour McGill de s’inscrire comme leader mondial.

 

Trop à une seule Chaire ?

 

Attirer un chercheur vedette grâce à une subvention d’importance, c’est bien, mais que reste-t-il pour les autres scientifiques ? D’après Vincent Larivière, chercheur associé à l’Observatoire des sciences et des technologies et membre du Centre interuniversitaire de recherche sur la science et la technologie à l’UQAM, « les élites reçoivent beaucoup trop d’argent », au détriment du développement collectif d’une multitude de plus petits groupes de recherche.

 

Au-delà de l’aspect inégalitaire d’une telle attribution de ressource, Vincent Larivière soulève que « vous obtenez moins [de publications] par dollar » lorsque vous concentrez l’argent sur une même personne. « On a juste 24 heures dans une journée », signale-t-il.

 

Ce n’est pas l’avis de Jacques Beauvais, vice-recteur à la recherche à l’Université de Sherbrooke. L’université accueille depuis 2010 l’expert physique théorique Bertrand Reulet. Pour le vice-recteur, oui, il n’y a qu’un seul chercheur qui reçoit la subvention, mais il « agit comme un effet de levier » sur les scientifiques qui l’entourent. « Comme il fait partie d’une équipe avec plusieurs autres chercheurs, ça leur donne une opportunité de développer leurs activités de recherche à un autre niveau. […] Quand on va arriver au bout de la période de sept ans, on va avoir réussi à construire quelque chose de vraiment durable. » Pour lui, le CERC est non seulement un bon outil pour recruter de jeunes chercheurs (au nombre de 15 dans le cas de Sherbrooke), mais tout le milieu de recherche en ressortira plus fort.

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