La mélatonine, nouvelle piste contre l’insomnie

Plusieurs études visant à évaluer l’efficacité de la mélatonine à réduire l’insomnie ont été effectuées, mais elles ont donné des résultats contradictoires.
Photo: La Presse canadienne (photo) Frank Gunn Plusieurs études visant à évaluer l’efficacité de la mélatonine à réduire l’insomnie ont été effectuées, mais elles ont donné des résultats contradictoires.

Québec — Des chercheurs de l’Université McGill sont sur la piste d’une nouvelle substance qui pourrait devenir un excellent somnifère exempt des effets secondaires indésirables des Valium et cie, a-t-on appris dans le cadre du congrès de l’Acfas qui a lieu à Québec cette semaine.


Depuis 50 ans, les benzodiazépines, dont font partie le Valium, l’Ativan, le Serax et l’Halcion, sont couramment utilisées comme somnifères. Ces médicaments entraînent toutefois une dépendance, une tolérance et même des troubles cognitifs et moteurs. On dit même qu’ils sont responsables de la première cause de mortalité chez les aînés, car ils seraient souvent à l’origine de mauvaises chutes aboutissant à des fractures fatales. Pour éviter tous ces désagréments, plusieurs personnes se tournent vers la mélatonine, qui est accessible dans toutes les pharmacies sans ordonnance.

 

Études contradictoires


De multiples études visant à évaluer l’efficacité de la mélatonine à réduire l’insomnie ont été effectuées, mais elles ont donné des résultats contradictoires. Certaines menées chez l’animal ont montré que la mélatonine a au mieux un effet soporifique qui aide à induire le sommeil, mais qu’elle n’a pas d’effet hypnotique à l’instar des benzodiazépines.


Des chercheurs ont par ailleurs découvert que la mélatonine, qui est produite par la glande pinéale située à la base du cerveau, agit sur deux types de récepteurs particuliers (MT1 et MT2). En collaboration avec des chercheurs de l’Université de Montréal, Gabriella Gobbi du département de psychiatrie de l’Université McGill a montré que ces récepteurs étaient présents notamment sur les neurones du thalamus réticulaire, une région du cerveau qui intervient dans l’induction du sommeil profond à ondes lentes, qui est le sommeil le plus récupérateur car c’est durant cette période de sommeil lent - aussi appelée sommeil nonREM par opposition au sommeil paradoxal REM (pour rapide eye movement), durant lequel le corps est en atonie complète, les yeux font des mouvements rapides et réguliers, et ont lieu la plupart de nos rêves - que les battements cardiaques ralentissent, que la respiration se fait plus profonde, que l’organisme produit de l’insuline et que le corps se repose vraiment.


Selon des études antérieures, des substances capables de se lier aux deux types de récepteur à la fois n’avaient pas d’effet significatif sur le maintien du sommeil.


Gabriella Gobbi s’est alors appliquée à étudier l’effet d’une nouvelle substance qui ne se lie qu’au récepteur MT2. Elle a ainsi observé que cette substance dénommée UCM 765 augmentait la durée du sommeil profond nonREM total sans toutefois modifier le sommeil REM, contrairement « aux benzodiazépines qui aident à dormir mais qui détruisent les ondes lentes delta qui surviennent lors du sommeil le plus profond, qui est aussi le sommeil le plus important », a précisé la chercheuse tout en rappelant que « les meilleurs hypnotiques seront ceux qui augmenteront le sommeil profond nonREM sans changer l’architecture du sommeil comme le font malheureusement les benzodiazépines ».

 

Effet variable


Mme Gobbi a ensuite montré chez des rongeurs que l’UCM 765 augmentait l’activité électrique des neurones du thalamus réticulaire. Et pour confirmer le rôle spécifique des récepteurs MT1 et MT2 dans le sommeil, elle les a inactivés. Elle a ainsi découvert que les récepteurs MT2 intervenaient principalement dans le sommeil profond nonREM tandis que les MT1 agissaient plus spécifiquement sur le sommeil paradoxal REM.


« L’inefficacité de la mélatonine à réduire l’insomnie chez certaines personnes est probablement due au fait que la mélatonine agit sur les deux récepteurs (MT1 et MT2) à la fois, lesquels semblent avoir des effets antagonistes, a avancé Mme Gobbi. De plus, des études ont montré que la proportion de récepteurs MT1 et MT2 peut varier d’un individu à l’autre, certaines personnes possédant plus de récepteurs MT2 que de MT1, ce qui expliquerait la diversité des réponses à la prise de mélatonine. »


Ces travaux nous indiquent que « le récepteur MT2 est une cible à viser, c’est-à-dire à activer, par des médicaments pour accroître la durée du sommeil profond nonREM ». Et « il est permis de croire que ces médicaments n’induiront pas les effets indésirables des benzodiazépines, car le système à mélatonine n’intervient pas dans le phénomène de la dépendance », a dit Mme Gobbi en entrevue.


La molécule n’est toutefois pas encore tout à fait au point pour être expérimentée chez l’humain. « Il nous faut améliorer ses caractéristiques physico-chimiques. Mais surtout, il nous faut trouver le financement nécessaire pour mener des études cliniques, lesquelles coûtent très cher », a indiqué la chercheuse.

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